Frustration

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Un simple humain. Hedony était sortie encore à moitié nue dans la rue, débitant des mots qu’il ne comprenait pas, pour courir après un humain… Adhara pouvait-il se faire à cette idée ? Non, sans doute pas. Il se sentait con. Et surtout frustré.

Debout comme un idiot dans le salon, les bras ballants, devant cette table. Table vachement amochée d’ailleurs. Et pour une fois Adhara pouvait être fier de ne pas en être le démolisseur. Ça lui changeait. Bien qu’il aurait aimé démolir Hedony, enfin, façon de parler… Bref.

Tout ça ne le regardait pas. Il passa une main dans ses cheveux et dut se résoudre à s’habiller en attendant le retour de la jeune femme. La frustration le rongeait tant qu’il avait fini par allumer cette cigarette de malheur. Première bouffée de nicotine après quinze ans. Quinze ans d’abstinence, partie en fumée d’une seule inspiration. Et qui l’eut cru ? Ca lui fit un putain de bien.

Bon, quand elle rentre, tu fermes ta gueule de gros macho !, se disait le tuahine. Il n’avait aucune raison à s’immiscer dans la vie de la succube. Son boulot, c’était de la sortir des griffes de ses ravisseurs et la ramener chez Connor. Point final. Après, il se ferait un honneur de ne plus la revoir et oublier la perfection de ses traits, la profondeur de son regard, la voluptuosité de ses fesses et la cambrure délicate de ses reins… Et à force de penser à tous ces menus détails qui faisaient d’elle une bombe sexuelle high level, il se rétracta.

Non, j’oublierai jamais ça, se dit-il en tirant sur sa clope. Faut penser à son arrogance, son orgueil et son caractère de merde pour me dire que cette fille, à part son physique de rêve, n’a absolument rien pour elle. Il tentait de se convaincre.

Dépité, Adhara passa un coup de téléphone à son patron. S’il voulait rentrer chez lui, il lui fallait prévoir un vol pour retourner au bercail. Connor s’en occuperait, comme toujours. Mais le tuahine tomba sur le répondeur. Tant pis, il lui laissa un message vocal.

« Ouais, Connor, c’est Adhara. J’ai la fille… Enfin… Je peux te la ramener quand tu veux. Le plus tôt sera le mieux, tu me connais. »

Il raccrocha et termina de fumer sa cigarette à son aise avant d'écraser le mégot dans le cendrier.

Les bruits de pas dans la cage d’escalier revinrent. Adhara se redressa.

Ne pas poser de question. Tout ça ne le regardait pas. Chacun son jardin secret, et ça, il le savait très bien. Il devait s’y tenir.

Elle rentra.

Ne pas poser de question, fit une voix dans la tête d’Adhara.

Il resta silencieux.

Ne pas poser de question.

Il l’épia, le temps de la voir s’affaler dans le fauteuil.

Muette.

Bon sang, mais elle va quand même dire quelque chose ?, pensa-t-il, vexé. Ce fut plus fort que lui.

« Putain mais merde ! C’est qui ce gars qui a tout fait foiré, là ?! »

C’était sorti tout seul. Sous le coup que l’insatisfaction, du désenchantement, du vide qu’il avait ressenti lorsqu’elle était tombée et qu’elle était partie courir après cet invité intempestif. Sous celui de son égo surdimensionné aussi, peut-être. Ce côté machiste lorsqu’il feignait l’indifférence.

« Non mais ça te regarde ? Tu te crois où ? Je suis pas ta bonniche non plus, hein ! »

Son regard émeraude était glacial, furieux. Elle se releva.

« On était justement en train de trouver un terrain d’entente ! Il a déconné sur ce coup-là !
— Non mais tu t’entends parler ? T’es qu’un gros connard, tu penses qu’à ta bite comme tous ces autres cons ! »

Ricanement d’Adhara.

« Parce que t’y pensais pas, toi, il y a cinq minutes ? Que je sache, c’est toi qui me provoque depuis le début ici ! »

Non mais une succube qui s’offusquait d’être prise en plein ébat ! C’était bien une première pour lui, il n’en croyait pas ses yeux. Et elle se permettait même de lui faire la morale ! C’était le monde à l’envers. Elle avait espéré quoi avec ce type ? Un amour éternel ? Une fidélité à toute épreuve ?
Une vibration dans sa poche le sortit de la dispute. Il jeta un bref coup d’œil sur le message qu’il venait de recevoir de Connor alors que Hedony vociférait et l’inondait d’insultes dans plusieurs langues.

« De toute façon, j’devais te sauver, c’est fait. Me reste plus qu’à te ramener chez Connor et je serais enfin tranquille ! Je pourrais profiter de mes congés comme je l’entends et le reste, je m’en bats royalement les couilles ! T’pourrais crever que ça me ferait ni chaud ni froid tellement je te calcule pas !
— Ha bah ça a au moins le mérite d’être clair !
— D’ailleurs je viens de recevoir un sms, la coupa-t-il. Notre avion décolle dans 4 heures, t’as intérêt à te grouiller car je ne veux pas le rater. »

Il avait levé son téléphone portable comme pour ajouter du poids à ses paroles.


***


Cet homme était abject. Comme tous ces autres rustres qui ne pensaient jamais qu’à ça. Le sexe, encore et toujours le sexe. Il ne valait rien, strictement rien. Ce n’était pas parce qu’elle était jolie qu’elle devait céder à tous leurs caprices ! Franchement, ces mecs…

Mais elle n’était pas mieux, c’était vrai. L’idée de coucher avec lui ne la dérangeait nullement, jusqu’à ce que Hakim débarque. Ça changeait toute la donne et la réaction du tuahine la mettait hors d’elle ! Elle se sentait peinée pour Hakim et voilà que son sauveur qu’elle ne connaissait ni d’Adam ni d’Eve venait lui demander des comptes ! S’il voulait la mettre en colère, c’était parfaitement réussi car elle avait répondu au quart de tour.

« Mais va te faire foutre ! siffla-t-elle avec le visage déformé par la haine.
— Eh bien ouais, j’aurai bien voulu moi ! J’attends qu’ça ! »

Toujours une réponse, toujours son mot à dire. Il ne pouvait donc jamais se taire ? Fallait-il toujours qu’il mette son grain de sel ? Hedony tourna les talons, excédée. Un tel degré de d’aberration et de crétinisme n’était pas possible, autant parler à un mur. Celui-ci aurait au moins la décence de ne pas lui répondre quand elle était dans un tel état de fureur.
La succube passa dans son couloir pour rejoindre sa chambre.

« Tu vas où là ?!
— Dans ma chambre ! »

Et vite car elle n’aurait pas la patience de le supporter plus longtemps sans en venir aux mains. Et quel plaisir ce serait pour elle ! Dire qu'elle devrait faire le trajet avec lui, cette pensée la révoltait. Mais pourquoi diable acceptait-elle de venir ?

Elle ouvrit la porte de sa chambre, pressée de prendre une douche puis de préparer ses affaires.

Sauf que ce n’était plus sa chambre.

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