Chapitre 15

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  • Et donc, vous vous êtes réconciliés ?

Abby avait du mal à suivre toute cette histoire. Aux dernières nouvelles, Ace était cloîtré chez lui depuis plusieurs jours, et le voilà qui était revenu ce matin à la fac sans les prévenir. Il devait leur donner des explications.

C'est pour cela que Mathew, Ace et elle avaient décidé de manger en dehors de la fac. Ils avaient commandé chez un fast-food proche du campus puis ils s'étaient installés sur une table de pique-nique.

Abby, assise en tailleur sur la table, avait interrompit la grosse bouchée qu'elle comptait prendre dans son hamburger pour poser la question.

— Si on veut résumer tout ça,en une phrase, alors oui, répondit Ace, un rictus sur les lèvres.

— Incroyable ! Notre Ace aurait-il un cœur ? s'exclama Mathew.

Il leva les bras au ciel comme pour prendre en témoin le ciel nuageux d'un mois de novembre. Ace poussa gentiment sa jambe qui pendait dans le vide et le jeune garçon faillit tomber de la table. Son gobelet de coca-cola frôla dangereusement le pull blanc de son amie.

— Les garçons faites attention ! J'y tiens à ce pull, rouspéta Abby.

Les trois compères rigolèrent ensemble. Ace avait conscient d'être légèrement lunatique sur les bords et il remerciait ses amis de faire comme s'il n'avait pas piqué une colère jusqu'à se battre dans les couloirs et leur manquait de respect. Abby et Mathew connaissaient leur ami, et ils savaient qu'il ne pensait jamais les mots blessants qu'il pouvait avoir parfois à leurs égards.

— N'empêche, c'est grave cool. Je vais enfin pouvoir revoir Morgan sans avoir besoin de te le cacher, taquina Abby. Et à nous les soirées dans la grosse villa de Tyler !

— Calme-toi, Abby. J'ai dit qu'on était amis, par super-copains.

— Toujours à faire le rabat-joie, rétorqua-t-elle. Ne vous inquiétez pas, je me charge de convaincre Tyler et Morgan. Vous pouvez faire confiance à mon charme ravageur.

Elle joua avec ses cheveux et battit des paupières dans une posture aguicheuse.

— Au parlant du loup, vous en êtes où vous deux ? demanda Ace.

— Avec Morgan ? Eh bien figure-toi que je l'ai vu, la queue du loup...

— Abby ! s'écria Mathew, un air faussement choqué sur le visage.

— Et elle est sacrément imposante...

— Abby ! tonna cette fois-ci Ace en plaquant ses mains sur ses oreilles.

— Oh ça va les garçons ! C'est pas comme si vous ne vous étiez pas déjà comparés la taille de votre engin dans les vestiaires. Vous en avez déjà vu une autre que la vôtre.

— Tu nourris de nombreux préjugés en toi, Abby, prévint Mathew. N'importe quel homme sain d'esprit ne fait pas ce genre de choses.

La jeune femme lança un regard lourd de sens à son ami, et sentant la blague salace venir, il plaqua violemment la paume de sa main sur sa bouche pour la faire taire, manquant de la faire tomber de son perchoir. Mais Mathew veillait, et il passa son bras derrière son dos pour la retenir.

Les trois amis terminèrent de manger en discutant principalement des cours et surtout de leurs Mémoires. Ils avaient rendez-vous avec leurs professeurs référents pour faire une mise au point sur l'avancée de leurs travaux. Lorsque l'heure de partir arriva, ils se dirigèrent vers les bâtiments.

Lorsqu'ils arrivèrent à la bibliothèque universitaire, Abby, Mathew et Ace se séparèrent. Abby, avec des gestes excentriques, réarrangea ses cheveux avec ses doigts, et se regarda dans le reflet de son téléphone. Ace et Mathew soupirèrent de conserve.

— Vous ne savez pas ce que c'est de sortir avec un mec comme ça, il faut que je sois à la hauteur.

— Comme si tu en avais besoin, rétorqua Mathew.

— Tu claques des doigts, et n'importe quel gars rapplique. Il ne fait pas exception, ajouta Ace.

Abby se cacha le minois avec sa main, faisant mine de rougir sous les compliments de ses amis. Elle le tira la langue et s'éloigna. Les deux garçons auraient cru voir un félin se diriger vers sa proie. Et en effet, Morgan l'attendait déjà à une table. En l’apercevant, son visage s'étira en un immense sourire et il se leva pour déposer un tendre baiser sur ses lèvres.

Ace se dirigea vers le fond de la salle et s'assit à une table vide. Bien entendu, Tyler n'était pas encore. Ça aurait été trop beau pour être vrai. L'espagnol fit basculer sa chaise et se saisit de son téléphone pour lui envoyer un message.

À : Tyler

2h07 pm : Toujours en retard.

Bien qu'il n'était pas là, la réponse de Tyler fut pourtant immédiate.

De : Tyler

2:08 pm : ;)

Ace soupira de mécontentement. Il allait devoir endurer le caractère effronté du blondinet s'ils voulaient rester amis. Il ne put alors s'empêcher de ricaner en pe,sant cela. N'avait-il pas le même tempérament ? Très certainement, et même encore plus que Tyler. C'est d'ailleurs peut-être pour cela qu'au départ, il ne pouvait pas le supporter. Ace n'avait écouté que les préjugés qui dormaient en lui : il n'avait vu en Tyler qu'un petit bourgeois pourri gâté et hautain. Certes, il faisait partie de la haute société, mais il n'avait rien de hautain. Après tout, il avait ravalé son ego et s'était excusé. Une chose est sûre, Ace ne l'aurait pas fait s'il avait été dans son cas. D'un autre côté, il n'aurait jamais été à la place de Tyler, de toute manière.

Et puis, on ne pouvait pas qualifier leur relation d'amitié solide. Ils étaient bien plus camarades qu'amis, à vrai dire. Ace avait conscience que Tyler voulait que leur relation grandisse pour arriver à ce stade. Le voulait-il lui aussi ? Il n'en savait rien.

Il ne comprenait pas trop ce qu'il lui arrivait en ce moment. Il avait haï si fort un homme quelques jours plus tôt, pour au final enterrer la hache de guerre et commencer une nouvelle histoire avec lui. Ace devait bien admettre quelque chose : Tyler le fascinait tout autant qu'il l’exaspérait. Bien qu'il avait de nombreuses raisons de lui en vouloir et de le détester, il n'arrivait pas à se détacher du Tyler qu'il avait aperçu plusieurs fois : celui du bar, celui de la soirée avant qu'il ne l'embrasse mais surtout, celui qui était venu chez lui. Il avait ressenti pour la première fois depuis la mort de sa mère la sensation de plénitude, d'être enfin à sa place, là, dans son petit appartement avec Tyler. Bien sûr, il était heureux – pas au sens entier du terme – d'être en colocation avec Andreï, son meilleur ami depuis l'enfance, mais avec Tyler, cela avait été différent.

Sentant quelqu'un s'approcher, il sortit de ses pensées. Ms. Pierce s'approchait de lui. Comme la dernière fois, elle était habillée très élégamment : elle portait un pull blanc à col roulé, tranchant avec ses cheveux d'ébène, un pantalon évasé noir et un long manteau de la même couleur à épaulettes. Elle était la femme la plus charismatique qu'Ace ait pu connaître. Il en était sûr, elle avait été l'égérie d'une grande marque de luxe dans une autre vie. Ou bien actrice de cinéma. Elle avait une prestance, une grâce indécente.

— Ace, comment vas-tu ? salua Ms. Pierce en souriant de toutes ses dents.

— Très bien et vous Ms. Pierce ?

— Prête pour vous aider dans votre Mémoire, répondit-elle en s'installant à la table.

Elle croisa ses jambes et sortir de sa sacoche des livres, flyers et autres documents.

— Mr. Scott n'est pas encore arrivé.

C'était plus une affirmation qu'une question.

— Prenons ces quelques minutes pour apprendre à se connaître plus amplement, ajouta-t-elle, mystérieusement. Je dois te faire part d'un secret.

Ace la regarda, étonné.

— À vrai dire, le fait que je sois ta professeure référente n'est pas le fruit d'un quelconque hasard. J'ai eu vent de ton parcours à la faculté. Tu as un dossier universitaire très bon, voire excellent. Tous tes professeurs qui t'ont eu en cours sont unanimes. Alors, lorsque Mr. Johnson m'a montré la liste des étudiants qui participaient au programme « Échange et Apprentissage » Mr. Johnson, j'ai sauté sur l'occasion de pouvoir enfin me faire une idée sur cet élève qu'on dit brillant.

Ace sentit ses pommettes prendre légèrement feu sous l'assaut de compliments.

— Merci, je suis vraiment flatté. Mais vous savez, je ne fais que suivre les cours que mes professeurs donnent et me contente de faire du mieux que je peux.

— Je ne parle pas que de restitution de connaissances. Tu fais également preuve d'une analyse méthodologique incroyable. Et crois-moi, c'est ce qui est le plus valorisé dans vos copies. Tu sais, en Droit, les connaissances sont importantes certes. Mais ce que nous voulons également inculquer aux étudiants est la rigueur de leur analyse. C'est ce qui fera de vous de bons juristes. J'aime bien prendre l'exemple du puzzle pour expliquer à mes étudiants : tu sais comment marche un puzzle et comment le résoudre ainsi que le dessin que tu dois faire apparaître. On pourrait assimiler cela à vos connaissances juridiques. Mais lorsque tu commences à faire ton puzzle, tu cherches les coins en premier. Puis, vous essayez de les relier en reconstituant le cadre. Plus le puzzle a de morceaux, plus il est difficile de commencer par le centre du puzzle, tu en conviens ? (Ace hocha la tête, attentif). Eh bien, ce que nous, professeurs cherchons à faire naître et à faire grandir chez nos étudiants, est la culture méthodologique. Dans notre exemple, cela reviendrait à commencer par les bords. Il faut analyser et savoir comment résoudre au mieux le problème qu'il nous est posé. Sans la méthodologie, les connaissances ont beau être grandes et nombreuses, elles ne servent à rien si on ne sait pas comment les appliquer. tu comprends ?

— Je pense, oui, répondit Ace, concentré.

Ms. Pierce sembla satisfaite.

— Quoi qu'il en soit, tu as acquis une très bonne analyse méthodologique et cela, en peu de temps. C'est ce qui est rare chez les étudiants : comprendre rapidement comment construire et résoudre le puzzle. Et c'est pour cela que j'ai voulu travailler avec toi.

Ace ne sut quoi dire.

— Merci beaucoup. Je croyais que beaucoup d'étudiants étaient comme moi. Je veux dire, je ne pensais pas que ce que je faisais sortait de l'ordinaire.

— Tu feras un très bon juriste dans un futur proche. Continue comme ça et beaucoup de portes te seront ouvertes, termina Ms. Pierce.

Ace sourit, touché.

— Ah, voici enfin Mr. Scott, s'exclama la professeure.

— Bonjour, bonjour ! Veuillez m'excuser pour le retard, s'écria le blondinet en s'approchant à grands pas.

Ace retint inconsciemment sa respiration lorsqu'il vit Tyler. Tyler avait radicalement changé de style vestimentaire. Il avait troqué ses chemises et ses mocassins de petits bourges pour un pull overzize blanc cassé et un pantalon bleu ample où se dessinaient des nuages blancs. Il avait déjà vu ce type de bas sur des mannequins sur les sites internet de prêt-à-porter, mais il avait vite laissé tomber l'affaire en voyant le prix affiché en dessous. Des chaussures légèrement montantes à la dernière mode. Un bonnet en maille gris camouflait ses cheveux blonds. Enfin, collier en or et bijoux venaient apporter la touche finale. Il n'y avait pas à dire, tout lui allait. On aurait dit que les vêtements qu'il portait avaient été fait sur mesure pour lui. Quelque soit le look qu'il arborait, il restait... beau.

Il lança un clin d'œil à Ms. Pierce par-dessus ses petites lunettes de soleil rondes qu'il portait sur le bout du nez, plus par effet de mode que par réel nécessité, le ciel était constamment gris ces temps-ci. Lorsque ses yeux croisèrent ceux d'Ace, son sourire s'élargit et le cœur d'Ace se serra soudainement. Celui-ci baissa tout de suite les yeux. Il aurait dû parier ce matin avec Morgan. Son petit manège avait marché.

— Qu'étiez-vous en train d'expliquer avant que je ne vous interrompe ? demanda-t-il à Ms. Pierce en s'asseyant à côté d'Ace. Son parfum flotta jusqu'à lui.

— Rien qui ne te regarde, jeune homme. Et ne fais pas ce que tu fais, cela ne marche pas avec moi, tu le sais.

— Qu'ai-je fait ? s'offusqua-t-il innocemment, une main sur son torse comme s'il avait été blessé en plein cœur.

— Présentez-moi plutôt où vous en êtes dans votre Mémoire, Mr. Scott, ordonna-t-elle, complètement imperméable au petit jeu de Tyler.

Le jeune homme s'exécuta et commença à récapituler leurs recherches, puis Ace prit le relais.

L'après-midi passa rapidement, Ms. Pierce ne leur laissa aucun répit et ils travaillèrent d'arrache-pied.

— Bien. Nous avançons assez vite, je suis contente de vous. J'aimerais pour la prochaine fois que nous allons nous voir, que vous commenciez à réfléchir à la forme dont vous voulez passez votre oral : interview, présentation standard, etc. Officiellement, cela n'a que peu d'importance sur la qualité de votre travail que vous allez présenter. Officieusement, chaque professeur est unanime, lorsque la présentation orale est dynamique, cela permet de mieux entrer dans le sujet de votre Mémoire, et cela peut jouer sur l'appréciation et donc, sur la note finale. Alors commencez à y penser, conclut Ms. Pierce en rangeant ses affaires.

— D'accord, Ace et moi allons nous concerter, répondit Tyler.

— À bientôt, chers étudiants, et n'oubliez pas, les premiers examens commencent dans un mois, les prévint-elle. Bon courage et bonne fin de journée.

— Merci à vous aussi, lui souhaita Ace.

Elle s'éloigna, ses escarpins claquant sur le sol de la bibliothèque.

— Puisque maintenant nous sommes amis, ça te dirait de venir passer ce dimanche chez moi, demanda Tyler à Ace lorsqu'ils sortirent du bâtiment. On bosserait le matin et l'après-midi, on pourrait sortir en ville par exemple.

Ace s'arrêta de marcher et réfléchit quelques secondes. Pouvait-il se donner le loisir de passer un dimanche tranquille, alors qu'il devait rattraper tous les cours de la semaine précédente qu'il avait séché ?

— Je t'aiderais à réviser, ajouta le blond en devinant l'hésitation de son ami. C'est un peu à cause de moi si tu n'es pas venu en cours, je te dois bien ça.

Devant l'air penaud de Tyler, Ace céda.

— D'accord. 9:00 am chez toi ?

— Ça marche ! acquiesça Tyler, heureux. À dimanche ! lança-t-il avant de s'éloigner.

Ace loucha une dernière fois sur la silhouette de son nouvel ami. Bien que ses habits amples cachaient ses formes, il pouvait les deviner assez bien. Il s'imagina alors Tyler torse nu et ce que cela pouvait donner...

Il écarquilla les yeux en se rendant compte de l'image de Tyler que son cerveau avait créée. Seigneur, que lui arrivait-il ?

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