Code Red

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Belle à damner les saints et condamner les hommes malsains, tu invites ta silhouette féline sur les coussins moelleux du Traxx. Ta robe échancrée, choisie avec soin, attire mille-et-un regards : la convoitise de quelques filles qui pensent chiffon, et ceux, nombreux, des hommes qui en pénètrent d’un regard les tissus, l’œil luisant, à l’affût.


Leurs yeux affamés se hasardent sans fin sur tes courbes rebondies, se posent comme des mouches voraces sur tes seins magnifiés par ce décolleté pigeonnant. Tel des vautours déguisés en pigeons, ils menacent à chaque instant de se jeter sur cette viande que tu mets en valeur, exhibes. Cette chair douce, délicatement parfumée, la tienne, cette chaire promise au mâle alpha soumis aux aléas de sa testostérone, elle rend fou !


Lorsque tu vas danser, le galbe de tes fesses et ton déhanché intriguant, propulsé par tes jambes longues comme infinies, enchantent ces manants dont les désirs palpitent : dans le creux de leurs sous-vêtements, la demi-molle s’invite, la turgescence s’impose. Urgence des pulsions : le corps caverneux se gonfle : déjà, ils s’imaginent en toi, quêtant dans tes profondeurs le Graal futile, nuisible, de leurs désirs trop grands pour eux.


Hors de question de se dégonfler : ils viennent à toi, tentent de t’inviter.


Tu opposes aux légions des « non » en cascade, inventant un amour qui n’existe pas, l’absence fantasque et conspuée de 06 : hors de question de plonger dans les eaux fangeuses de ce styx.


Les verres, portes ouvertes à tous les vices ? Tu les refuses avec douceur : tu peux te les offrir ! Il suffit, pour cela, de balancer un sourire pas si mutin au barman, un homme comme les autres, avec les pleins pouvoirs. Mais tu préfères, d’un billet, régler l’addition, bien moins salée. Ce monde te dégoûte.


Les hommes au fond, tu les connais : tous les mêmes, des chiens, bon à remuer leurs queues, à subir sans cesse ces afflux de sang qui les rendent pathétiques, détestables, automatiques.


Et cet orgueil ? Cet orgueil minable qui, lorsque tu te refuses à leurs pitoyables avances, révèle leur intention profonde. D’un claquement de doigt, de baguette magique, de déesse tu déchois, devient une ribaude, une trainée. Te voilà intronisée : tu es la salope, l’allumeuse fardée, la pute certaine qui fait le tour des lits.


D’aucuns, la haine au ventre, le chibre ramolli, refroidis assurément, crachent des glaires non loin de tes bottines ou renversent leurs élixirs du diable sur tes jambes imprenables, maudite forteresse. Alors tu t’en vas. Ta soirée, gâchée par ces troubles fêtes au verbe haut, se termine ainsi.


*


« Au revoir, les copines, je suis fatiguée. »

Fatiguée de vouloir être en ce monde.

Fatiguée d’être belle, de ne pas vouloir disparaître en tant que personne.

Fatiguée de ces danses cruelles.


*


Tu t’engouffres dans la nuit, par les quais ombragés, d’un pas lent et léger, pensant aux lendemains qui chantent, à cette douce musique du quotidien, aux refrains entêtants, quand un homme surgit devant toi, mèche rebelle. Eméché ? Sourires insistants, regards persistants s’incrustent sur son visage glabre de serial lover : encore l’un de ces princes au rabais, au tempérament sanguin, à qui rien ne résiste.


« Hé, princesse ! »


Pour seule réponse, l’écho de tes pas qui frappent contre le macadam froid, à mesure que tu accélères la cadence.


« Hé, beauté, je te cause. »


« Fais pas ta timide, putain ! »


L’issue, tu la connais, fatale. Ce film, tu l’as déjà vu, vécu. Toi, la petite pute sexy ! Toi la petite allumeuse, la salope ! Tu n’attends qu’une chose, au fond : te faire baiser profond dans une ruelle. Tu sais que c’est de ta faute avant même qu’on te reproche quoi que ce soit. Ta faute, pas celle des hommes. Eux, ils sont faibles. Ils ont bu.


Eux, lui, tous : tu revois à travers lui le visage de ton agresseur, ce chibre fantôme qui te hante encore, ce corps dégueulasse, lâche, qui te fouille, injecte son mal infect en toi - un époux modèle, un père aimant, au casier vierge, membre actif de cette société, un juriste, au-dessus des lois. « On ne peut rien faire. » On est un con.


« Tu pourrais répondre, sale pute ! »


D’un geste violent, l’homme te projette contre un mur, excité par cette pluie de « non » qui ne trouvent écho dans le silence assourdissant de la ville complice, ces « non » qui sonnent comme autant d’acquiescements, ce « oui » qui suinte par tous les pores de ta peau dénudée. Et cette tenue, révélatrice des désirs les plus sombres de la femme : le fantasme du viol ? Qui l’a choisie ? Toi ! Toi ! Toi !


Pute !


« Allez, fais pas semblant, cochonne ! Je sais que tu en meurs d’envie. »

Et cette paire de seins, si peu discrète, personne ne t’obligeait à la dévoiler. Personne.

Et cette fente sèche, mais douce, qui attend son roi pour s’ouvrir tout à fait ?


Pute !


*

Tandis que le prédateur t’étrangle d’une main assurée et puissante, plaquant son corps musculeux contre le tien, son gland humide s’apprête à forcer ton intimité. A bout de force, tu fermes enfin les yeux et implores une dernière fois ce bourreau qui…

d’un coup sec

plante en toi ce sexe maudit.

Des crochets acérés

se referment alors

sur l’extrémité de son pénis.


Ce regard effaré que le prédateur te lance, comme un enfant perdu, ce cri de douleur qu’il renvoie à la nuit, ce cri de victime, ne trouve écho que dans ton silence profond, méprisant. Tu le regardes, lui, tordu de douleur, la verge renfrognée, incurvé dans le latex du rape-aXe, risible, baignant dans sa morve. Pas une goutte de sang !


*


Désormais, tu ne risques plus rien : que pourrait-il dire, pour sa défense, pour justifier l’état lamentable de sa verge ?


Tu peux rentrer, Lisa, à présent.


« Si les hommes peuvent faire de leur corps une arme, alors il est temps pour les femmes de les imiter. »

Sonnet Elhers





20 novembre 17. Semaine 10.

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