Chapitre 8 (2/2)

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Il ne put explorer plus profondément ce sentiment car une jeune femme se dirigea vers leur table d'une démarche gracieuse et sûre d'elle, des classeurs sous le bras. Ace prit le temps de la dévisager tandis qu'elle s'avançait : elle avait de longs cheveux bruns et des yeux noirs en amande qui trahissaient sans aucun doute des origines asiatiques. Chose étonnante qu'Ace n'avait jamais vue sur une femme, elle portait un blaser et un pantalon noir ainsi qu'un chemisier en soie bleu foncé. Cela ressemblait très fortement aux costumes que les hommes arboraient habituellement mais en moins... stricts. Ace ne connaissait rien à la mode féminine et Cassie, sa sœur, aurait été plus calée que lui sur le sujet. Il estima son âge aux alentours de la trentaine, elle n'était guère plus âgée qu'eux, mais une certaine prestance émanait d'elle.

Elle fit le tour et se posta derrière Tyler, une ébauche de sourire aux lèvres.

— Eh bien, Tyler, envoyer des messages au lieu de travailler n'est pas très bien vu par les professeurs en charge de vous encadrer, lança-t-elle d'une voix ferme qui dénotait avec l’expression rieur de son visage.

Elle fit quelques pas pour le contourner et pouvoir le toiser. Tyler releva la tête et son visage s'illumina. Ace, lui, ne disait rien, trop étonné par cette jeune femme qui rabrouait son binôme, et par le visage souriant de Tyler, qui redevenait pour la première fois celui que le blond avait l’habitude de montrer, et qui lui allait si bien.

— Ms. Pierce, s'exclama Tyler en faisant claquer les pieds de sa chaise sur le sol. Mais que faites-vous donc ici ? Non, attendez, ajouta-t-il devant le sourire de la femme, ne me dites pas que vous êtes notre professeure référente ?

— C'est une si mauvaise nouvelle pour toi, Tyler ? répondit-elle, en s'asseyant sur la chaise restante.

Elle croisa les jambes et posa ses deux classeurs sur la table.

— Comment pouvez-vous penser cela ? Bien sûr que non, je suis très content que ça soit vous.

Tyler semblait avoir retrouvé tout son entrain. Le visage d'Ace ne cessait de passer de Tyler à la jeune femme assise à leur table. Il ne comprenait plus rien, comment pouvait-elle être leur référente ? Elle était à peine plus âgée qu'eux. Et la manière qu'avait Tyler de s'adressait à la jeune femme, comme s'ils se connaissaient était assez déroutante.

— Vous êtes la professeure qui nous aidera pour notre Mémoire ? demanda Ace, perdu.

Ms. Pierce se tourna vers Ace, sans se départir de son sourire.

— C'est exact, répondit-elle. Depuis que je travaille dans cette université, je participe au programme mis en place par Mr. Johnsson. J'ai toujours eu à cœur d'aider mes étudiants et je trouve que ce programme est on ne peut mieux pour le faire. Je suis aussi professeure de Droit pénal et avocate au Barreau de Manhattan à mes heures perdues. Cela tombe bien, on m'as dit que vous en cherchiez justement un, ajouta-t-elle avec un clin d’œil.

— Et je suis bien content que ça soit vous ! intervint Tyler. Vous imaginez pas l'enfer que ça aurait été si on s'était tapé l'autre là... j'ai oublié son nom... grogna-t-il en se frappant le front.

— Enfin, Tyler, on ne dit pas du mal de ces enseignants ! rouspéta Ms. Pierce. Et je suis certaine qu'il n'aurait pas voulu t'encadrer également.

Tyler ouvrit grand les yeux et posa une main sur son cœur comme si ses paroles l'avait énormément blessé.

— Aller, trêve de bavardages, mettons-nous au boulot. (Ms.Pierce s'adressa à Ace) Je suis Ms. Pierce et j'ai ton ami ici présent en cours de Droit pénal. Comme je l'ai dit, je serais votre encadrante sur ce projet. Si je ne me trompe pas, tu es bien Ace Cruz, étudiant seconde année ? demanda-t-elle. C'est juste pour les formalités administratives.

Ace se contenta de hocher la tête, perplexe face à cette femme. Il se demandait encore comment elle pouvait être avocate et professeure en même temps. Elle n'avait que quelques années de plus qu'eux et pourtant, elle semblait faire preuve d'un aplomb et d'une répartie incroyable. Rien que pour cela, Ace l'admirait déjà beaucoup. Elle écrivit quelque chose sur une feuille de papier qu'elle avait sorti d'un classeur.

— Cela ne te dérange pas si je te tutoie et que je t’appelle par ton prénom ? continua-t-elle. Je le fais avec tous mes étudiants et je trouve que cela fait moins impersonnel. Et puis, nous avons presque le même âge, alors...

Elle sourit à Ace.

— Non, non pas du tout, répondit-il, en lui renvoyant son sourire.

Il se rendit compte qu'il souriait pour la première fois depuis la mort de sa mère à une – presque – inconnue. Il ne savait pourquoi, mais il émanait tant de bonté de cette professeure qu'Ace se sentait bien. D'habitude, les profs et lui, ce n'était pas une grande histoire d'amour. Bien qu'il avait de très bonnes notes, cela n'empêchait pas les enseignants de se faire une mauvaise opinion de lui. Ace était conscience que voir un jeune homme musclé, tatoué – bien qu'il n'avait pas autant de tatouages au lycée – et avec un air revêche peint sur le visage entrer dans leur salle de classe n'était déjà pas un bon point pour lui. Ils se faisaient leurs opinions sur les premières minutes de cours, et surtout sur le physique des élèves et l'endroit où ils s'asseyaient en cours. Il avait déjà eu quelques problèmes au lycée à cause de cela, et ce, malgré ses résultats scolaires.

Ms. Pierce ne connaissait en rien son parcours scolaire, mais elle ne l'avait pas jugé pour autant. Elle s'adressait à lui comme elle l'aurait fait à d'autres étudiants, sans être sur la défensive. Et en cela, Ace la remerciait.

Sentant un regard sur lui, Ace tourna la tête vers Tyler. Ils se regardèrent dans les yeux un court instant. Ce qu'Ace y lut le déstabilisa un peu. Il aurait juré voir les yeux de Tyler briller avant qu'il ne rompe le contact.

— Bien, une bonne chose de fait, lança Ms. Pierce, reconnectant Ace à la réalité. Maintenant, je vais vous expliquer ma façon de travailler, ce qui sera la vôtre par extension. (Elle regarda tour à tour Ace et Tyler). J'ai pour habitude de laisser mes étudiants travailler en binôme, sans pour autant ne pas les aider. Je ne veux pas que ce Mémoire devienne un travail handicapant pour vous. Bien au contraire, il est là pour vous montrer ce qu'on attendra de vous dans les années futures, tant dans la vie active, que dans la vie étudiante. Par conséquent, si vous avez la moindre question, si vous rencontrez la moindre difficulté, venez m'en parler. Je serais toujours disponible pour vous, entre deux cours par exemple, et s'il y a besoin d'approfondir un point, il est tout à fait possible de se voir en dehors de vos heures de cours. Je suppose que vous vous êtes échangé vos numéros de téléphone ?

— Yep, acquiesça nonchalamment Tyler.

— Parfait. Et bien je vous propose de faire de même avec moi. Comme cela, si vous avez besoin d'aide, vous m'envoyez un message et je vous réponds de suite. Cela vous convient ?

Ace ouvrit grand les yeux, surpris. Depuis quand un professeur donnait son numéro à des élèves ?

Ms. Pierce sortit son portable de sa poche et commença à échanger son numéro avec Tyler. Après tout, cette idée n'était pas mauvaise du tout.

Une fois cela fait, Ms. Pierce en revint à leurs moutons.

— Bien, maintenant parlons de votre Mémoire. Avez-vous réfléchi à votre sujet ?

— Bien sûr, répondit Tyler. On a pensé à « La notion de consentement dans une affaire d'agression sexuelle ».

Ms.Pierce hocha doucement la tête, pensive.

— On voudrait se poser la question de comment savoir s'il y a vraiment eu agression sexuelle alors que la défense peut plaider le consentement, expliqua Ace. Un examen médical lorsqu'il y a eu pénétration entre autre, ne révèle pas si la victime était consentante ou non. En gros, c'est la parole de la victime contre celle de l'agresseur présumé.

— Eh bien, c'est un sujet intéressant, répondit Ms. Pierce après un silence. Il reste assez centré sur un point mais sans être trop restreint non plus.

— Nous avons commencé à faire des recherches, annonça Tyler.

Il tourna son ordinateur de sorte que Ms. Pierce puisse lire les quelques notes inscrites. Elle le regarda, un sourire satisfait aux lèvres, avant de se pencher sur l'écran.

— C'est très bien pour un début, les complimenta-t-elle. Mais il faut revoir deux ou trois petites choses.

Ils passèrent ainsi les trois heures à travailler. Ms. Pierce leur expliqua les méthodes pour prendre des notes, rédiger un Mémoire et les aidèrent à trouver et sélectionner des articles de presse dans la bibliothèque ou sur Internet. Elle leur donna des brochures sur des témoignages d'anciens participants au programme et sur le temps à consacrer entre phases de recherche et de rédaction en fonction de la date où ils souhaitaient rendre leur travail.

Malgré la fatigue que ressentit Ace à la fin des trois heures, un étrange sentiment de plaisir l'envahit. Même si Tyler ne lui avait que très peu adressés directement la parole, Ms. Pierce se révélait être une personne énergique et dynamique. Son entrain avait contaminé Ace, et il s'était surpris à sourire plusieurs fois. Il était impossible de ne pas être à l'aise avec elle, et cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas pris du plaisir en compagnie d'autrui, en dehors de sa famille et d'Andreï, Abby et Matt.

Ms. Pierce finit par les quitter, après leur avoir renouvelé ses conseils et leur souhaitait bon courage.

Tyler rangea ses affaires sans adresser une parole à Ace. Il éteignit son ordinateur et le rangea dans sa sacoche, et prit son portable dans ses mains. Peut-être voyait-il du coin de l’œil Ace se craquer les doigts nerveusement ou triturer inconsciemment un stylo, mais il ne fit aucun commentaire. Peut-être aussi qu'une petite partie de lui jubilait de cela tandis qu'une autre était embêtée voire triste d'infliger cela à Ace.

Lorsqu'Ace vit Tyler s'éloigner de la table sans même un « bonsoir », il se dit qu'il devait le faire, sinon cela n'allait pas s'arranger. Il avait beaucoup réfléchi durant l'après-midi malgré la présence de Ms. Pierce à leurs côtés, et il voulait que Tyler le pardonne. Il s'était comporté comme un gros con, et c'était à lui de s'excuser. Et cela, même s'il jugé le comportement de Tyler puéril.

— Il se leva d'un bond, et suivit Tyler, abandonnant ses affaires.

— Tyler, attends ! s'écria-t-il pour le retenir.

Il vit distinctement les épaules du blond se lever puis se rabaisser comme s'il avait soufflé, avant qu'il ne se retourne.

— On dirait bien que les rôles se sont échangés, railla-t-il en fixant son regard bleu océan dans les yeux verts émeraudes de l'espagnol.

Putain, il n'y avait pas photo, ses yeux étaient magnifiques. Une mer de bleu qui s'étendait à perte de vue.

Tyler passa une main dans ses cheveux, ce qui fit reprendre les esprits d'Ace avant qu'il ne se perde dans leurs immensités. Là, sous le regard de jugement de Tyler, un sourire narquois aux lèvres, il se sentit incroyablement démuni. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale. Il n'arrivait pas à savoir si Tyler le regardait avec mépris ou compassion, peine ou gentillesse. Il ne sut pourquoi mais il voulait croire que c'était la deuxième option.

— Écoute j'ai été un vrai con avec toi... commença Ace.

— Ça, je te le fais pas dire ! s'exclama Tyler.

Ace déglutit, gêné.

— Je... excuse-moi, je ne savais plus ce que je disais, j'étais... je sais pas. Je me rends compte que je n'ai pas d'excuses, en fait.

Tyler continua de le regarder dans les yeux sans ciller. Il attendait patiemment.

— Je... Ça te dit de venir chez moi samedi après-midi ? On pourrait travailler sur notre projet. Tu sais, je n'invite pas n'importe qui chez moi, ajouta-t-il avant de se mordre la lèvre sous le regard amusé de Tyler.

— Je dois donc prendre cela comme un honneur d'être invité chez Ace Cruz ? demanda-t-il amusé.

Mais Ace ne décela aucune pointe de moqueries dans sa remarque.

Hum.. Eh bien oui, si tu veux, répondit-il, se sentant pris au piège.

— Et si je ne veux pas travailler avec toi et chez toi ? Tu n'as pas peur que je souhaite, je ne sais pas moi, m'amuser ?

Le sourire de Tyler s'élargit en un rictus charmeur. Ace écarquilla les yeux de stupeur. Le blond éclata de rire devant le visage effaré de son binôme.

— Il faut qu'on travaille ton sens de l'humour, Ace ! Aller, c'est d'accord, mais bien parce que c'est toi, accepta Tyler. Je te promets de ne pas te sauter dessus !

Ace roula des yeux, toute son assurance et son flegme retrouvés.

— Je t'enverrais l'adresse par message, souffla-t-il avant de s’éloigner avec pour seul salut, un hochement de tête.

Il ne put donc voir le sourire de triomphe qui éclairait le visage de Tyler ni son regard qui glissait sur son dos musclé.

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