Chapitre 27

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L'ambiance était étouffante, la musique semblait s'échapper par tous les coins de la salle, et les spots lumineux permettaient tout juste de voir où on posait le pied. Il fallait slalomer entre des amas de chair mouvants, tout en gardant l'équilibre pour ne pas renverser les précieux liquides. Enfin, une fois arrivé, Ace devait crier pour se faire entendre des clients, assis qui réceptionnaient leurs boissons.

La discothèque était bondée. Pour un samedi soir, ce n'était pas si extraordinaire que ça, mais pour Ace, cela était une dure épreuve. Même s'il avait dormi toute la matinée et une bonne partie de l'après-midi aussi, les effets de la soirée d'hier se faisaient encore sentir. Il était exténué. Et il n'était que 1:00 am.

Il s'affala à moitié sur un tabouret du bar, pour faire une toute petite pause. Il posa son plateau sur le comptoir et souffla. De l'autre côté, Dean, qui faisait les cocktails, s'en sortait plutôt bien, comparé à lui. En l'apercevant, le jeune homme rondouillard le rejoignit.

— Tu tiens le coup ?

Ace hocha lentement la tête.

— Ça va, pour l'instant.

Il posa le verre qu'il avait essuyé sur les présentoirs au-dessus du petit évier.

— Au fait, il y a un type qui te cherche.

— Comment ça ? demanda Ace, surpris. Il veut faire une commande ?

— Non, non, je pense pas, répondit Dean. Il m'a demandé si tu étais présent ce soir.

Il fut interrompu par deux hommes qui souhaitaient boire un verre. Tandis qu'il les servit, Ace s'interrogea.

Pourquoi diable un gars voudrait le voir, ici, à son boulot ? Il ne connaissait personne en dehors de ses amis. Et il n'avait franchement pas le temps de faire la causette avec un inconnu. Il était très certainement arraché, qui plus est, et il avait autre chose à faire que de devoir le faire dégager de la boîte.

Dean revint à sa hauteur.

— Il m'a dit, je cite « Dis-lui qu'un bel homme blond, avec une gueule d'ange et qui embrasse incroyablement bien l'attend au bout du bar. Et qu'il se dépêche, ou le démon va recevoir son châtiment ». Si tu veux mon avis, il est fêlé, le gars.

— C'est pas vrai, s'écria Ace.

Il n'avait quand même pas fait ça. Pourquoi était-il ici, lui ?

— Tu le connais ? s'étonna Dean.

— Il est encore là ? demanda à la place Ace.

— Oui, je crois.

— Joder.

Ace se leva aussitôt pour rejoindre l'autre extrémité du bar. Il ne rêvait pas. Tyler était bien là, assis sur un tabouret, attendant sagement sa venue.

— Qu'est-ce que tu fous là ? cria Ace à son oreille.

Tyler se retourna, un sourire illuminant son visage.

— Eh bien, je n'ai même plus le droit de venir saluer mon mec à son boulot ?

Ace, surpris, le fixa. Il ne put s'empêcher de soupirer. Il commençait à le connaître, et bien qu'il était parfaitement bien habillé et ses cheveux coiffés, il reconnaissait cette lueur dans ses yeux.

— Tyler, tu es encore bourré, rentre chez toi. Deux soirs d'affilée, ça devient problématique.

— Dixit celui qui ne m'embrasse que quand il a trop bu.

Ace se mordit la lèvre, avant de regarder si les clients à côtés d'eux n'avaient rien entendu.

— Tu vois...

— On avait dit qu'on y allait doucement, rétorqua Ace sèchement.

Tyler se leva de son siège et lui fit face. Il plongea ses yeux dans ceux d'Ace et le brun commença se sentir déstabilisé.

— Un petit bisou de rien du tout, et je me volatilise. Mr. Parfait te fait un caprice de bourge.

— Sinon quoi ? demanda Ace avec un air de défi.

— Il est plus dangereux de me dire non que oui...

Ace haussa les sourcils, un sourire moqueur aux lèvres. Il appuya son doigt sur le front de Tyler et d'une simple pression, le fit se rasseoir.

— Tu crois que, dans l'état où t'es, tu es en position de me faire du chantage ?

Tyler réfléchit un instant.

— Pas vraiment, avoua-t-il. Mais plus tard, oui.

Ace se pencha alors, jusqu'à ce Tyler n'ait pas le choix que de relever la tête pour continuer de le regarder dans les yeux.

— Un seul et tu pars ? susurra-t-il.

— Oui, bégaya Tyler soudain intimidé par le visage sérieux de son ami.

Ace déposa ses lèvres sur celles de Tyler. Il sentit les muscles de Tyler se détendre, comme pour apprécier encore plus ce contact. Bien que ce n'était plus la première fois qu'il embrassait Tyler, Ace sentait toujours son cœur se serrer et cette sensation de plénitude qui inondait tout son corps lorsque leurs lèvres se touchaient.

Il rompit aussitôt le contact, forçant Tyler à rouvrir les yeux.

— Et je ne suis pas ton « mec », cabrón. Dégage, maintenant.

Il lui tourna le dos et s'en retourna faire son travail, sans un regard pour Tyler. Mais Ace surveilla bien que Tyler parte comme il l'avait promis. Et en effet, il vit le blond franchir les portes de la discothèque sans broncher.

Au fond de lui, Ace était bien plus touché qu'il n'avait voulu le montrer à Tyler. Que le blond vienne le voir l'avait rendu heureux, et même son petit caprice d'enfant l'avait amusé. Cela voulait dire qu'il tenait à lui. Et cela le rassura, quelque part. Ils étaient toujours sur la même longueur d'onde et Tyler tenait sa parole qu'il lui avait donnée le soir où ils s'étaient appelés. Il ferait tout pour lui montrer qu'il était là pour lui et qu'il comptait pour lui.

C'est le cœur léger qu'il passa les dernières heures de son service, toute fatigue s'étant volatilisée comme par magie.

XXX

Appuyé contre son casier au vestiaire, Ace souriait devant le message qu'il avait reçu. Après qu'ils s'étaient vus, Tyler lui avait envoyé un message en lui proposant de se voir le vendredi qui vient pour travailler sur leur Mémoire. Ils devaient mettre en commun leur avancée durant les vacances d'hiver et régler les quelques détails qui leur restaient. Ils allaient pouvoir bientôt soumettre leur travail au jury. Ils se sentaient prêts.

Tyler avait envoyé un deuxième message, l'invitant à rester dormir le soir chez lui. Ainsi, ils passeraient l'après-midi et la journée de samedi ensemble.

Ace tapota rapidement une réponse.

À: Tyler

05:16 am : Bien sûr que je le veux. Je serais chez toi vers 3:00 pm si ça te convient. J'ai hâte.

Il alla même jusqu'à rajouter un petit cœur rouge comme l'avait fait Tyler, chose qu'il trouvait complètement absurde avant.

— Qu'est-ce qui te fait sourire autant ?

Ace releva les yeux et vit Dean qui venait d'entrer dans le vestiaire. Il se racla la gorge.

— Je... Hmhm... Une bonne nouvelle.

Il posa son téléphone sur le banc et commença à se dévêtir.

— Un lien avec le gars qui est venu te voir ?

Ace s'arrêta net, et fixa Dean. Le jeune homme rougit légèrement.

— Je t'ai vu discuter avec lui...

Ace continua de le regarder intensément. Dean commença à bégayer.

— Je... je vous ai vous vous embrasser, je ne pensais pas... Enfin je veux dire... Je voulais pas vous observer mais pile au moment où j'ai tourné la tête...

Dean, Dean, le coupa Ace. Y'a aucun soucis, tu sais.

Il lui sourit pour le rassurer.

— Il s'appelle Tyler et oui, si tu te poses la question, on sort ensemble. Enfin, on se fréquente juste, pour être honnête.

— Je... Je savais pas que tu étais gay.

Ace eut un léger rire.

— Moi aussi, avant de connaître Tyler. Ça ne m'avait jamais fait ça avant lui.

— Je suis content pour toi.

Ace tapota tendrement le bras de son ami pour le remercier. Dean se détourna et commença lui aussi à se changer. Ils enfilèrent leurs habits dans le silence total. Ace était plongé dans ses pensées, la plupart tournées vers Tyler. À l'heure qu'il est, il devait être dans son lit, couché par l'alcool depuis quelques heures maintenant.

Il s'apprêta à fermer son sac lorsqu'il jeta un coup d'œil à Dean. Le jeune homme ne disait rien. Soudain, il vit sa joue briller.

— Dean, ça va ? demanda Ace en s'approchant.

Le jeune homme se dépêcha de s'essuyer les yeux avec son bras avant de répondre.

— Oui, oui.

— Dean, qu'est-ce qu'il y a ?

Ace le força à se retourner et à le regarder. Le jeune homme soutint son regard quelques secondes, avant d'éclater en sanglots.

Ace ne sut comment réagir. Il était perdu, il ne comprenait pas pourquoi son ami pleurait. Que se passait-il ?

Dean le prit soudainement dans ses bras et le serra fort. Ace ne bougea pas, trop surpris pour faire quoi que ce soit. Il finit par refermer ses bras sur son ami.

— Pourquoi tu pleures ? Dis-moi ce qui ne va pas. C'est Jordan ? emanda-t-il, ne comprenant pas la soudaine tristesse de son ami.

Dean secoua la tête contre son torse. Ace se détacha de lui en le repoussant gentiment et le força à s'asseoir.

— Dis-moi ce qui ne va pas, ordonna-t-il d'une voix douce.

Dean se frotta les yeux et inspira une grande goulée d'air. Les sanglots le secouèrent mais il essaya de ne pas fondre de nouveau en larmes.

— Je ne savais pas que tu étais gay, se lamenta-t-il.

Ace était de plus en plus perdu. C'était ça que provoquait le coming out aux autres ?

— Mais c'est pas grave, Dean. Tu n'as pas besoin de te taire, ce n'est pas un secret. Et puis, je ne suis pas gay, mais bisexuel, j'aime les filles aussi.

— Je savais pas, répéta Dean, en se remettant à fondre en larmes. Si j'avais su, je te l'aurais dit plutôt.

— Me dire quoi ?

Il attendit que son ami se calme et alla chercher un mouchoir dans son sac, qu'il lui tendit.

Dean leva enfin les yeux sur Ace.

— Tu te rappelles de la fois où je t'ai parlé d'une fille dont j'étais amoureux ?

Ace fouilla dans sa mémoire.

— Oui... commença-t-il. Je t'avais conseillé de lui avouer tes sentiments...

Dean fixa le sol et prit une grande inspiration. Il se mit à parler très vite.

— Je t'ai menti. Ce n'est pas d'un fille dont je suis amoureux, mais d'un garçon. J'ai eu beaucoup de mal à l'accepter, à m'accepter. Et je n'ai jamais osé lui avouer ce que je ressentais. Il m'intimide et il est très beau, trop beau. Mais je ne lui ai rien dit parce que je sais qu'il était pas gay. Enfin, je croyais. Et maintenant tu viens de me dire que tu l'es et j'ai été con d'attendre parce que maintenant t'as rencontré quelqu'un et je sais que je n'avais aucune chance dès le départ parce qu'on est trop différent tous les deux et je suis trop moche pour lui je le sais et te voir avec lui en train de l'embrasser ça m'a fait quelque chose parce que c'est un vrai canon et j'ai été con de croire que je pourrais lui plaire et, et...

Un sanglot qu'il ravala l'interrompit. Ace comprenait de moins en Qqu'est-ce qu'il venait faire dans l'histoire ?

— Dean, c'est quoi le rapport avec moi ?

Le jeune homme se mordilla la lèvre de nervosité et sa jambe se mit à trembloter. Il ferma les yeux et inspira profondément.

— Le garçon dont je suis... amoureux, c'est toi, Ace.

L'espagnol écarquilla les yeux, bouche bée. Dean était amoureux de lui ? Depuis quand ? Comment se fait-il qu'il n'ait rien vu ? Il pensait juste que son ami était intimidé avec lui parce que c'était dans sa nature. Il n'aurait jamais pensé que pendant tout ce temps, Dean avait des sentiments pour lui.

Ace se racla la gorge.

— Je... je suis désolé..

— Ne te confonds pas en excuses ! l'interrompit Dean, les larmes aux yeux. Je sais déjà tout ce que tu vas me dire.

Ace continua tout de même, car il ddevait entendre ces mots.

— Tu es mon ami, Dean. Je serais toujours là pour toi, tu le sais. Je suis désolé de ne pas m'en être rendu compte plus tôt. Tu aurais moins souffert et tu aurais pu continuer sans t'imaginer des choses. Que tu ais réussi à avoir le courage de me le dire me touche, tu sais. Mais tu vois, j'ai rencontré Tyler et il n'y a que lui qui me fait ressentir tout ça.

Les larmes de son ami recommencèrent à cascader sur ses joues.

— Je sais, Ace. Désolé de ne t'avoir rien dis...

— Tu n'as pas à t'excuser de ressentir des choses ! C'est ce qui fait de toi quelqu'un d'admirable, quelqu'un d'humain. Ne cache plus jamais ce que tu ressens, d'accord ?

Dean hocha doucement la tête.

— Tu peux me prendre dans tes bras, Ace ? demanda-t-il tout bas.

Le regard que lui jeta Dean le toucha.

— Pour toi, je ferais une exception sans aucun problème.

Il ouvrit ses bras et Dean se blottit tout contre lui, comme un enfant aurait fait avec son père. Il sanglota quelques minutes, serrant fort son ami contre lui. Ace caressa son dos doucement pour l'apaiser. Bientôt, les sanglots se firent moins violents et moins répétitifs. Dean se calmait. Il se détacha de son ami et sécha ses larmes pour de bon.

— Tu es mon ami, ne l'oublie pas. Tu pourras toujours te confier à moi.

— Merci, Ace. Pour tout te dire, je suis soulagé de te l'avoir enfin dis. Même si je savais que ce n'était pas possible de toute façon (Dean marqua une pause), c'est comme si l'avoir entendu m'avait ôté d'un poids.

Ace lui fit un petit sourire.

— Tant mieux, alors. Tu pourras passer à autre chose. Et entre nous, je ne suis pas sûr d'être un cadeau à vivre...

Sa plaisanterie eut l'effet escomptée : Dean rit légèrement et un sourire se dessina sur ses lèvres.

— Aller, il est tard, on ferait mieux de partir.

Ace se leva, et posa affectueusement sa main sur l'épaule de son ami.

— Tu as raison.

Ils se séparèrent devant la discothèque fermée, après un petit signe de la main.

Ace n'aurait jamais pensé que cette journée allait être si riche en émotions. Il eut un pincement au cœur en s'imaginant à la place de Dean. Comment aurait-il régi si Tyler aurait préféré lui dire non, le soir où il lui avait avoué ses sentiments ? Il serait sûrement effondré. Il espérait que son ami était plus fort que ça, et qu'il n'allait pas se laisser abattre. Mais il était maintenant dans une position inconfortable : devait-il continuer comme si Dean ne lui avait rien dit, ou bien devait-il être encore plus là pour lui ou encore devait-il prendre ces distances pour ne pas lui faire encore plus de mal ?

Après réflexion, la dernière hypothèse n'était pas la meilleure. Il allait continuer comme avant tout en lui montrant qu'il était toujours là pour lui, comme il lui avait promis.

Ce sont les pensées tournées vers son ami et vers le vendredi suivant qu'Ace rentrait chez lui, après une soirée éreintante.

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