Prologue

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Février 1967.

Finlande. Ce pays est tellement froid, pensa la petite fille alors que son regard se perdait dans le ciel.

Dehors, les rues étaient couvertes d'un épais manteau blanc. Une musique lancinante et mélancolique s'échappait de chez Joni, le bar familial voisin. En fin de soirée, la serveuse qui travaillait là-bas adorait mettre une chanson en particulier sur le juke-box. Ce morceau, When a man loves a woman, la petite la connaissait par cœur à force de l'entendre avant de s'endormir. Étonnamment, ses paroles et son histoire faisaient écho dans sa tête. Et tandis que des bribes de la musique lui parvenaient de la rue, Hedony observait les flocons de neige virevolter à chaque bourrasque devant sa fenêtre.

Elle pensa à sa mère, dans l'espoir de la voir revenir. Elle espérait qu'en restant éveillée assez longtemps, elle pourrait la voir traverser la rue, frapper à la porte,  demander à la récupérer et pouvoir repartir avec elle. Cela faisait désormais deux mois qu'elle était dans cette famille d'accueil, qu'on lui répétait qu'elle ne reviendrait pas, mais l'espoir était toujours là.

Au désir de revoir sa mère un jour, se mêlait cette sensation d'être dans l'attente. L'attente de trouver quelqu'un d'autre. Cette impression perpétuelle qu'il manquait quelque chose à sa vie. Qu'il manquait à son existence la présence d'une bonne amie, d'une âme à chérir. Elle n'aurait su dire quoi, ni qui, mais cette intuition ne la quittait pas. Pas un seul jour ne vint sans qu'elle n'ait cette impression d'être seule, même entourée de monde, à la maison ou à l'école. Pas un seul jour ne vint sans qu'elle n'ait cette impression, qu'au fond, elle devait avoir quelqu'un à ses côtés, mais que celle-ci, tout comme elle, n'arrivait pas à la trouver.

La main posée sur le carreau, Hedony sentit le givre mordre sa paume. Si elle la laissait suffisamment longtemps, resterait-elle collée contre la surface avec le froid ? Pourrait-elle devenir à son tour de la glace ? Se transformer en flocon ou goutte d'eau et traverser les âges en se transforment à chaque nouveau cycle ? Passer de solide à liquide, puis en état gazeux et de nouveau en eau ?

Elle soupira et retira finalement sa main pour se blottir contre la vitre, entourant ses jambes de ses bras. La chanson touchait à sa fin. À défaut de ne rien avoir à faire d'autre, elle fredonna les paroles qu'elle devinait plus qu'elle ne les entendait.

« When a man loves a woman
Down deep in his soul
She can bring him such misery... »

Une larme se logea au coin de son oeil.

La porte de sa chambre s'ouvrit en grinçant légèrement.

« Hedony, tu devais être au lit depuis deux heures, qu'est-ce que tu fais ? »

La petite essuya sa joue humide.

« J'attends maman.
— Tu sais bien que maman ne reviendra pas, ma belle... »

Sa mère d'accueil s'avança et caressa ses cheveux chocolat.

« Jamais ? »

La jeune femme hésita.

« Non, elle ne reviendra pas... Je crois qu'elle ne pourra jamais revenir, hélas. »

Hedony fronça des sourcils. Comment pouvait-on ne jamais revenir ? Pourquoi ? Et pourquoi avait-elle cette intime conviction que ce n'était pas vrai ?

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