Chapitre 28

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Le vendredi, Ace se rendit chez Tyler. Le portail était grand ouvert, Ace remonta l'allée jusqu'à la porte d'entrée. Ce qu'il préférait peut-être le plus chez Tyler, était l'extérieur. Un petit chemin en pierres sinuait à travers une pelouse impeccablement tondue. Au pied des murs, des rosiers avaient été plantés. Çà et là, des petits arbustes parsemaient le terrain. Cyprès, andromèdes du Japon, érables et orangers du Mexique et autres espèces qu'Ace ne reconnaissait pas, se partageaient paisiblement le jardin. Mais le plus incroyable était le gigantesque cerisier du Japon à gauche de la maison. Son tronc fort laissait supposer qu'il était là depuis bien des années. Du côté droit, se trouvaient trois énormes chênes qui formaient une minuscule forêt, et devaient donner un peu d'ombre pendant l'été.

Même en hiver, tout était entretenu, et l'endroit semblait être un petit coin paradisiaque, une oasis dans le New-York pollué du XXIe siècle. Au printemps, lorsque la chaleur revenait et que la nature renaissait, l'endroit de Tyler devait être magnifique. Ace se demanda s'il aurait la chance de pouvoir admirer cela dans quelques mois.

Il avait plut le matin, et l'air avait encore la senteur de l'herbe mouillée. Foulant de ses pieds les petits cailloux, dans un silence rendu possible par la tranquillité du quartier, Ace était apaisé. Il ne manquait que le chant des oiseaux. Mais les oiseaux devaient être cachés, il faisait encore très froid. Pour s'en protéger, Ace avait enfilé un de ses vêtements préférés : son col roulé violet. Il l'avait acheté cet été avec Cassie et son père. Sa sœur avait supplié Felipe de l'acheter, ne cessant de vanter qu'il faisait ressortir les cheveux noirs corbeau de son frère. Il l'avait assorti à un pantalon ample noir pour pouvoir être à l'aise chez Tyler. Il avait enfilé par-dessus un gros blouson noir, pour lui tenir chaud. Enfin, il n'avait pas oublié de prendre le bonnet offert par Tyler. Il savait que le voir avec lui ferait plaisir et puis, il adorait son couvre-chef. Il n'avait pas oublié de prendre un sac avec le nécessaire pour la nuit.

Arrivé sous le porche, Ace appuya sur la sonnette et attendit. Quelques instants plus tard, la porte s'ouvrit sur un Tyler souriant. Le jeune homme était habillé très décontracté, ne portant qu'un simple t-shirt noir, contrastant avec sa peau blanche, et un jogging de marque gris. Il était pieds nus, et ses cheveux n'étaient pas coiffés. Malgré cela, Ace le trouvait beau. Très beau.

— Salut ! s'exclama Tyler avec sa bonne humeur habituelle.

— Salut, lui répondit-il, aussitôt imprégné par la joie de vivre de son ami.

C'est tout naturellement que Tyler se pencha pour l'embrasser. Ace se laissa faire, avant de sourire tout contre les lèvres du blondinet.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Ace secoua doucement la tête.

— Tu t'es très vite complu dans ta situation, expliqua-t-il mystérieusement ?

Tyler le regarda en fronçant les sourcils.

— Tu entends quoi par là ?

— Rien, laisse tomber, cabrón.

Ace prit le visage de Tyler dans le creux de ses mains et déposa un baiser sur ses lèvres.

— Tu me fais entrer ou tu comptes me faire passer toute la journée dehors ?

Tyler leva les yeux au ciel, faussement exaspéré et rentra. C'était surtout pour camoufler la légère couleur cramoisie que prenaient ses joues. C'était si rare qu'Ace prenne l'initiative de l'embrasser.

Une fois à l'intérieur, Ace se défit de son blouson qu'il accrocha au porte-manteau.

— Au fait, commença Tyler en se retournant sur la pointe des pieds, on ne sera pas seul cette après-midi.

Il se mordit la lèvre, embarrassé. Ace le fixa.

— C'est-à-dire ?

— Mon père est à la maison. Il est rentré hier soir. Mais il repart ce soir, on sera seuls cette nuit et demain, s'empressa-t-il d'ajouter.

Ace avança lentement dans le salon pour le rejoindre.

— Mais ne t'en fais pas, il ne devrait pas nous déranger, on ira dans ma chambre et on agira normalement....

Tyler, souffla Ace une fois arrivé à sa hauteur. Ce n'est pas grave, je vais juste rencontrer ton père. Pas de quoi en faire un plat. Ce n'est pas comme si c'était une présentation officielle aujourd'hui. Je suis pas sûr que ça sera le cas un jour mais bon...

Il haussa les épaules d'un air futile.

— Ça très cher, je compte que ça arrive un jour ou l'autre, répliqua Tyler d'une voix sèche. Tu dois t'y attendre, je ne te lâcherais pas avant, cabrón.

Il accentua le dernier mot, comme pour se moquer de son ami. Ace haussa le sourcil.

Tyler l'embrassa une première fois, une deuxième, puis une troisième fois, écrasant ses lèvres contre celles d'Ace pour l'obliger à lui rendre son baiser. L'espagnol finit par céder quand Tyler appuya son doigt entre ses côtes pour le forcer à plier.

Soudain, ils entendirent des pas descendre le grand escalier en marbre menant à l'étage. Ils se séparèrent brusquement et se tinrent droit comme un piquet à une distance raisonnable.

Bien qu'Ace avait assuré à son ami que ce n'était qu'une rencontre avec le père d'un ami, il n'en menait pas large. Si jamais leur fréquentation prenait le chemin d'une vraie relation, il allait bien devoir rencontrer les parents de Tyler, en tant que petit-ami. Et cette première rencontre pouvait servir à prendre la température.

— Bien le bonjour, s'exclama l'homme quand il aperçut les deux jeunes hommes. Tu dois être Ace, Tyler m'avait prévenu que tu viendrais passer l'après-midi.

Âgé d'une quarantaine d'années, le père de Tyler était en plein dans la force de l'âge. Il ressemblait énormément à son fils : il avait les mêmes cheveux blonds et les mêmes yeux azur où on pouvait y lire une grande intelligence. Il avait une carrure plus imposante que Tyler, quoi que moindre que celle d'Ace, et une barbe de la même couleur que ses cheveux lui mangeait la mâchoire. Il était habillé d'un costume classique, dont il avait desserré le nœud de sa cravate.

Il descendit enfin les dernières marches avant de tendre sa main à Ace.

— Enchanté, je m'appelle Edward.

— Tout le plaisir est pour moi, répondit Ace.

— Comment avez-vous prévu de vous occuper ? demanda-t-il à son fils.

Il ne fallut qu'une seconde à Tyler pour jeter un regard à Ace avant de répondre. Elle fut également suffisante pour que l'espagnol aperçoive la lueur amusée dans ses yeux.

— Je ne sais pas encore, père. Il faut que nous terminions un travail pour la faculté. Vous savez, celui dont je vous ai parlé la dernière fois.

Ace nota que la façon de parler de Tyler avait changé quand il s'était adressé à son père. Il parlait plus posément, et même son vocabulaire n'était plus le même. Il trouva cela étrange, et il nota dans un coin de sa tête de lui demander pourquoi plus tard.

— Je vois. C'est très bien que vous ne preniez pas votre futur sur le ton de la rigolade. À votre âge, j'étais aussi impliqué que vous, ce qui m'a permis de devenir aujourd'hui un très bon chef de service. Tyler t'as expliqué que j'étais chirurgien de renom ?

— Oui, monsieur, il me l'a dit, répondit Ace. Ça doit être un métier passionnant.

— En effet. J'ai travaillé dur pour être où je suis, aujourd'hui. C'est ma plus grande fierté.

Je suis sûr qu'Ace serait enchanté d'écouter vos exploits une prochaine fois, mais nous devons vraiment allé travailler, interrompit brusquement Tyler.

Il posa sa main sur l'omoplate d'Ace pour l'entraîner vers l'escalier.

— Travaillez bien, leur souhaita Edward.

— Merci. Savez-vous quand vous partirez ?

Edward regarda sa montre.

— J'ai une opération importante prévue demain matin à la première heure à l'autre bout des Etats-Unis. Et ensuite, il faut que je retourne à New-York samedi, j'ai une conférence avec des confrères. Je pense que Gérald ne devrait plus tarder. Nous avions prévu qu'il vienne me chercher pour que nous y allions ensemble.

— D'accord, répondit simplement Tyler en continuant de gravir les marches sans se retourner. Prévenez-nous quand il sera là, j'irais le saluer.

Ils traversèrent le couloir jusqu'à la chambre de Tyler. Lorsqu'ils y parvinrent, le blond s'affala sur son lit, en se frottant le visage.

— Il ne peut pas s'empêcher d'être comme ça à chaque fois que je ramène quelqu'un. Encore plus avec toi car il sait que tu n'es pas de la même classe sociale que lui, s'écria-t-il exaspéré.

— On peut dire qu'il a une haute estime de soi, se moqua Ace.

— M'en parle pas.

Ace s'assit à côté de lui.

— Au fait, je suis désolé.

Tyler se redressa sur ses coudes.

— Pour quoi ?

L'espagnol regarda Tyler mais ne put soutenir le regard azur posé sur lui.

— Je sais pas. Je me suis senti mal pour toi quand il a dit que sa plus grande fierté était son métier... expliqua-t-il, gêné.

Tyler lâcha alors un petit rire.

— Tu n'as pas à l'être. Tu sais, j'ai l'habitude maintenant. À force, on n'y prête plus vraiment attention.

— Je comprends mieux ce que tu voulais dire quand on était chez moi. Quand tu m'as dit que tes parents préféraient travailler plutôt qu'être avec toi.

Tyler vit alors combien Ace était mal à l'aise. Il craquait ses doigts nerveusement et il fixait ses pieds, pour ne pas à avoir à croiser son regard. Alors, il se rapprocha de lui, et prit son menton entre ses doigts pour croiser qu'il relève la tête.

— Ce n'est pas de ta faute. On a tous des problèmes familiaux. J'ai appris à vivre avec, comme tu as pu le faire toi aussi.

Ace lui sourit timidement et ils s'embrassèrent de nouveau.

— Pourquoi tu vouvoies ton père ? demanda-t-il, curieux.

— Je ne sais pas, répondit le blond. C'est comme ça depuis tout petit, ils me reprenaient tous les deux quand je les tutoyais. Ça ne me choque pas vraiment de les vouvoyer, j'ai pris l'habitude.

Ace hocha la tête, pensif, puis, il se laissa tomber sur le dos pour fixer le plafond. Tyler en profita pour se rapprocher de lui. Il s'allongea en travers du lit, de sorte à poser la tête sur les pectoraux d'Ace. Comprenant ce qu'il cherchait à faire, le brun dégagea son bras et le referma sur le blond, qui se cala un peu plus contre lui tout en levant une jambe pour être plus confortable. Ses cheveux vinrent alors chatouiller son menton, et l'effluve de son parfum pour homme envahit ses narines. Ace inspira profondément, comme pour garder l'odeur un peu plus longtemps dans sa mémoire olfactive.

Ils restèrent ainsi de longues minutes. Tyler ferma les yeux, bercé par la lente respiration de son ami. Ace posa alors sa main sur son bras dénudé, et caressa inconsciemment sa peau du bout des doigts, perdu dans ses pensées.

Au fur et à mesure que le temps passait, Ace sentait Tyler s'affaisser de plus en plus sur lui. Il avait même fait retomber sa jambe qui tenait en équilibre. Son souffle se faisait plus régulier. Il sombrait peu à peu dans le sommeil.

— On devrait bosser maintenant, sinon on n'aura jamais le courage, chuchota-t-il en tapotant sur le torse de Tyler pour le faire sortir de sa léthargie.

Le blond grogna légèrement de mécontentement.

— Aller, marmotte, c'est pas l'heure de faire une sieste. Nous aurons tout le temps de dormir cette nuit.

— Je sais, je ne dors pas, le contredit Tyler.

Ace eut un petit rire et se dégagea brusquement de sous son ami.

— Hé ! s'écria-t-il quand il roula sur le lit.

— Je croyais que tu ne dormais pas.

— C'est pas une raison pour repousser les gens comme ça.

— Tu me tenais trop chaud, lâcha Ace comme une évidence.

— T'as de la chance que j'ai pas le courage de t'en foutre une.

Ace rit de bon cœur en repoussant un peu plus Tyler du pied dans l'espoir de faire tomber du lit. Mais le blond se retint à sa jambe. S'il continuait de le pousser, il allait l'entraîner dans sa chute.

— Allez, au boulot ! ordonna Ace en sautant du lit.

Tyler grogna une dernière fois, en s'étirant avant de se lever. Ils avaient du boulot à faire.

Les deux amis travaillèrent deux bonnes heures sans s'arrêter. Ils voyaient enfin la fin, l'aboutissement de plusieurs mois de travail acharné et cela les motivait à terminer. Ils terminèrent l'écriture de leur dossier, corrigèrent les dernières fautes qu'ils avaient pu commettre, et mirent à jour leur bibliographie. Ils touchèrent une dernière fois à la mise en page, ajustèrent par-ci par-là les différentes photos et illustration. Puis Tyler appuya sur la touche pour imprimer. La photocopieuse dans la chambre se mit à ronronner et enfin, leur dossier sortit en format papier.

— On a réussi, annonça fièrement Tyler en tenant dans sa main le dossier relié.

— Oui, souffla Ace.

Ils étaient tous les deux émus. Ce Mémoire retraçait en quelque sorte leur relation depuis le premier jour. Leurs premiers regards, leur première dispute, leur réconciliation, leur premier baiser et maintenant, leur amour naissant. Tyler regarda Ace en souriant. Ils avaient terminé. Ils étaient libérés d'un poids et maintenant, ils se sentaient plus légers. Aujourd'hui, ils n'avaient plus besoin de l'excuse de leur travail en commun pour souhaiter voir l'autre. Ils pouvaient être ensemble dès qu'ils en avaient envie.

La voix d'Edward résonna alors en bas de l'escalier, brisant le charme qui régnait dans la pièce.

— Tyler, viens saluer Gerald et Cloe. Ils t'attendent dans le salon !

À l'annonce du prénom, de celle qui détestait Ace, les deux garçons échangèrent un regard anxieux. Allait-elle garder le secret de leur relation devant le père de Tyler ou jouer à la petite peste jusqu'au bout ?

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