Apothéose

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La succube le fusillait du regard, furieuse.


« Non mais allô ! C’est toi qui m’a foutue dans cette galère !
— Sans moi tu serais encore dans les griffes de ces autres gars, c’était pas mieux ! riposta Adhara en fronçant les sourcils.
— Ca t’en sait rien du tout ! Je suis même sûre que j’aurai pu m’en sortir seule, termina-t-elle dans un chuchotement.
— Haha ! Laisse-moi rire ! Putain quoi ! Je me demande vraiment ce que j’ai eu derrière la tête pour venir à ton secours ! J’aurai dû te laisser pourrir dans ta chambre. »

Hedony s’accouda à la fenêtre et leva les yeux au ciel.

« C’est parce que tu m’aimes, répondit-elle d’une voix distraite tout en regardant par la fenêtre. »

Adhara resta silencieux une seconde. Elle ne disait pas ça sérieusement, mais au fond qu’en était-il vraiment ? Il préféra ignorer, lâcha même un soupir bruyant pour réfuter ses dires, et se concentra sur la route en jetant régulièrement un coup d’œil sur ses arrières.

Lorsqu’il referma sa prise sur le volant, son bras le lança. Une douleur fugace le fit grimacer et retenir sa respiration.


« Tu t’es fait mal ? S’alarma Hedony en se redressant sur son siège.
— C’est rien.
— Ton bras… »


La succube le dévisagea avec inquiétude. Sa colère s’était dissipée, n’arborant plus désormais qu’une attention bienveillante. De la manche calcinée d’Adhara, elle remarqua la rougeur anormale de son avant-bras.


« On y regardera après. On doit d’abord s’éloigner le plus possible d’ici.
— Mais ça a l’air grave, Adhara !
— J’ai dit plus tard ! »


Son ton était coupant et ne soufflait aucune réplique. Face à son énervement, Hedony resta pantoise. Elle se tut, mais comptait bien lui rappeler de se soigner dès que l’occasion se présenterait.


« On est suivis. »


Le tuahine fixait son rétroviseur par intermittence.


« Pardon ?
— On a une voiture qui nous colle au cul, traduisit-il dans son langage plus fleuri. »


Hedony sentit son angoisse revenir. Discrètement, elle s’agrippa plus fermement à l’accoudoir et tenta de garder une respiration lente et régulière.

Adhara bifurqua dans la prochaine rue et mit la vitesse supérieure. Il se doutait bien que ça n’allait pas être aussi facile. Le pire, c’était qu’il se sentait prêt. Ses mains empoignèrent son volant avec plus de vigueur alors qu’il scrutait l’autre voiture à travers le rétroviseur central.


« Accroche-toi, ça risque de déménager ! » conseilla le tuahine avec détermination.


La voie libre devant lui, il appuya sur la pédale de l’accélérateur et le moteur rugit sous le capot. La silhouette longiligne de la voiture accéléra. Adhara lui fit effectuer quelques détours pour semer les poursuivants, mais ils tenaient bon.

Le jeune homme inspira profondément : plus d’autre choix que de jouer les kamikazes maintenant. Il monta sur l’autoroute et lança la voiture plus haut dans les tours. Hedony s’accrochait encore à son accoudoir.


« J’espère que tu sais ce que tu fais, hasarda la succube un peu mal à l’aise.
— T’en fais pas, poulette. Avec mon petit bijou, on va vite les semer. »


Il tapota le volant de ses doigts pour désigner sa voiture.

Les mecs et les voitures quand même, pensa ironiquement Hedony.

Adhara contourna les voitures trop lentes sur son chemin, zigzaguant au gré du trafic. Mais étrangement, certaines semblaient prendre un malin plaisir à changer de bandes pour se retrouver devant eux et les ralentir. Adhara leur lançait alors des appels de phares insistants ou klaxonnait allègrement en les injuriant.


« Mais merde ! C’est pas vrai ! Ils font exprès ! »


Et les voitures les laissaient finalement passer après leur avoir fait perdre de précieuses secondes. Si bien que le temps qu’ils avaient réussi à gagner était perdu et que leur poursuivant était à nouveau derrière eux.


« Euh… Adhara… Ils nous rattrapent, s’inquiéta Hedony.
— J’avais pas remarqué, grommela-t-il. »


Il prit la dernière sortie en dernière minute pour rependre les petites rues où il espérait pouvoir les distancer au détour d’un immeuble, mais se retrouva sur une nationale. Le ciel qui s’était obscurci s’abattit sur eux avec une pluie torrentielle et minimisa la vue du conducteur.


« Il manquait plus qu’ça… » Marmonna le tuahine dans sa barbe alors qu’il mit en route ses essuie-glaces.


Le visage de la succube était devenu blême à mesure que se poursuivait leur course. C’était de la folie. Elle ferma les yeux pour calmer la tempête qui faisait rage dans sa tête.


« Hedony, écoute-moi. Regarde sur le siège arrière, il y a un sac. »


La jeune femme reprit ses esprits et acquiesça. Elle se retourna sur son siège et vit le sac de sport.


« Ouvre-le. Il y a des armes dedans. Choisis-en une et tu n’as qu’à essayer de leur tirer dessus. »


Ses yeux s’agrandirent de surprise en voyant effectivement le nombre conséquent d’armes qu’il trimballait dans un si petit sac. Elle hésita tant il y en avait.


« Il y en a un plus léger, dans les plus petits. Celui qui a un canon plus long. Prends celui-là. » lui conseilla-t-il en tournant légèrement la tête pour vérifier qu’elle s’en sortît.


Elle le trouva et se rassit sur son siège. L’arme en main, elle inspira profondément. Allait-elle vraiment le faire ? Elle jeta un regard vers le tuahine.


« Essaie au moins de viser les roues. Et déverrouille-le… là. »


Une main sur le volant, et de l’autre il l’aida avec les manipulations.


« Vas-y ! »


Elle hocha la tête en s’humectant les lèvres, descendit la vitre côté passager et sortit la tête pour braquer son arme sur la voiture qui les poursuivait. Pendant quelques secondes, elle trembla d’angoisse, réalisant à peine ce qu’elle était sur le point de faire. La pluie ruisselait déjà sur son visage et ses cheveux.

Hedony visa les rues comme elle put et tira. Une fois et puis une deuxième fois. La voiture derrière eux ralentit. Elle rentra dans l’habitacle, mais au moment où elle regarda devant elle…


« ADHARA ! »

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