Refuge

4 minutes de lecture

Avant de fermer la portière, Jacob posa une dernière question au chauffeur.

« Veikko, tu sais toujours où est notre plan B ? »

Son interlocuteur acquiesça, le visage fermé. Le quinquagénaire put alors se retourner vers le motard.

« Vas-y, démarre Veikko, le pria Kalevi.
— Vous n’allez quand même pas le laisser partir comme ça ? Vous n’allez rien faire ? s’insurgea Hedony en voyant Jacob s’avancer vers leur adversaire.
— Pour être honnête, je préfère que ce soit lui plutôt que moi, répliqua Adhara. »

Veikko mit la marche arrière tandis que la succube, abasourdie, tourna la tête vers Kalevi pour trouver de l’aide. Celui-ci ne put soutenir son regard et baissa les yeux, résigné.

« Non, mais j’y crois pas ! Des vraies tapettes en fait ! »

Hedony voulut pousser le tuahine pour sortir et rejoindre Jacob, mais Adhara la retint et Veikko fit reculer la voiture dans un crissement de pneus.

« Mais putain, le laissez pas seul ! se débattit la jeune femme.
— Jacob sait ce qu’il fait, je pense même qu’il se doutait que cela allait arriver, voulut l’apaiser Kalevi.
— Comment il aurait pu savoir ? le questionna-t-elle en retour.
— Jacob essaie toujours d’être le plus prévoyant. »

Son demi-tour effectué, la voiture reprit de la vitesse dans les rues de Prestwich. La détermination d’Hedony s’envola à mesure que la voiture s’éloignait. Elle ne pouvait toujours pas croire qu’ils laissaient Jacob ainsi en plan.

« Que va-t-il lui arriver, vous pensez ? demanda soudain la succube, la mine déconfite.
— Il va sûrement crever, insinua Adhara, défaitiste.
— Il a une idée en tête, je crois, intervint Veikko qui avait gardé le silence jusqu’à présent.
— Et on va où maintenant ? C’était quoi l’idée ? Pourquoi vous nous suiviez ? interrogea la jeune femme dont les questions ne cessaient de se bousculer dans sa tête.
— On imaginait bien que tu allais sortir à un moment donné. D’une façon ou d’une autre, on voulait pouvoir t’aider, le cas échéant.
— Ah bah ouais, bravo, j’ai crashé ma voiture grâce à vous, grommela l’ange déchu.
— En fait, c’est Hetaeris lui-même qui nous a prévenus, expliqua Kalevi.
— Pourquoi il aurait fait ça ? continua Adhara que la révélation intriguait.
— C’est un jeu pour lui. Rien ne l’amuse plus qu’une bonne partie de chasse à l’homme. Il aime savoir que ses proies sont apeurées, il s’en nourrit. »

La réponse de Veikko dont la voix grave ajoutait plus de sérieux termina de plomber l’ambiance. Hedony accusa le coup. Tout le monde garda le silence et ce ne fut qu’une demi-heure plus tard qu’ils aboutirent dans la ruelle d’un quartier aisé. La voiture tourna pour s’engager dans une prairie aux herbes hautes.

« Qu’est-ce qui se passe ? » questionna la succube tandis que le tuahine fronça des sourcils.

Le véhicule tangua sur une bosse, secouant ses passagers avant de traverser la fine barrière invisible qui dissimulait une maison quatre façades. Veikko éteignit le moteur une fois stoppés devant le garage. Il soupira alors qu’un silence pesant planait dans l’habitacle.

Le tuahine fut le premier à reprendre la parole.

« C’est ça, le plan B ? Une maison cachée dans la même ville que vos ennemis ? s’étonna-t-il.
— Jacob a pris plusieurs mois à l’entourer de sorts d’invisibilités. Il n’y a aucun moyen de la voir, il en a vérifié tous les angles…
— J’suis pas sûre que ça suffise pour retenir un type comme Hetaeris, bougonna le tuahine.
— Ce n’est que provisoire. C’est le meilleur refuge qui peut nous abriter le temps de savoir ce que nous comptons faire.
— Nous ? Vous pensez sincèrement qu’on va faire équipe ? répliqua Adhara avec une moue dégoûtée.
— On peut toujours vous ramener à la CGCS, si vous préférez, maugréa Veikko de mauvaise humeur.
— Non merci, c’est très gentil, se dépêcha de répondre Hedony avec un sourire crispé. »

L’idée de retourner dans le bâtiment et d’être à nouveau en présence de Monsieur Lynch ne lui plaisait guère. Elle sortit de la voiture à la suite de Kalevi et leva les yeux vers la maison en pierre qui leur faisait face.

« Elle est jolie, céda la jeune femme tout bas.
— C’est censé être notre dernier recours, murmura Kalevi qui en admirait la façade. Si un jour on ne devait plus avoir d’endroit où aller, si l’un de nous devait être pourchassé ou quoi… Ceci est notre dernier refuge, notre dernière chance pour nous en sortir. »

Hedony perçut la nostalgie dans les inflexions de sa voix. Elle l’observa, le temps que les deux autres hommes sortent du break. Ses joues rondes à la barbe naissante lui donnaient un air d’ours en peluche. La succube ne doutait pas de sa gentillesse. La première fois qu’elle l’avait vu déjà, elle l’avait trouvé aimable. Il était trop bavard et volontaire pour être un geôlier digne de ce nom lorsqu’ils l’avaient gardée captive le temps d’une nuit.

« On pouvait aller ailleurs, s’il fallait… concéda-t-elle.
— Non, c’est l’occasion idéale. Il te sera plus utile à toi qu’à nous, je pense. Puis sans Jacob, on va devoir réfléchir… Certains de nos plans risquent de tomber à l’eau.
— Tu penses vraiment qu’il ne reviendra pas ?
— J’ai de sérieux doutes. Je n’ai jamais entendu quelqu’un survivre à Hetaeris.
— Pourquoi ne pas être resté l’aider alors ? »

Elle ne comprenait toujours pas comment ils avaient pu laisser tomber leur « supérieur » face à un adversaire tel que la créature semblait être. Seulement, au moment où Kalevi comptait reprendre la parole pour lui répondre, Adhara les rejoignit, l’œil mauvais, et coupa court à la conversation.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Maioral ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0