5. Déliée

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Lorsque les lèvres d'Hedony se posèrent sur celles de son bourreau, elle le sentit frémir. Elle perçut le mouvement de recul que Kalevi effectua d'instinct, mais sa main posée sous son menton l'invita à rester près d'elle, à garder sa bouche scellée sur la sienne. Hedony devait le retenir, comme on retiendrait un oiseau dans sa main. Elle devait suffisament fermer ses doigts pour le garder, mais sans l'étouffer. Le Finlandais était son oisillon, cet animal apeuré qu'elle devait apprivoiser. Le mettre en confiance, user de tous ses stratagèmes pour le charmer et ensuite atteindre son objectif ultime... L'évasion.

Sa situation s'arrangeait ; elle avait désormais les mains libres, mais Hedony n'était pas encore sortie d'affaire. Elle prolongea le baiser autant qu'elle put, se débarrassant des cordes flottantes sur ses poignets. Ce rapprochement avec son gardien ravivait en elle une force qu'elle ne s'imaginait pas. Une envie de vivre, de se battre, mais aussi celle plus vicieuse de vouloir séduire et tromper. Elle imposait son rythme, forçait les barrières timides de l'homme en jouant avec sa langue dans sa bouche. Si elle continuait à le subjuguer, en le surprenant et le rassurant tour à tour, elle pourrait garder le contrôle sur lui. Elle ne pouvait pas le laisser réfléchir et mettre fin au plan qui se mettait lentement en place.

Je dois dénouer mes pieds et gagner du temps, maintenant.

Elle recula son visage pour regarder Kalevi. Ses joues bouffies rosissaient à vue d'oeil tandis qu'il reprenait son souffle. Son ravisseur avait l'air chamboulé, perdu entre ses pensées et ce qu'il venait se de passer.

« Je me souviens maintenant », déclara Hedony avec un nouvel aplomb.

Les yeux de Kalevi brillèrent. D'un coup, le flou qui semblait l'envelopper se dissipa. Il reprenait pied. Il se dépêcha de se relever pour mettre un peu de distance entre lui et la captive, mais son attention était toute focalisée sur elle.

« Je t'écoute », dit-il feignant de l'indifférence par rapport à ce qu'il venait se de passer.

Hedony mima un sourire gêné. Elle baissa les yeux d'un air troublé.

« Je crois qu'on se connait. Enfin, on s'est déjà vu. Avant. » expliqua-t-elle en démêlant les noeuds à ses chevilles, l'air de rien.

Son bourreau, qui s'était rassit sur sa chaise, la fixa sans vraiment la voir, l'esprit ailleurs, comme s'il désirait se concentrer uniquement sur ses propos.

« Oui, et ? »

Invente, Hedony. Gagne juste du temps, et tu aviseras quand tu n'auras plus les pieds attachés.

« Attends... Oui, ça me revient ! On se connait parce que tu travaillais au Helsingin Sanomat (1). On s'y est croisé quand j'ai fait un stage là-bas pour mes études de traductrice. »

Kalevi soupira, signe évident de sa déception. Il reprit la parole en scrutant le sol.

« Je n'ai jamais été au Helsinki Sanomat... Ce n'était pas de ça que j'espérais que tu te souviennes. »

La jeune femme venait de se libérer des cordes quand il posa à nouveau les yeux sur elle. Désappointé, il affichait une moue dubitative et chagrinée.

« Ça finira bien par te revenir... espéra-t-il avec une pointe de scepticisme.
— Tu es sûr ? J'étais pourtant persuadée de t'avoir croisé là-bas, mentit-elle en se relevant.
— Sûr et certain, je n'ai jamais mis un pied là-bas. »

Debout devant lui, elle s'avança lentement vers sa chaise. Kalevi se perdit dans la contemplation de la tenue légère qu'elle avait mise pour aller en boîte de nuit. À l'heure qu'il était, si elle n'avait été kidnappée, elle serait peut-être nue, à donner et à prendre du plaisir avec un autre homme.

« Cela n'empêche pas que... ton visage me dise quelque chose... et que tu me plaise. »

C'était un mensonge gros comme une maison, mais il parut fonctionner car le Finlandais devint rouge tomate.

« Dis-moi ce que tu voulais... Tu sais, en échange de... »

Elle s'approcha encore, montrant ses poignets nus, jusqu'à ce que les tatouages sur ses jambes frôlent les genoux de son ravisseur. Kalevi déglutit, interdit. Il se recroquevilla sur place, n'osa ni bouger ni la regarder dans les yeux.

« Ne sois pas timide, j'accepterai toutes les extravagances que tu voudras... »

Hedony se pencha au-dessus de lui, sachant pertinnement bien que de là où il se trouvait, il avait une vue plongeante sur ce que renfermait son tee-shirt Rolling Stones. Son soutien-gorge noire à dentelle laissait d'ailleurs peu de place à l'imagination. Kalevi eut du mal à feindre son désintérêt, ne sachant où poser son regard.

« Je... Je faisais pas ça pour ça », ânnona-t-il.

La brune sourit, écarta ses jambes et s'assit à califourchon sur son gardien. La chaleur que dégageait le corps de Kalevi lui signala à quel point sa peau à elle était frigorifiée. Elle se pelotonna contre lui, presque ronronnante.

« Tu ne me laisseras pas mourir de froid, au moins ? » minauda Hedony.

Kalevi hésita. Ses mains quittèrent les accoudoirs pour rester en suspens au-dessus d'elle. Elle frissonna contre lui, déroutée par cette sensation de chaud et de froid et cela l'aida à se décider. Ses bras potelés entourèrent la jeune femme, l'enveloppèrent pour atténuer sa chair de poule naissante. Hedony en profita pour se coller un peu plus à lui et leva son visage vers le sien. Sans attendre son autorisation, elle posa ses lèvres sur les siennes. Baiser auquel Kalevi tenta rapidement de se soustraire.

« Jacob ne devrait plus tarder à arriver, tu sais... » chuchota-t-il entre ses lèvres.

Mince, Hedony l'avait presque oublié. Elle n'avait plus de temps à perdre. Elle ignora la réticence de Kalevi et l'embrassa à pleine bouche. L'occuper pendant qu'elle réfléchissait. Que faire ? La pièce était pratiquement vide. Aucun objet sous la main pour l'assommer ou le blesser. Ce n'était pas avec une table ou un matelas qu'elle allait le mettre hors combat.

Contre elle, le Finlandais gigeota, comme s'il essayait de la repousser gentiment. Elle s'aggripa alors au col de sa veste pour poursuivre son baiser avec plus de force et de profondeur.

Ne pense à rien, mon coco, reste juste avec moi.

Elle devait réfléchir plus vite. Les cordes ! Celles qui avaient tenu ses poings et ses chevilles... Mais comment l'attacher sans que son ravisseur ne se rebiffe ? Il doit être consentant, elle ne pourrait prendre les cordes sans qu'il ne le remarque... Sans compter que sa timidité ne devait pas lui faire apprécier ce genre d'ébat, et qu'il était déjà assez méfiant malgré sa gentillesse. Non, impossible, c'était trop prévisible.

Hedony ondula des hanches jusqu'à sentir naître cette turgescence dans le pantalon de Kalevi.

C'est ça, laisse-toi faire. Laisse-moi t'amadouer et te rouler dans la farine à mon tour.

Sortir, elle devait sortir. Le prendre par surprise. Au moment où il s'y attendrait le moins. Le voilà qui commençait à apprécier. Kalevi la serrait contre lui, sa langue cherchait la sienne dans un ballet passionné.

Déshabille-le, Hedony. Une fois la queue à l'air, tu le laisses en plan avec ses braies ouvertes.

Elle continua à l'embrasser, avec toujours de plus en plus de fougue, comme si elle était prise d'une soudaine frénésie. Et puis, petit à petit, elle vint mordiller son cou pour revenir sur sa bouche, puis repartir plus bas, près de sa clavicule... Elle simula l'envie, prétexta du désir pour venir défaire la fermeture éclair de sa veste, remonter son tee-shirt et glisser parfois sa main au-dessus de son pantalon.

Parfois, Kalevi était pris d'un soubresaut, proche d'un plaisir qu'il n'avait jamais dû vivre. Sa peau était brûlante et son regard suivait les faits et gestes de sa captive. Haletant, il la laissa faire avec une expression proche de l'extase et de l'inquiétude. Comme s'il savait. Comme s'il savait que rien n'était vrai et que, en même temps, il désirait apprécier ce moment.

Hedony devina à sa sensibilité qu'il devait être encore puceau. L'idée de le laisser en plan, au beau milieu de l'acte, lui faisait mal au coeur. Quelle piètre expérience pour sa première fois. Elle n'avait pourtant pas le choix. Quel était le pire ? Ca ou lui envoyer un coup de genou entre les jambes ? Avec un peu d'espoir, elle se dit qu'il comprendrait son geste.

Lentement, la jeune femme glissa des genoux du Finlandais. Celui-ci la retint dans ses bras, sans doute ne voulait-il pas qu'elle descende l'embrasser plus bas. Elle remonta, posa encore ses lèvres sur les siennes, avec plus de douceur, pour le rassurer.

« Laisse-toi faire... » murmura-t-elle ensuite contre son oreille.

Et cette fois-ci, elle passa sa langue le long de son torse, descendant jusqu'à se retrouver accroupie devant lui. Elle ignora les mains qui se refermaient sur ses bras pour l'en empêcher. Elle attarda sa bouche sur son aîne, le temps de défaire son pantalon et le baisser. Kalevi se tordit de plaisir, tira la tête en arrière pour savourer, s'abandonnant finalement à elle. Il se cramponna aux accoudoirs de sa chaise lorsque Hedony caressa son sexe avec ses doigts froids.

Je te laisse deux minutes pour apprécier, après je me casse.

Hedony le vit succomber au désir. Il tenta de retenir ses soupirs et ses gémissements pour rester discret alors qu'elle le prenait en bouche. Sa virilité déjà vibrante était au bord de la satisfaction.

Il ne tiendra jamais deux minutes. Désolé, Kal', pensa-t-elle.

Et c'est à cet instant-là qu'elle se leva, ouvrit la porte et courut dans le couloir pour s'échapper.

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(1) Helsingin Sanomat : La Gazette de Helsinki, le plus grand quotidien finlandais.

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