Chapitre 18

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Le temps s'était dégradé durant le trajet et l'averse était devenue maintenant une vraie tempête. Deux heures auparavant, il faisait encore beau pour un fin de mois de novembre. Georges avait même dû ralentir car le rideau de pluie empêchait de voir à plus de 100 mètres. Lorsqu'enfin, ils arrivèrent à la maison de Tyler, le chauffeur se gara le plus proche possible de l'entrée pour éviter aux jeunes hommes de prendre une douche non voulue. Bien que cinq marches et deux pas les séparaient du petit porche, Tyler et Ace furent trempés.

Une fois à l'intérieur, Ace resta dans l'entrée tandis que Tyler se précipiter pour aller chercher de quoi se sécher. Ses cheveux mouillés tombaient devant ses yeux et ruisselaient d'eau, il ne voulait pas mouiller tout le séjour. Heureusement, Ace avait pensé à enlever son bonnet et l'avait rangé dans le sac dès les premières gouttes de pluie.

Très vite, le blondinet revint avec des petites serviettes. Ils se séchèrent les cheveux rapidement.

— Je pense qu'une douche bien chaude serait la bienvenue, grimaça Tyler en tirant sur ses vêtements imbibés d'eau. Je te laisse prendre une douche en premier, si tu veux.

Je n'ai pas pris des affaires de rechange, je ne pensais pas que le temps allait changer si rapidement, rit jaune Ace.

— Ne t'inquiète pas, je vais te prêter quelques affaires. Je ne vais quand même pas te laisser avec tes vêtements mouillés. Je dois bien voir un pull et un bas trop grand pour moi, sourit Tyler en jetant un regard expressif à Ace.

Bien que Tyler avait une fine musculature, cela n'était pas grand-chose devant celle d'Ace. L'espagnol devait bien faire une taille voire deux de plus que lui.

— Allons dans ma chambre, chercher tout ça.

Ils montèrent l'escalier. Tyler sortit d'un tiroir une serviette de bain pour Ace. Il lui indiqua comment fonctionnait la douche et ferma la porte pour le laisser se dévêtir.

Ace poussa un soupir de satisfaction lorsqu'il se glissa nu sous l'eau bouillante. Tout en se lavant, il se repassa la journée mentalement, mais évita soigneusement la scène de la voiture. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pensé à tous ses problèmes et angoisses. L'énergie débordante de Tyler avait été communicative, l'empêchant de s'ennuyer une seule seconde, même lorsqu'ils avaient révisé. Et l'après-midi shopping avait été agréable, il devait bien l'avouer. Petit à petit, il apprenait à connaître un nouveau Tyler, joyeux et sympathique. Maintenant, il s'en voulait de l'avoir traité et incendié comme il l'avait fait. Tyler ne le méritait absolument pas et il aurait été stupide de se priver d'une si bonne compagnie et d'un bon ami. Il sortit de la douche plus heureux et apaisé.

Il se séchait tranquillement quand on frappa à la porte.

— Je peux entrer ? lui parvint la voix étouffée de Tyler.

— Oui, vas-y, cria Ace en enroulant la serviette autour de sa taille.

Tyler entra, des vêtements dans ses bras. Il s'arrêta une seconde avant de se racler la gorge :

— Je t'ai trouvé un pull qui devrait aller et un caleçon propre. Par contre, je n'ai qu'un short à te proposer, tous mes pantalons te seront trop petit, je pense.

— Merci, répondit simplement Ace en souriant.

— Je... Je te mets ça là, indiqua Tyler en posant les affaires sur le rebord d'un meuble.

Puis il s’éclipsa rapidement. Ace n'était pas aveugle et il avait bien vu le regard troublé de Tyler et son embarras. Et étrangement, cela ne l'avait pas dérangé plus que cela. Au contraire, il avait aimé ça. Tyler n'était pas le seul homme à être impressionné par le physique d'Ace. À chaque fois qu'il allait à la salle, les regards admiratifs se retournaient lorsqu'il faisait du sport, aussi bien féminins que masculins. Il n'avait pas la carrure d'un body-buildeur, car il ne prenait aucun compliment protéiné ou autre, mais sculpter son corps comme le sien demandait du travail et une forte motivation.

Une fois habillé, il sortit de la salle de bains et retrouva Tyler allongé sur le dos. Le blond s'était changé et avait enfilé un pull et un jogging. Il posa ses affaires mouillées sur le pas de la porte et s'allongea à son tour aux côtés de Tyler. Quelques centimètres les séparaient.

— J'ai beaucoup aimé cette après-midi passée avec toi, déclara Ace, presque en chuchotant.

— Moi aussi, répondit Tyler sur le même ton en continuant de fixer le plafond. Tu n'es pas aussi froid et méchant qu'on peut le penser.

— Et toi, tu n'es pas aussi prétentieux et orgueilleux qu'on peut croire, Mr. Parfait.

Tyler se redressa et fixa Ace. Il se rendit compte trop tard de ce qu'il avait laissé échapper.

— Pourquoi « Mr. Parfait » ? demanda évidemment Tyler.

Ace détourna le regard embarrassé.

— Ace Cruz, j'exige que vous me donniez la signification ce que veut dire ce surnom, qui je n'en doute pas, est une façon de se payer ma tête, ordonna Tyler, imitant le ton hautain de nobles.

— C'était juste le surnom que je te donnais, quand on était... en froid, expliqua Ace, timidement.

— Et pourquoi « parfait » ?

— Parce que tu avais l'air si précieux et si sûr de toi comme si tu étais le joyau du monde. Tu ressemblais à la caricature des bourgeois, mais au XXIe siècle. Et je m'enfonce..., ajouta Ace en voyant le visage de Tyler se fermer.

Tyler serra des dents.

— Il est vrai que je suis parfait. Mais tu aurais pu choisir un adjectif qui me sied plus, tel que magnifique, riche, beau...

Ace eut un temps de réaction et Tyler éclata de rire devant sa mine.

— Et il se croit drôle en plus, marmonna Ace. Tu m'as fait peur, je croyais que je t'avais blessé.

— C'est pas ça qui va me blesser comme tu dis. J'ai vécu pire...

— Aïe, grimaça Ace, visé par la pique à demi camouflée.

Il se saisit de l'oreiller et le lança sur Tyler qui eut tout juste le temps de mettre ses bras devant son visage pour se protéger.

— Hé, t'as pas le droit d'attaquer ton hôte ! En plus, je te taquine, protesta Tyler.

Il frappa gentiment le bras d'Ace avec son poing serré et tenta d'écraser la tête de son agresseur avec l'oreiller. Mais Tyler n'avait pas prévu qu'Ace anticipe le coup. Le brun esquiva et se saisit du poignet de Tyler, qui avait commis l'erreur de le laisser à proximité de sa main. Usant de son bras comme d'un levier, il inversa l'avantage et plaqua Tyler sur le dos. D'un rapide coup de bassin, il se retrouva à cheval sur Tyler et coinça son bras gauche sous son genou, tout en faisant attention de ne pas exercer une pression trop forte pour ne pas lui écraser son avant-bras.

Tyler écarquilla les yeux, surpris. Il n'avait rien vu venir et tout s'était passé en une fraction de seconde. Il essaya de bouger, mais ne réussit qu'à se faire mal tout seul. Alors il fit une mine boudeuse.

— J'abandonne. T'es plus fort que moi de toute façon.

— Je gagne toujours, souffla Ace, un sourire moqueur aux lèvres.

— Cette fois-ci, rectifia Tyler en plantant ses yeux dans ceux, verts, d'Ace.

Le sourire d'Ace s’effaça progressivement au fur et à mesure qu'il se noyait dans les yeux de Tyler. Il se sentit attirer, comme s'il voulait plonger entièrement dans les deux miroirs d'eau qui l'hypnotisait.

Alors, doucement, Tyler approcha doucement son visage de celui d'Ace. Leurs lèvres n'étaient plus qu'à quelques centimètres. Le cœur d'Ace s'affola. Il était tétanisé, il n'arrivait plus à bouger un muscle. Seules comptaient les deux pierres précieuses qui le contemplaient.

Ce n'est lorsqu'il vit Tyler sourire sournoisement qu'il comprit dans quel piège il était tombé. Il avait baissé sa garde. Il voulut raffermir sa prise sur les bras de Tyler mais le blond fut plus réactif que lui.

Aussi vif qu'un serpent, il se tortilla suffisamment pour dégager son bras de la jambe d'Ace et frappa d'un même mouvement celui d'Ace, qui avait pris appui à côté de sa tête. Ace perdit l'équilibre et s'affaissa la tête la première sur la couverture. Sans perdre de temps, Tyler se dégagea et avant qu'Ace eut le temps de bouger, il se retrouva à califourchon sur le dos de l'espagnol, l'écrasant de tout son poids. Ace émit un grognement et tenta de se saisir du blond, sans succès.

— Eh bien alors, le grand Ace s'est laissé distraire ? Il aurait des points faibles finalement, chuchota Tyler dans le creux de son oreille.

— C'est ça, profite de ta petite victoire, grogna Ace, mauvais joueur.

Il enfonça la tête dans l'oreiller pour montrer son mécontentement.

— Je te laisse digérer ta défaite, je vais prendre ma douche moi ! s'exclama Tyler, rieur, en enjambant Ace.

Lorsqu'il entendit la porte claquer, Ace se remit sur le dos et fixa le plafond. Il reprit son souffle. Il avait chaud. Très chaud. Il prit conscience que son cœur battait la chamade et tenta de l'apaiser. Il avait vraiment cru que Tyler allait... L'aurait-il laissé faire ? Il n'en savait rien. Peut-être que par curiosité, pour savoir ce que cela faisait...

Ace n'était pas complètement dupe. Il avait appris à écouter son corps durant ses séances de sport et il le connaissait maintenant par cœur. Et les signaux qu'il lui envoyait était tout sauf du dégoût ou de la répulsion. Au contraire, c'est comme s'il était poussé par une force invisible et qu'il voulait tenter cette nouvelle... expérience. L'adrénaline, car il était bien question de ça, avait envahi ses veines à une vitesse folle, comme lorsqu'on fait du saut en parachute ou des montagnes russes. Les yeux bleu océan de Tyler l'attiraient indubitablement, comme s'il incarnaient la tentation du diable. Sous leur feu brûlant, il perdait toute conscience et raison, comme s'ils prenaient possession de son âme.

Ace souffla bruyamment et préféra fermer les yeux pour se concentrer seulement sur les battements de son cœur. Il allait se reposer quelques minutes, le temps que Tyler prenne sa douche. Bercé par les clapotis de l'eau, il sombra quelques secondes plus tard dans les bras de Morphée.

Ace ouvrit les yeux lorsqu'il se sentit qu'on le secouait doucement.

— J'ai commandé des pizzas. Elles vont bientôt arriver, dit Tyler à voix basse.

Le brun se redressa et étouffa un bâillement.

— Je suis désolé, je ne voulais pas m'endormir, s'excusa-t-il.

— C'est pas grave, le rassura Tyler. C'est normal que tu sois fatigué, tu t'es levé tôt. Si tu veux, tu peux rester dormir et aller te coucher tout de suite.

— Non, non ça ira. Je me sens mieux, maintenant.

Il s'étira et se leva. Ensemble, ils descendirent au salon.

— J'ai lancé une partie de jeux vidéos en attendant, proposa Tyler.

— Je ne sais pas y jouer, s'excusa Ace avec une grimace.

— Ne t'inquiète pas, tu verras c'est simple.

Tyler sauta par dessus le canapé. Il se saisit de la manette et la glissa entre les doigts d'Ace.

— C'est un jeu de voitures de course. Regarde, ici, c'est pour accélérer, là, c'est pour ralentir, ce joystick sert à se diriger et lui à changer l'angle de la caméra. Ce bouton sert à utiliser le nitro, c'est une sorte de turbo.

Ace lança un regard de détresse à Tyler.

— J'ai pas tout compris...

— C'est pas grave, commence une partie, rit Tyler.

Au décompte du départ, Ace démarra dernier.

— Vas-y appuie sur l'accélérateur, s'écria Tyler.

— C'est lequel déjà ? paniqua Ace.

Tyler écrasa le doigt d'Ace sur le bon bouton.

— C'est lui. Attention, tourne !

Ace s'exécuta et poussa le joystick complètement à droite.

— Pas si fort ! prévint Tyler.

Mais c'était trop tard et la voiture fonça dans le mur. Ace rectifia la direction et la petite voiture suivit enfin la piste. Petit à petit, Ace devint plus confiant, même si la direction lui donnait encore du fil à retordre.

Soudain, la vue passa à la première personne et Ace, surpris, s'écrasa droit contre le mur.

— Touche pas au joystick, tu as changé la vue, expliqua Tyler en revenant à la troisième personne.

— D'accord.

— On tente le nitro ? demanda Tyler malicieusement. Quand tu es en ligne droite, appuie sur ce bouton. Prêt ?

Ace hocha la tête, concentré.

— Maintenant !

La voiture accéléra et sembla survoler la piste. Bien entendu, Ace eut un temps de retard dans le virage suivant et la voiture percuta encore une fois le mur.

La course arriva à sa fin et Ace arriva huitième.

— Tu t'en es bien sorti, complimenta Tyler.

— Hmm, grogna Ace. Tiens ,je te rends la manette du diable !

Tyler s'en saisit et commença une nouvelle partie. Les courses s'enchaînèrent et Ace le regarda jouer, se moquant lorsque Tyler prenait les virages trop serrés, s'énervait contre les autres joueurs lorsqu'il se faisait doubler et lui criant des encouragements lorsque le blond arrivait à la dernière ligne droite et devait doubler le premier joueur. Il sauta même du canapé lorsqu'il parvint à être premier.

Lorsque la sonnette retentit, Ace alla chercher les pizzas, Tyler était en pleine partie. Puis ils mangèrent tout en continuant à jouer, se passant la manette en alternant. Ace s'améliora à vue d'œil mais n'égalait pas encore Tyler.

Une fois les pizzas englouties, Tyler proposa à Ace de regarder un film.

Il y a quelque chose que tu veux regarder ? demanda-t-il tout en parcourant la plateforme de streaming en ligne. Ou peut-être un genre... Action, science-fiction, romantique peut-être ?

— Action, décida Ace en souriant devant un Tyler qui mimait des petits bisous.

Ils se mirent d'accord sur le film, et Tyler le lança. Puis il claqua des mains et la lumière s'éteignit subitement.

— Incroyable la technologie, chuchota Ace.

— Le XXIe siècle, très cher.

Ils se turent lorsque le film commença. Seul l'écran et la lumière de la lune qui filtrait à travers la baie vitrée éclairaient le salon.

Quand il frissonna, Tyler se leva pour aller chercher un couverture. Il s'emmitoufla dedans apès avoir proposé à Ace de la partager mais celui-ci avait refusé poliment. Il s'installa plus confortablement sur le canapé pour suivre le film et s'appuya légèrement sur Ace. Celui-ci ne broncha pas, parce qu'il voulait suivre le film et que de toute façon, il était bien et que Tyler ne le gênait pas. Ce n'est lorsqu'il sentit Tyler s’affaissait plus lourdement sur lui et qu'un instant plus tard, la tête de Tyler se posa sur son épaule qu'il comprit que le blondinet s'était assoupi.

Alors, peut-être parce que dans la pénombre, on se sent plus courageux, cachés à la pleine lumière ou tout simplement parce qu'il en avait envie, Ace dégagea doucement son bras et le passa sous celui de Tyler. Instinctivement, il se cala contre le torse d'Ace, et poussa un soupir d'aise dans son sommeil. Ace se laissa glisser dans le canapé pour trouver une position qui ne lui ferait pas mal aux vertèbres et reporta son attention sur le film.

Ace s'aperçut alors que c'était la première fois depuis très longtemps – depuis la mort de sa mère en vérité – qu'il n'avait pas partagé un moment d'affection avec quelqu'un, même prendre son père dans ses bras. Cette fois-ci, il ne se sentit pas coupable comme à chaque fois qu'il se sentait heureux ou juste bien. Son cœur se réchauffa et ému par les souvenirs de sa mère refaisant surface, il regarda la fin du film.

Tyler se réveilla en sursaut quand Ace bougea pour se saisir de la télécommande pour éteindre la télé.

— Pardon, je ne voulais pas te réveiller, s'excusa Ace.

Tyler se redressa, regarda étrangement Ace et se frotta les yeux.

— Ce n'est pas grave, de toute façon, il fallait que je me réveille. Du coup, je n'ai pas vu la fin du film.

— Tu le finiras une prochaine fois.

Tyler hocha la tête. Ace se leva du canapé.

— Il est tard, il faut que je rentre chez moi.

— Tu ne veux pas dormir ici ? demanda Tyler.

— Non ça ira. Andreï doit vraiment s'inquiéter, je ne l'ai pas prévenu que je rentrerais si tard, expliqua-t-il en déverrouillant son téléphone pour regarder s'il n'avait pas reçu de messages de son meilleur ami.

— Alors laisse au moins Georges te raccompagner chez toi, tu ne vas pas faire le trajet, il est trop tard. Je vais l' appeler

— On ne va quand même pas le déranger pour moi, hésita Ace, penaud.

— Oh tu sais, il a l'habitude avec mon père et moi quand je n'ai pas ma voiture.

Tyler appela le chauffeur tandis qu'Ace rangea ses affaires.

— Et pour les habits que tu m'as prêtés... ?

— Tu me les rendras la prochaine fois, le coupa Tyler. Ce n'est pas comme si on n'allait pas se revoir.

— C'est vrai, admit Ace.

Une fois prêt à partir, Tyler ouvrit la porte d'entrée et laissa Ace sortir.

— Eh bien, merci pour cette journée, elle était très cool, remercia maladroitement Ace sur le perron.

— C'est vrai. J'ai adoré passer du temps avec toi.

— Moi aussi.

Comme le silence commençait à se faire pesant, Ace ajouta :

— Bon, eh bien salut.

— Passe une bonne soirée, Ace, souhaita Tyler.

Ace sourit poliment avant de s'éloigner, son sac à la main, en direction de la voiture qu'il l'attendait dans la cour.

Tyler referma la porte quand Ace fut monté dans la voiture. Il partit se coucher quelques minutes plus tard, le baume au cœur et des étoiles pleins les yeux. Cette journée avait été au-delà de ces espérances. Il voulait de tout son cœur rêver d'Ace cette nuit.

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