Chapitre 9 (1/2)

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Ace se demandait s'il avait bien fait, tout compte fait, en invitant Tyler chez lui. Cette idée avait germé dans sa tête durant le week-end, il savait bien assez qu'il était très secret et qu'il n'aimait pas se livrer. Mais Tyler n'avait pas mérité ce qu'il avait pu lui dire, et il voyait cela comment un échange de bon procédé : il l'avait blessé, c'était donc à lui de « souffrir », même si les deux choses n'étaient pas comparables.

Mais une part de lui ne comprenait pas ce qui le poussait à faire cela. D'ordinaire, il se moquerait éperdument de savoir si une personne s'était sentie mal par ses mots. La vie était comme cela, cruelle et imparfaite. Elle en verra bien d'autres, si elle vivait longtemps.

Ace dut bien se rendre à l'évidence : Tyler était devenu plus qu'une simple personne croisée dans la rue, sans être un ami, bien entendu. Et pour cela, Ace avait un peu plus de bienséance à son égard.

Le jeune homme termina de ranger ses affaires, la bibliothèque se vidait petit à petit, les étudiants se dépêchaient de rentrer chez eux ou de retrouver leurs amis.

Ace se retourna, prêt à partir, lorsqu'il vit Abby et Matthew se diriger vers lui.

— Je t'ai vu discuter avec Tyler avant qu'il ne parte, lança Abby, alors ça va mieux entre vous deux ?

Ace fit une petite moue.

— Tu t'enflammes, Abby. On va dire que c'est moins dur qu'au début.

— C'est déjà un grand pas ! s'exclama Matthew. Tyler devrait se contenter d'être heureux, il fait maintenant partie du très restreint cercle d'amis d'Ace Cruz !

— Oh non, tu vas pas t'y mettre toi aussi, soupira Ace.

Ils éclatèrent de rire, se moquant purement et simplement de leur ami, qui lui, marchait déjà en direction de la sortie.

Il le rejoignirent rapidement et sortir ensemble de la bibliothèque. Ace sortit une cigarette de son paquet et l'alluma devant l'air étonné de ses amis. Il se contenta de hausser les épaules. Ces temps-si, il s'était mis à fumer un peu plus que de raison. Mais cela avait un effet apaisant, même s'il avait conscience de la stupidité de cela. Le simple fait d'avoir une clope entre les doigts lui permettait de se poser et de réfléchir. Et il en avait bien besoin en ce moment.

— Et sinon, vous vous en sortez pour votre Mémoire ? demanda Ace, en tirant une taffe sur sa cigarette.

— Ça roule pour moi ! Même si le beau mec qui m'accompagne ne m'aide pas pour me concentrer, s'exclama Abby, tout sourire, avant de se saisir de la clope d'Ace entre ses doigts.

Il laissa faire son amie, en lui adressant un regard appuyé pour faire bonne figure, auquel elle répondit en lui tirant la langue.

— Morgan, c'est comme ça qu'il s'appelle ? demanda Ace. Je crois que c'est un ami de Tyler.

— Ça m'étonne pas, renchérit Matthew, ils se ressemblent, tous les deux.

Le châtain voulait dire par là, que tous les deux étaient issus du même monde de la riche bourgeoisie.

— Raison de plus pour se le mettre dans la poche ! railla Abby.

Les deux garçons levèrent les yeux au ciel de conserve ce qui leur fit recevoir un coup de poing dans leurs épaules de la part d'Abby.

— Bon, faut que j'y aille, je bosse ce soir, annonça Ace en reprenant la cigarette de la bouche de son amie.

Il la termina en deux bouffées avant de la jeter dans une poubelle proche avant de saluer ses amis.

En chemin, il ferma son esprit et bloqua toutes ses pensées à l'encontre de Tyler, ne voulant pas repenser à son invitation. En deux ans, personne n'était jamais venu dans l'appartement qu'il partageait avec Andreï, en dehors des plans culs de son meilleur-ami. Ace n'avait jamais emmené une fille, bien qu'il aurait pu. Il s'était toujours débrouillé pour réserver une chambre d'hôtel. Mais il fallait bien un début à tout, n'est-ce pas ?

XXX

— Я ухожу Ace, увидимся вечером ! lança Andreï avant d’ouvrir la porte de leur appartement.

Ace s'empressa de rejoindre son ami avant qu'il ne parte.

— Encore merci de me laisser l'appart , dit Ace avec reconnaissance.

— Ne t'inquiète pas, répondit Andreï en souriant, c'est normal. Vous allez bosser et je ne veux pas vous déranger.

— Mais si tu veux, tu peux rester, on ira travailler dans ma chambre. Je sais que tu as ton projet à faire...

— Justement, je vais rejoindre des amis pour en discuter et on ira ensuite se changer les idées. Ça te ferait du bien de sortir aussi, ajouta le russe doucement.

Ace se contenta de hausser les épaules. Il n'aimait pas trop sortir, il fallait dire qu'il n'aimait pas la compagnie des autres. Cela ne l'avait pas empêché de boire un verre avec Abby ou Matthew de temps en temps, mais cela s'arrêtait là.

— Bon, j'y vais, s'exclama Andreï en sortant. Et sois patient avec Tyler, cette fois-ci.

— Promis, ronchonna Ace. Trabajo esta noche, probablemente comería antes que tú.

Andreï leva le bras pour signifier qu'il avait compris avant de disparaître dans les escaliers. Ace referma la porte et se retourna. Il parcourut le petit salon du regard, avant de décider qu'il était temps de faire un petit brin de ménage, bien que l'appartement ne soit pas très sale.

Pendant une petite dizaine de minutes, il rangea la pièce principale, débarrassant la table basse de quelques bouquins appartenant à Andreï. Il nettoya également la petite cuisinière et l'îlot central où se trouvaient encore quelques restes de leurs repas. Il avait prié son meilleur-ami de le laisser faire, en plus de le mettre à la porte, bien qu'il était d'accord, il n'allait pas lui demander de l'aider à ranger.

Ace avait parlé de sa petite « altercation » avec à Tyler au russe, et comme à son habitude, il avait joué le rôle du père qui rabroue son enfant. Andreï avait toujours été comme cela, et même lorsqu'ils étaient tous les deux adolescents. C'était toujours Ace qui entraînait son ami dans des situations pas possible, mais cela n'était pas pour lui déplaire non plus.

À leur arrivée en études supérieures, les deux jeunes hommes s'étaient calmés, ils n'évoluaient plus dans le monde protecteur de l'enfance et de l'adolescence, ils étaient maintenant indépendants et responsables.

Ace avait volontairement omis deux ou trois petites choses quant à la véritable nature de leurs échanges houleux. Mais il lui avait avoué être en tort, et il lui avait expliqué qu'il avait invité Tyler pour se faire pardonner. Et même si cela avait surpris Andreï – Ace n'invitait personne et il trouvait cela bizarre comme moyen de se faire excuser – il avait compris que pour Ace, cela lui avait demandé un gros effort. Par ce geste, il laissait Tyler entrait dans sa vie, pour un temps au moins, et Andreï espérait que le blond l'avait compris.

Lorsqu'Ace eut terminé de ranger sa chambre également, il décida qu'il lui restait encore un peu de temps avant que Tyler ne soit arrivé, et il se dirigea vers la salle de bains pour prendre une douche. Il se déshabilla et se glissa sous l'eau chaude. Il sentit ses muscles se détendre et il en profita pour se relaxer. L'entraînement d'hier à la salle avait été éprouvant, Andreï et lui avaient repousser leurs limites, et il en sentait maintenant l'effet sur ses muscles.

Il avait commencé à aller à la salle aux alentours de ses 17 ans, lorsque sa mère est décédée. Il s'était également inscrit à la boxe. Cela avait été un échappatoire pour lui, il pouvait enfin frapper sur quelque chose pour faire sortir toute la colère et la haine qu'il y avait en lui. Il pouvait y aller tous les jours, et il y restait deux à trois bonnes heures, au détriment de sa scolarité. Au début, Andreï l'accompagnait, plus pour le soutenir que par envie, puis il avait apprécié et depuis, les deux amis y allaient régulièrement.

Et puis, la douleur s'est peu à peu amoindrie, même si elle était toujours présente. Il réussit à remonter la pente, mais il avait touché le fond, et maintenant, il ne pourrait plus faire marche arrière, faire comme si la Vie sur Terre avait un but réel, un vrai sens.

Durant les mois qui suivirent les funérailles de sa mère, Ace avait été un véritable robot. Il alternait entre phase de colère effroyable et phase de déconnexion totale de la réalité. Il lui arrivait de se murer dans le silence total trois jours puis d'exploser de colère et de tristesse dans l'instant, devenant une tornade de douleur incontrôlable. Son père et sa sœur avaient beaucoup souffert par sa faute mais il ne pouvait rien y faire. Il avait été un adolescent brisé. Sa mère était son tout pour lui, beaucoup plus que son père, qu'il adorait pourtant. Il avait une relation fusionnelle avec elle.

Ace ne put retenir la larme au coin de son œil. Comme si celle-ci était l'incarnation de sa défunte mère, elle glissa lentement, s'arrêta un instant sur la peau bronzée de sa joue, pareille à la caresse du doigt d'une mère, avant de continuer sa route et de tomber sur sa poitrine, là où se trouvait son cœur.

Lorsque les souvenirs qu'avait Ace de sa mère, Isabella, ressurgissaient dans sa tête, et qu'ils devenaient trop poignants, Ace éclatait en sanglots parfois, versait une larme, toujours. Il ne connaissait aucun moyen d'alléger sa peine, n'étant pas croyant – qui pourrait croire en Dieu quand sa mère mourrait seule sur un lit d'hôpital ? – il ne pouvait imaginer un Paradis où sa mère était heureuse et où elle l'attendait patiemment. Et même si se replonger dans les souvenirs d'elle vivante plutôt que lorsqu'il l'avait vu pour la dernière fois, cadavre pâle et froid dans son cercueil, il n'y arrivait pas. Il n'arrivait plus à croire en la Vie, ni au bonheur. C'était comme si elle avait emmené une partie de lui, qui était morte avec elle.

Si Tyler n'était pas censé arriver, et si Ace avait été seul tout l'après-midi, alors il se serait très certainement écroulé sur le carrelage froid de la douche, et aurait vidé toutes les larmes de son corps. Trois ans après, la douleur était toujours présente, toujours aussi forte.

Mais Ace s'obligea à redresser la tête, à finir de se rincer et à sortir de la douche. Il devait faire front pour aujourd'hui, au moins.

Lorsqu'il se regarda dans le miroir au-dessus du lavabo, son reflet ne renvoyait qu'un beau jeune homme brun aux yeux verts, à la peau bronzée tatouée et à la musculature développée. Mais tout cela n'était qu'une façade, que la partie immergée de l'iceberg. Le reflet ne montrait aucunement les années de souffrance, conséquence de la perte d'un être cher. Ses muscles et ses tatouages ne servaient qu'à cacher ses sentiments, qu'à lui donner une apparence toute différente de ce qu'il est vraiment. Un ado empli de haine, un animal apeuré, un enfant terrassé par le chagrin. Ace avait conscience de tout cela. Et il savait qu'il le serait pour toujours.

La sonnette de l'entrée retentit dans le petit appartement, faisant sursauter Ace. Il ne s’attendait pas à ce que Tyler soit pour une fois à l'heure. Se regardant une dernière fois dans le miroir, il enfouit ses pensées secrètes derrière son masque froid qu'il savait si bien arborer, et se reconnecta à la réalité.

Tyler était à la porte et il se retrouvait encore nu dans la salle de bains. Ace jeta sa serviette sur le sèche-serviette avant de se dépêcher d'enfiler un caleçon propre, un survêtement et un débardeur ample à fines bretelles.

Il sortit de la pièce en se recoiffant sommairement avec ses mains, pour essayer de dompter ses cheveux bruns rebelles. Juste avant que Tyler ne sonne une seconde fois, Ace ouvrit la porte.

— Salut, souffla-t-il lorsque celle-ci s'ouvrit sur Tyler.

Le blond esquissa un sourire en coin.

— Tu as vu, je suis à l'heure.

L'ombre d'un rictus se profila sur les lèvres d'Ace, ce qui ne manqua pas d'échapper à Tyler.

Le jeune homme portait une tenue décontractée, jean noir avec un t-shirt blanc et des chaussures de la même couleur, ce qui étonna Ace. C'était la première fois qu'il avait quitté ses chemises et ses pantalons spéciaux « gosses de riches ». Mais la montre à son poignet, ainsi que la marque sur ses vêtements rassura Ace : Tyler restait toujours le même. Un vrai Mr.Parfait, avec ses cheveux blonds qui semblaient incroyablement doux au toucher, ses yeux bleus glaces et ses habits de marques.

— Tu comptes me faire entrer ou continuer à me regarder comme ça... ? se moqua Tyler en apercevant le regard d'Ace qui le relookait.

Ace serra des dents pour éviter que ses joues s'empourprent. Il fit un geste de la tête tout en se décalant. Tyler fit une petite moue pour le remercier avant de franchir le palier.

Lorsqu'il passa à côté de lui, l'effluve de son parfum pour homme parvint jusqu'aux narines d'Ace. L'espagnol ne put s'empêcher de le trouver très agréable.

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