L'ange et l'incube (1)

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Un incube quitta un jour son enfer où personne ne s'intéressait vraiment à lui. C'était la première fois qu'il partait sur des terres inconnues et il déambulait alors sans trop savoir vers où. Soudain, il rencontra un ange près d'une rivière. Ce petit ange, d'une pureté et d'un cœur sans égal, dégela en une fraction son cœur, organe qu'il croyait mort à jamais, enfouit au plus profond de lui. Alors que tout et leur nature même les opposaient ces deux-là devinrent inséparables et on s'étonnait plutôt de les voir l'un sans l'autre. Leur complicité était telle qu'un regard leur suffisait à échanger tous leurs sentiments et à rassurer l'autre. Notre jeune incube, totalement novice en amour, se savait alors esclave de sa passion pour le petit ange. Il aurait pu mourir pour préserver ne serait-ce qu'un seul de ses sourires. Tout simplement, les hauts et les bas de cet être des enfers étaient devenus dépendants de la volonté du chérubin. C'était désormais de lui que dépendait la moindre de ses humeurs, il souriait pour lui, riait avec lui et pleurait à sa place. Rien pour lui n'était plus important que de protéger par tous les moyens celui sans qui la notion de futur n'avait plus aucun sens.

Seulement, un jour, le petit ange fit la rencontre d'un autre de ses pairs et, dès lors, il ne parla plus que de lui. Notre incube garda sa douleur enchaînée au fond de lui, étrangla sa jalousie pour la faire taire, et se força à sourire face au bonheur évident de son aimé. Celui-ci était heureux, même si lui était au plus mal au fond de lui, il se contraignait au silence. Son ange souriait, un air radieux illuminait ses traits innocents, alors c'était le principal. Cependant, le plus petit connaissait parfaitement son compagnon et avait en partie, en partie seulement, compris le mal qui l'habitait. Il voulut alors le rassurer et d'un chaste baiser, frôlant tout juste les lèvres d'un incube au regard troublé, il lui promit « Tu seras toujours la personne la plus spéciale, la plus importante à mon cœur ». Quelque peu rassuré, l'incube put alors recommencer doucement à lui adresser un sourire qui atteignait à nouveau ses yeux. Mais notre ange n'arrêta pas néanmoins de voir cette autre personne qui s'imposait doucement dans son cœur, prenant de plus en plus de place dans sa vie. Le jeune incube, la promesse bien en tête, le laissa respirer, s'éloigner un peu, vivre sa vie. Mais au plus les trois protagonistes étaient réunis, au plus il se sentait exclu, éloigné de leurs rires. Il se rendait compte qu'ils ne partageaient plus le même quotidien et que son ange commençait à continuer sa vie sans lui.

Il essaya de se rapprocher de son aimé, celui qu'il aimait plus que sa propre vie, et il avait peur d'avoir raté quelque chose, de ne pas s'être assez accroché. Son ange s'entourait de plus en plus de gens, il n'avait plus besoin de lui pour se libérer et être joyeux ; il devenait indépendant, indépendant de lui. Alors que lui prenait conscience qu'il était plongé dans la plus grande solitude qu'il n'ait jamais connu. Même lorsqu'il ne connaissait pas encore celui qu'il aimait appeler son âme-sœur, tant ils étaient connectés et semblaient être nés pour se rencontrer, il se sentait moins seul car il n'avait pas encore compris cette sensation de solitude qui était à l'époque son quotidien. C'était le petit ange qui lui avait fait prendre conscience de tout ça, tout en lui ouvrant les portes vers un nouveau monde qui n'était qu'amour, douceur, partage, rires et sourires à ses côtés. Seulement, aujourd'hui, sa solitude était plutôt psychologique. Même s'il était sans cesse entouré, les nouveaux amis de son aimé le retenaient de plus en plus loin de lui et il ne pouvait pas tout lui dire du mal qui l'habitait. Il ne voulait pas le blesser en lui avouant égoïstement qu'il voulait qu'il ne voie que lui, qu'il ne pense qu'a lui, qu'il ne sourît que grâce à lui et pour lui. Alors notre incube se tait et subit chaque jour comme il le peut, de plus en plus difficilement. Elle lui paraissait soudainement lointaine l'époque où son âme-sœur basait ses émotions sur les siennes.

Et puis un jour où il sentait retrouver ce sentiment qu'ils connaissaient à la base de leur amitié, son ange lui annonça, bafouillant et rougissant qu'il avait posé ses lèvres sur celles de son pair. Ce fut le coup de trop pour notre incube. Toutes ses pensées se figèrent et il lui semblait et que tout le monde à des kilomètres autour de lui pouvait entendre le bruit que fit son cœur lorsqu'il se brisa brusquement et bruyamment en mille morceaux. Cet ange qui lui avait donné un cœur venait alors de lui briser en un instant. Qu'avait-il fait pour mériter ça ? Comment celui qui était censé se soucier le plus de lui pouvait négliger de le sorte ses sentiments ? Même lorsqu'il poursuivi sa confidence en lui avouant que c'était son amant qui s'était jeté sur ses lèvres en premier et qu'il n'avait pas particulièrement apprécié, pas comme lorsqu'il l'avait fait avec son ami incube, ce dernier avait arrêté de lui chercher des excuses. Même s'il n'y avait pas de réels sentiments dans ce baisé échangé entre son ange et celui qu'il considérait désormais comme son ennemi, il ne pouvait s'empêcher de penser que son âme-sœur ne l'avait pas repoussé, il avait même répondu au baiser, laissant espoir à son concurrent.

Le plus important pour l'ange n'était donc pas de ne pas le blesser lui, son meilleur ami ? Le petit ange, antérieurement le plus pur de nos deux protagonistes, n'avait pas su faire face à ses sentiments en ne repoussant pas l'autre pour ne pas le blesser mais il ne se rendait pas compte qu'en agissant ainsi, il faisait encore plus de mal à son ami de longue date. Ne se rendait-il pas compte qu'en ne repoussant pas l'autre, il le laissait s'insérer entre eux, bafouant leur amitié en faisant fi de ce que ressentait l'incube, le forçant à ne sorte de relation à trois remplie de fausseté ? Lorsque que la vérité tomberait, ils allaient tous tomber de haut et la chute n'en serait que plus douloureuse pour les trois réunis de force. Lorsqu'on ne fait pas face à ses sentiments, il y a forcément quelqu'un qui souffre et, généralement, ce n'est pas la bonne personne. Et de cela, seul notre pauvre incube en avait conscience. Il avait l'impression que la promesse qu'il lui avait fait n'était que mensonge. Alors, vaincu par cet amour immoral et impossible, il se retira.

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