Chapitre 6 (1/2)

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— Je crois que je ne vais pas arriver à le supporter encore longtemps... gémit Ace en se prenant la tête entre les mains.

Il était arrivé chez lui un peu plus tôt que d'habitude. Andreï s'était empressé de lui demander comment cela s'était passé avec Tyler. Maintenant, ils étaient assis dans le canapé défoncé du salon, une bière à la main, avant qu'Ace aille travailler à la discothèque.

— Mais il faut voir le bon côté des choses : il a l'air de bosser, lança Andreï pour réconforter son ami.

— Tu parles ! Il n'a même pas emmené de quoi prendre des notes et je doute que cela change quand on devra se revoir. C'est sûr que le fait qu'il me demande de nous voir jeudi m'as surpris. Mais peut-être fait-il ça justement pour m'endormir, pour me faire croire qu'il va travailler jusqu'à la fin.

— Est-ce que ce n'est pas plutôt parce que c'est un sacré personnage, que tu ne l'aimes pas ?

— C'est bien ça le problème.Tu verrais sa façon de faire... Il croit que le monde est à lui, que tout lui est dû !

Andreï sourit au risque de se voir jeter un regard noir.

— Tu as réussi à dresser son profil psychologique en une demi-journée ?

Ace le fusilla du regard.

— C'est ça, moque-toi en plus !

— Oh allez, Ace ! Peut-être que ce gars-là est différent des autres bourgeois du bahut. Et puis je te connais, tu vas le recadrer rapidement si ça ne va pas.

Ace fit la moue en haussant les épaules. Il avait tendance à toujours envisager le pire, il lui arrivait de se tordre l'esprit pour pas grand-chose. Il voulait tout contrôler, et dès qu'il sentait que quelque chose lui filait entre les doigts, il devenait extrêmement grincheux, et ça, Andreï le savait bien.

Ace regarda l'horloge du salon et écarquilla les yeux.

— Merde, je vais être en retard au boulot !

Il avala le fond de sa bouteille de bière d'une traite avant de se précipiter dans sa chambre pour se saisir d'un petit sac dans lequel mettre ses affaires. Puis il prit un sandwich tout prêt dans le frigo. Il y en avait toujours, au cas où ils n'avaient pas eu le temps de manger avant d'aller à l'université ou à leur travail respectif.

— Je file, à demain, lança-t-il.

— до завтра ! lui répondit-il en allument la petite télévision.

Ace mangea dans le métro tandis que ses pensées étaient tournées vers le travail qui les attendait, Tyler et lui.


XXX


Jeudi arriva rapidement. Trop rapidement pour Ace, qui redoutait le moment de se retrouver en tête-à-tête avec Tyler. Il se demandait s'il serait capable d'avoir un self-control total pour affronter sa nature qu'il qualifiait – à défaut de trouver mieux – d'exubérante et d'agaçante au plus haut point.

Tyler lui avait dit qu'il recevrait un message pour donner le lieu dans lequel ils travailleront les deux prochaines heures, mais il était déjà trois heures, Ace finissait les cours dans une heure et il n'avait encore rien reçu, ce qui ne fit que nourrir son impatience et sa colère.

Ce ne fut qu'après son cours de droit de la famille, et une fois Ace sur le perron de l'université, que son téléphone sonna.


De : Tyler

4:07 pm : RDV là-bas dans dix minutes.


S'ensuivit un lien internet qui affichait le plan de la ville. Ace soupira. Ça avait au moins le mérite d'être clair et de toute façon, ça lui allait parfaitement, il ne voyait aucune utilité à toute la politesse que la plupart des gens mettaient dans leurs SMS. Un message était censé être rapide et direct.

Ace fronça les sourcils en regardant l'adresse où il devait se rendre. Il s'agissait un bar non loin d'ici. Même s'il n'y avait jamais mis les pieds, il n'était pas du genre à balancer son argent par la fenêtre, et puis boire un coup en terrasse et devoir raconter sa vie ne lui disait rien.

Il vissa ses écouteurs dans les oreilles et marcha d'un pas décidé à travers Manhattan. Ace n'était pas le genre de personne à arriver en retard.

Mais Tyler devait l'être, lui. Assis sur un petit fauteuil à la table la plus éloignée des autres, Ace regarda pour la troisième fois l’heure affichée sur son portable. Il pianota des doigts sur la table en bois pour tromper son agacement. Tyler avait un quart d'heure de retard, qu'est-ce qu'il pouvait bien foutre ? Il avait normalement eu cours à la faculté toute la journée et il ne fallait quand même pas une demi-heure pour rallier le bar ! Il avait le don de l'énerver, et Ace se demanda s'il ne prenait pas un malin plaisir à le faire poireauter. Dans l'attente, Ace laissa son regard vagabonder sur le décor du bar boisé qui offrait un cacher accueillant. Des photos de familles inconnues accrochées sur les murs rappelaient celles que l'on pouvait retrouver dans toutes les maisons. En arrière du comptoir, un espace légèrement à l'écart offrait une certaine tranquillité à l'abri du bruit de la rue et des clients.

La petite sonnette retentit à l'intérieur du bar, signe que quelqu'un venait d'entrer. Ace releva le nez de son ordinateur et reconnut aussitôt la voix qui venait de saluer le barman. Tyler regarda autour de lui et, lorsqu'il aperçut Ace, son visage sembla s'illuminer. Il était habillé d'un pull à col roulé bordeaux, qui faisait ressortir ses cheveux blonds et ses yeux bleus, ainsi que d'un pantalon noir. Le tout restait tout de même classe et chic, typique de la classe sociale à laquelle il appartenait.

— Tu es en avance ! s'exclama Tyler en s'asseyant sur le fauteuil en face de lui.

Ace arqua un sourcil. C'était un impression où il se foutait réellement de lui ?

— C'est plutôt toi qui es en retard, je te signale.

Tyler plissa les yeux, faisant mine de réfléchir avant de balayer d'un sourire l'accueil glaciale de l'Espagnol.

— Bref, ce n'est pas bien grave, le principal c'est que nous soyons là.

Évidemment. Ace préféra laisser couler. Il ne fallait pas qu'il s'énerve dès les premières minutes sans quoi, ils n'avanceraient pas. Une montagne de boulot les attendait, et ce n'était pas peu dire...

— Alors, tu aimes ? demanda Tyler en englobant d'un bras le lieu où il se trouvaient. C'est beaucoup plus sympa que la bibliothèque universitaire quand même !

— Avec le bruit qu'il y a, je me demande comment on pourra bosser..

C'était la fin de journée, le bar accueillait toutes sortes de personnes qui venaient boire un coup avant de retourner chez elles: deux hommes en habits de travail étaient accoudés au bar et discutaient de leur journée, Ace pouvait entendre chaque conversation, notamment celle d'un homme en costume qui, d'après ses dires, ne laissait aucun doute aux arrières pensées qu'il entretenaient vis-à-vis de la jeune femme devant lui. Mais à en juger par ses éclats de rire, elle devait trouver les blagues lourdes de l'homme très amusantes.

— Ce que tu peux être chiant des fois.

Ace écarquilla les yeux. Est-ce qu'il avait bien entendu ?

— Tu verras, on va bosser comme des dingues en quelques heures, continua-t-il.

Une serveuse arriva, et s'enquit de leur commande avant qu'Ace ait pu répliquer quoi que ce soit :

— Vous prendrez quoi, mes chéris ?

Tyler sourit devant le nom affectueux de la femme avant de prendre la parole.

— Un mojito pour moi, Maria, répondit Tyler. Et toi, Ace ?

— Rien, merci.

— Oh allez, c'est moi qui paye la tournée ! s'exclama Tyler devant l'air amusé de la femme.

— J'ai dit que je ne voulais rien.

Ace fixa froidement Tyler, qui roula des yeux devant sa mine énervée.

— Une bière pour lui s'il te plaît, tu seras un ange, commanda Tyler sans se soucier d'Ace.

Ace se mordit la lèvre pour éviter de lancer la réplique cinglante qui lui venait en tête. Si Tyler voulait faire semblant d'être son ami, grand bien lui fasse !

— Tu sais que je ne peux rien refuser à un si joli minois ! s'exclama Maria en pinçant tendrement la joue du blondinet.

L'Espagnol la regarda s'éloigner avant de reporter son attention sur l'écran de son ordinateur.

— Je connais Maria depuis déjà un bon bout de temps, expliqua Tyler. Le bar lui appartient. Avant, J'avais pour habitude de venir prendre un verre après mes heures de cours.

— Pourquoi plus maintenant ? ne put s'empêcher de demander Ace.

Tyler haussa les épaules.

— Je sais pas. Je suppose que je n'en ai plus envie..

Ace leva un sourcil, perplexe. Pourquoi se retrouvaient-ils ici aujourd'hui ? Parce que la bibliothèque ne convenait à quelqu'un de son rang ? Oh, et après tout, il se foutait royalement de la vie de Tyler.

Maria revint quelques minutes plus tard avec les boissons avant de partir dans la réserve. Ace et Tyler les sirotèrent et se lancèrent au travail. Ils commencèrent par se poser la question de savoir quel serait le sujet de leur mémoire. Ils se mirent d'accord sur le fait qu'il devait être d'actualité : ils pourraient ainsi trouver des informations récentes et de manière générale, cela séduirait le jury.

— Que dirais-tu de prendre une affaire pénale en cours ? proposa Ace. On pourrait essayer de montrer comment elle pourrait être résolue et...

La sonnerie du téléphone de Tyler lui coupa la parole.

— Désolé, c'est un ami, s'excusa Tyler en prenant l'appel. Morgan, il y a un problème ?

Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, Tyler se leva et se dirigea vers la sortie de la salle. Sérieusement ? Il venait de le planter pour un appel alors qu'ils venaient tout juste de se mettre à bosser ? Ace se mordit la lèvre, et tenta de relativiser. Ok, un appel... Ça pouvait arriver à tout le monde. Le problème, c'est qu'il ne pouvait rien faire tant que le sujet n'était pas arrêté. Ace prit sur lui et attendit patiemment que Tyler revienne..

Une dizaine de minutes plus tard, le blond refit son apparition.

— Excuse-moi, Morgan avait oublié que j'étais avec toi.

Il fit un sourire et s'assit.

— Je disais donc avant d'être interrompu, qu'on pourrait parler d'une affaire qui se déroule en ce moment... reprit Ace.

Il s'arrêta devant la mimique du blond.

— Je suis pas convaincu... Le jury pourrait penser qu'on se prétend capable de pouvoir juger ou de défendre. Et il ne faudrait pas qu'on prenne partie.

— Tu proposes quoi, alors ? demanda Ace, un tantinet vexé.

Tyler réfléchit quelques secondes.

— J'avais pensé... On pourrait évoquer un sujet qui touche la société, quelque chose qui la gangrène... tel que l'adoption pour les couples homoparentaux ou encore le droit des femmes. Ou même l'inceste, la pédocriminalité, peu importe. Oh je sais ! s'écria-t-il.

Ace leva un sourcil et attendit la suite. Qui ne vint pas. Le téléphone de Tyler, posé sur la table, sonna une seconde fois.

— Pardon.

— Encore une fois ? fit remarquer Ace en voyant son compagnon saisir son portable.

— J'en ai pour une seconde.

— On est pas censé bossé ?

Tyler lui adressa une mimique désolée avant de s'éloigner. Ace serra les dents. Il le faisait exprès, ce n'était pas possible ! Le projet allait leur demander des mois avant d'être terminé, et il n'avait que peu de temps devant lui. Il ne pouvait pas répondre plus tard ? Lui aussi, n'avait pas envie de se faire chier avec ce stupide mémoire ! Et si Tyler n'y mettait pas du sien, ils n'y arriveraient jamais.

Ace pianota des doigts sur la table, contenant tant bien que mal l'impatience qui cédait peu à peu à la colère. Il regarda l'écran de son téléphone. Ça faisait déjà un quart d'heure. Bon sang, mais qu'est ce qu'il foutait ?


Quand Tyler revint dix minutes plus tard, Ace avait du mal à se contenir. Le sourire que lui adressa le blond eut le don de l'énerver encore plus.

— Je suis vraiment désolé, c'est entièrement de ma faute. J'avais promis de rappeler un pote et j'ai complètement zappé. J'organise une petite soirée ce week-end et j'ai pas encore tout prévu. J'ai dû appeler quelques amis pour leur dire qu'elle tenait toujours...

Ace inspira longuement et ferma les yeux pour évacuer son envie de meurtre. Quand il les rouvrit, il fusilla Tyler du regard.

—Tu voudrais bien éteindre ton foutu téléphone, s'il te plaît ?

Sa voix posée, est étrangement détachée ne laissait aucune place à la négociation. Tyler s'exécuta sans rechigner, pour une fois.

— C'était quoi ton idée avant que ton ami se rappelle à ton bon vieux souvenir ? reprit-il sur le même ton.

— J'ai oublié, marmonna-t-il, un air gêné sur le visage.

— Pas grave, j'ai eu le temps de réfléchir, moi. Je te propose de parler des agressions sexuelles à l'encontre des femmes, principalement. Ça te va ?

Le visage de Tyler s'illumina.

— C'est parfait comme thème ! Et on pourrait par exemple parler de la notion de consentement, enchaîna-t-il rapidement. Des prétendus violeurs qui ne cessent de dire que la victime était consentante, alors que c'est faux, sinon on ne qualifierait pas ça d'agression.

Ace hocha la tête. Il était d'accord avec lui. Il devait admettre que, pour une fois, Tyler avait eu une bonne idée.


La suite se déroula dans une atmosphère plus détendue, du moins pour Tyler. Ace était sur des charbons ardents, son binôme semblait prendre un malin plaisir à la taquiner.

Le portable d'Ace vibra, alors qu'ils étaient en train de faire des recherches sur Internet.

— On n'avait pas dit « plus de téléphone » ?

Ace lança un regard noir à un Tyler tout sourire et qui jubilait. Il le fixa droit dans les yeux tandis qu'il l'éteignit. Le sourie du blond s'élargit.

— J'aime mieux ça.

— Si tu l'avais pas fais dès le début, on n'aurait pas perdu autant de temps et on n'aurait pas à se supporter plus longtemps.

— Qui t'a dit que je n'aime pas être avec toi ?

Ace ouvrit la bouche, et la referma d'un claquement sec. Tout dans l'attitude de Tyler montrait qu'il cherchait à le titiller et à l'agacer. Ce qui était chose faite.

Je t'arrête tout de suite, le moins on se voit, le mieux je me porte.

Tyler fit une mine boudeuse. Il joua avec son doigt, le faisant glisser sur le tranchant de son verre.

— Je n'ai plus qu'à faire tout ce que je peux pour t'obliger à passer du temps avec moi. En faisant exprès de téléphoner par exemple...

Le regard que lui lança le blond déstabilisa Ace. N'arrivant plus à supporter le regard azur de son compagnon, il baissa les yeux sur son ordinateur.

— Travaille et tais-toi, lâcha-t-il.

Tyler laissa échapper un petit rire moqueur, qui lui valu un coup d'œil meurtrier.

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