Ace avait eu tout le week-end et le lundi pour se morfondre et culpabiliser de ce qu'il avait dit la dernière fois qu'il avait vu Tyler. Durant ces trois jours, il avait aussi pris conscience que Tyler n'était peut-être pas aussi insupportable que cela. Certes, il était toujours un gosse de riche – et il le resterait – mais il n'avait jamais eu un mot de travers sur Ace, il n'avait pas été mesquin, arrogant ou blessant.

Ace était resté toute l'après-midi du samedi assis à son bureau, à ressasser encore et encore ses paroles. Il n'avait rien à faire d'autre, et plus il y repensait, plus il prenait conscience qu'il fallait qu'il arrête de se comporter ainsi, avec Tyler au moins. Il se rendait compte qu'il devait faire des efforts, être moins sur la défensive. Il avait un projet à faire avec Tyler et malgré ce qu'il pouvait bien penser, il savait qu'il avait besoin de Tyler, car seul, c'était irréalisable. Et il devait pour cela se faire pardonner.

Il n'avait rien raconté à Andreï, mais cela n'avait pas empêché son meilleur-ami de s'inquiéter légèrement pour lui. Ace avait l'habitude de rester de longs moments seul, car il était un vrai solitaire et il avait besoin de ses moments pour se « ressourcer ». Mais au fil du week-end, il avait remarqué chez son ami quelque chose de nouveau : il avait l'air plus calme, plus tranquille. Il avait bien essayé de le faire parler, et contre toute attente, Ace ne s'était pas refermé comme une huître, mais il s'était contenté de rassurer son meilleur-ami. Oui, tout allait bien. Oui, il était désolé de ne pas aller en ville avec lui, mais il fallait qu'il travaille. Non, il ne lui en voulait pas de laisser seul à l'appart.

Ace avait également envoyé un message à Vanessa pour lui dire qu'il l'a pardonnée, mais qu'il ne voulait pas reprendre leur relation pour le moment. Il savait que cela la rendrait triste mais il n'avait pas le cœur à baiser. Trop de problèmes menaçaient de le submerger et il avait d’autres préoccupations que donner du plaisir à Vanessa. Il profita également d'être seul pour appeler son père. Ils ne s'étaient pas parlé depuis déjà trois semaines, et il lui manquait. Il avait hâte que les fêtes de fin d'année arrivent pour revenir le voir, ainsi que sa petite sœur Cassie, même s'il détestait cela. Il n'avait plus le cœur à offrir et à déballer des cadeaux, le soir du 25, devant un grand sapin, et après un bon repas. Tout cela lui rappelait « l'avant », quand sa mère était encore parmi eux, en pleine forme. Mais Cassie adorait les fêtes, car au contraire de son frère, les bons souvenirs refaisaient surface, elle savait que sa mère aurait aimé qu'ils continuent de perpétrer les traditions, et elle se faisait un devoir de rendre tout cela possible en mémoire de sa maman.

Ace avait aussi pensé à envoyer un message à Tyler pour s'excuser. Mais ce n'était pas du tout son genre, et après de longues minutes, portable en main, il le jeta sur son lit. De toute manière, il serait bien obligé de revoir Tyler mardi, et à ce moment-là, il s'excuserait face à face avec lui. Il lui devait bien cela.

XXX

Ace patientait dans la grande bibliothèque universitaire, un stylo qu'il faisait inconsciemment tourner entre ses doigts. C'était un toc qu'il avait depuis des années, cela lui permettait de réfléchir ou bien de consommer son impatience, comme à cet instant, lorsqu'il attendait. Tyler était encore en retard, comme à son habitude, tous les autres binômes étaient déjà présents et se mettaint peu à peu au travail. Mais cette fois-si, Ace garda son calme, ce n'était pas à lui d'être en colère, et il se disait que c'était peut-être une façon de le punir.

Tyler arriva au moment où Ace essayait d'inventer un speech à peu près convenable et pas trop niais dans sa tête. L'espagnol leva les yeux sur Tyler. Il portait comme tous les jours, une chemise et un pantalon, avec sa montre à son poignet ainsi que son sac de cours en bandoulière sur son épaule. Il rentrait encore une fois dans le moule du parfait petit gosse de riche. Ace eut un moment d'hésitation, son caractère morne et intolérable refaisait surface. Il ne voyait tout à coup plus pourquoi il devrait s'excuser, il n'avait fait que dire la vérité. « La vérité ? Mais tu t'entends ? » se fustigea-t-il mentalement.

Sentant le regard d'Ace sur lui, Tyler le regarda en retour brièvement. Ce que put y lire Ace, le mit mal à l'aise : ignorance, colère, tristesse se mélangeaient dans les yeux d'un bleu pur de son binôme. L'embarras prit possession de son corps et le fit légèrement s'empourprer, chose extrêmement rare chez lui ! Il déglutit silencieusement et toutes ses belles paroles qu'il avait consciencieusement préparées se volatilisèrent.

— Hey, engagea-t-il en essayant de prendre une voix enjouée.

— Salut.

Aïe, Tyler semblait lui en vouloir plus qu'il ne l'avait pensé. Le blond s'assit en face de lui, et sortit son ordinateur de son sac. Tout cela dans un silence total, lui qui ne pouvait s'empêcher de parler.

— Le prof arrive quand ? demanda d'une voix égale à Ace.

— Dans quelques minutes, normalement.

Tyler se contenta de hocher la tête et sortit son téléphone portable de sa poche. Il se bascula sur sa chaise et pianota sur son clavier.

Ace baissa les mains sur son ordinateur. Il était mal à l'aise et il ne savait même pas pourquoi. Enfin si, il savait. Tyler ne parlait pas, lui qui avait toujours un truc à raconter.

Après quelques minutes dans cette atmosphère pesante, Ace prit son courage à deux mains.

— Écoute Tyler, pour la dernière fois, je...

Ah tiens, tu ne serais pas en train de me parler ? le coupa Tyler, toujours absorbé par ce qu'il écrivait. Non, parce que j'avais cru comprendre que les homosexuels te dérangeaient et j'ai peur que si on te voit discuter avec moi, on pense que tu l'es aussi. Je ne voudrais surtout pas qu'on le croie !

— J'ai pas dit ça, et tu le sais ! s'écria Ace.

Il sentait la colère revenir et se força à inspirer pour se calmer.

— « J'en ai rien à foutre que tu prennes ton pied avec un homme. Mais ne me mêle surtout pas à tes histoires. » Ce sont bien tes mots ? renchérit Tyler d'une voix froide sans aucun mal pour retrouver les paroles.

Ace se mordit la lèvre, il se sentait comme pris au piège.

— Oui, mais tu sais très bien que je ne le pensais pas, s'empressa-t-il d'ajouter.

Tyler releva lentement les yeux vers lui.

— Quelle excuse bidon ! Si tu ne l'avais pas pensé, tu ne l'aurais pas dit. C'est juste que sous la colère, tu n'as pas réussi à te contrôler, un point c'est tout..

— Je... bégaya Ace, ce qu'a dit Maria m'a pris par surprise, et tout le monde nous regardait...

Il ferma la bouche immédiatement, comprenant trop tard que cela ne faisait que l'enfoncer encore plus.

— Je pense qu'on va s'arrêter là, Ace. J'ai compris où tu en voulais en venir, et si c'est ce que tu veux, alors je te pardonne. Après tout, ce ne sont que des mots que l'on lance en l'air. Tant pis s'ils sonnent faux.

Ace ne sut que répondre. Tyler avait entièrement le droit de réagir comme cela, il l'avait bien mérité. Et il n'était pas prêt d'oublier ses mots. Ace allait avoir du mal à se faire réellement pardonné.

Tyler se replongea dans son téléphone et un sourire mangea ses lèvres. Ace se sentit tout drôle, peut-être dû au contraste entre la froideur de Tyler à son égard à l'instant et son sourire maintenant alors qu'il devait certainement parlé avec ses amis.