Connor Lynch

5 minutes de lecture

Connor Lynch venait de monter les escaliers d'un immeuble défraîchi. Son voyage l'avait mené jusqu'à Belgorod, une ville proche de la frontière Ukrainienne. Les murs suintaient d'humidité et une odeur âcre plânait dans les couloirs. Il s'arrêta devant une porte dont la peinture rouge s'écaillait.

Un regard sur sa montre lui indiqua l'heure, 20h34. Bon timing. Il attendit quelques secondes, à l'écoute. Son ouïe fine tentait de percevoir les bruits dans l'appartement dans lequel il s'apprêtait à entrer. Tout était calme, seul le grincement léger et furtif du parquet lui signalait la présence d'une personne à l'intérieur. Il toqua.


Le silence devint complet, on essayait de le duper, de faire croire qu'il n'y avait personne. Connor sourit. Il boutonna sa veste de costard grise.

« Laissez-moi entrer, je sais que vous êtes là. »

Aucune réaction de l'autre côté. Il patienta. Petit à petit, une aura maléfique s'insinua à travers la porte. Connor Lynch eu l'étrange sensation d'être épié. Pour un être commun, tout semblerait normal, excepté l'insalubrité du bâtiment qui marquait la pauvreté des résidents. Mais Connor distinguait bien cette atmosphère alourdie par cette influence fielleuse.

« Qui est-ce ? fit une voix rauque derrière la porte.
— Connor Lynch, bien évidemment. »

Il l'avait dit comme s'il s'agissait d'une évidence. La porte s'ouvrit enfin. Le souffle que propagea son ouverture amena avec lui une onde chargée de magie noire qui frappa le patron du CGCS de plein flouet. Il vacilla, puis reprit contenance. Connor Lynch avait une résistance peu commune, mais cela ne l'empêchait pas de sentir cette boule se former dans son ventre.


La créature humanoïde qui se tenait debout dans le vestibule de l'appartement était tout ce qu'il y avait de plus pervers et de malsain. Le simple fait d'être dans la même pièce que lui suffisait généralement à faire frissonner quiconque de peur. Il était grand, sa peau avait la couleur de l'albâtre et ses yeux étaient d'un bleu azur perçant, foudroyant. Son regard seul pouvait provoquer chez autrui un sentiment poignant d'épouvante et d'insécurité.

Connor Lynch passa l'embrasure de la porte et referma derrière lui.

« Je vois que les affaires marchent bien. » constata-t-il en découvrant le corps sans vie d'une femme à ses pieds.

Le cadavre avait une morsure sanguinolante à son cou. Classique, pensa Connor, mais pas tant que ça pour cet homme. Il était généralement plus discret lorsqu'il devait asssassiner. Pourquoi se permettait-il donc d'être si peu discret ?

Il releva la tête alors que le tueur s'affairait à remettre divers éléments en place dans l'habitation.

« Je suppose que quelqu'un viendra derrière vous.
— Peut-être, répondit-il.
— Si vous me permettez, je trouve que c'est du gâchis que d'avoir procédé ainsi. N'y avait-il pas d'autres options ? Vous auriez au moins pu faire ça correctement... »

L'homme aux yeux bleus s'immobilisa et il lança un regard noir à son interlocuteur. Connor sentit les poils de son épiderme se redresser et un courant fugace vint lui picorer la peau. Le patron ne se sentait jamais aussi vivant que lorsqu'il rencontrait, même furtivement, l'assassin et son obscur pouvoir de terreur. L'idée d'un jour l'affronter en duel l'intimidait tout autant qu'il l'électrisait. Seulement, un tel combat risquait de mettre la Terre bien à mal et comportait autant de risques qu'il était inutile de prendre.

« Soyez concis, lui ordonna la créature aux yeux plus pures que le saphir.
— Très bien. Je voulais vous demander un service. »

L'homme leva un sourcil, Connor avait attisé sa curiosité. Il était rare que Monsieur Lynch lui demandât un service, ce qui l'intriguait d'autant plus.

« Et quel est-il ? »


***


Affalé dans son canapé, Adhara mangeait sa pizza avec appétit. Le jeune homme était heureux d'être rentré chez lui et cela se ressentait dans son comportement plus avenant.  

Il engloutissait sa deuxième part devant une série policière quand Hedony réapparut dans le salon et, de suite, son regard fut captivé. Les cheveux encore mouillés d'avoir pris une douche, elle s'était habillée dans une tenue décontractée. Un petit jogging confortable, un débardeur flatteur avec un gilet ouvert par-dessus. Même habillée aussi simplement et sans maquillage, la jeune femme restait belle. Le tuahine en restait bouche bée. Il se redressa et désigna la boîte sur la table basse.

« Hmm. La tienne est là, installe-toi. » dit-il la bouche encore pleine.

Hedony s'approcha et prit place à côté de lui, en tailleur. Elle entama sa pizza en jetant un coup d'oeil vers le jeune homme. Il semblait partagé entre l'envie de continuer sa série ou reluquer discrètement la succube, mais lorsqu'il capta son regard, il se figea.

« Qu'est-ce qu'il y a ?, demanda-t-il.
— Tu as de la sauce tomate sur la joue. » répondit-elle avec un sourire amusé.

Son expression resta sérieuse, persuadé qu'elle se moquait de lui. Il ne la croyait pas. C'était ce à quoi elle était la plus douée, n'est-ce pas ? De semer le doute et de lancer des petites piques à tout va pour l'agacer et le titiller.

« Tu mens, c'est pas vrai.
— Oh si, mais fais comme tu le sens, tu peux rester comme ça si ça te chante. »

Sourire espiègle. Elle grignotait sa pizza sans cesser de le fixer. Il était perdu.

« Non, sincèrement, j'en ai ? » finit-il par abdiquer, trop soucieux de son paraître.

Elle mâchait sa bouchée plus lentement, dans ses prunelles, une lueur mesquine vacillait. Elle se pencha vers lui, approchant sa main comme pour lui retirer la trace. Il se recula, méfiant.

« Non, allez, sérieusement, je vais te l'enlever. »

Elle se rapprocha encore et au dernier moment, elle lui tartina le visage de son morceau de pizza qu'elle tenait dans l'autre main. Ça, c'était pour m'avoir traité de colis!, pensa-t-elle.

« Héé ! »

Adhara lui aggripa les bras, elle se défendit. Le morceau de pizza amoché valsa au sol. Ils se débattaient à qui mieux mieux, Adhara tenta de tenir les poignets de la jeune femme d'une main et prit un morceau de pizza de l'autre, histoire de lui rendre la monnaie de sa pièce. Il allait tout juste l'enduire de sauce tomate avec morceaux de cornichons quand elle réussit à se défaire de son emprise. Elle tomba sur le tapis, recula pour fuire son adversaire mais déjà il venait l'encercler de ses bras. Elle cacha son visage entre ses genoux et ses bras, testant la force du jeune homme, mais il eut raison d'elle.

« Ha, c'est bon, lâche-moi ! » dit Hedony en riant à moitié.

Elle se retrouvait désormais allongée sur le dos, elle se débattait toujours tandis qu'Adhara s'était placé au-dessus d'elle, parant ses esquives.

« Ha non, tu vas morfler maintenant ! »

Le morceau était tombé en lambeaux tant il l'asticotait avec, la forçant presque à le manger. Ils rirent de bon coeur et finirent par se calmer. Ils reprirent leur souffle sans oser bouger, jusqu'à ressentir cette tension palpable dans l'air.

Hedony se redressa, mit sa main dans la nuque du tuahine et vint lécher le rouge sur sa bouche.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Maioral ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0