4. Planification

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Finlande. 03h21.

Les paupières lourdes, Adhara était sorti de l’aéroport pour monter à bord d’un taxi. Ne sachant communiquer en finlandais, il se contenta de donner un papier avec l'adresse de la boîte de nuit où l'attendaient ses futurs coéquipiers. Le trajet se déroula dans le silence alors que le anahera contempla les rues recouvertes de neige.

Un quart d’heure plus tard, le véhicule se stationnait en double file devant le Leidi Muun. Ses collègues étaient déjà à pied d’œuvre pour enquêter sur la disparition. Adhara savait que les premières minutes comptaient dans un kidnapping, au-delà de quarante-huit heures, les chances devenaient presque nulles pour retrouver la trace du disparu.


Adhara, valises en main et dossier sous le bras, s’avança vers un collègue penché dans l'habitacle de son 4x4, probablement à la recherche d'un objet. Il se racla la gorge et s'annonça :


« Bonsoir, ici l'agent Faraday. Je suis là pour… »


Adhara déposa ses sacs et fouilla rapidement dans sa paperasse pour y retrouver le nom de la victime.


« Pour… Hedony Paxton ! »


Il baissa son dossier pour voir la personne qui s’était retournée. Une belle femme lui faisait face. Ses longs cheveux noirs attachés en queue-de-cheval lui donnaient une expression sévère, accentuée encore par le froncement de ses sourcils et son regard noisette à la lueur assassine. Le poing posé sur la hanche, elle affichait une exaspération à peine contenue.

Les yeux du anahera s’agrandirent alors qu’ils suivaient la courbe de sa silhouette. Il devinait sa petite poitrine ferme sous son pull-over noir et se remémora la petite tâche de naissance dans le bas de son dos. Le jeune homme resta interloqué.


« Tania. Quelle joie… de te revoir ici, commença Adhara, hésitant.
— C’est Taïna. TA-Ï-NA, articula-t-elle avec véhémence.
— Oui, bon… On ne va pas pinailler pour une lettre de différence. »


Il baissa le regard en prenant un air indifférent face à son ex. Taïna, visiblement piquée à vif par son comportement désinvolte, l’attrapa par le col et le poussa contre une voiture.


« Tu n’es qu’un fils de pute ! Connard ! »


Adhara se protégea de ses bras, prêts à encaisser les coups, mais la jeune femme ne fit que l’insulter. Elle le lâcha avec une mine de dégoût.


« Connor aurait pu faire des efforts !
— Je te suis à cent pour cent sur ce coup-là » acquiesça Adhara en réajustant son veston.


Taïna lui lança un regard noir et le anahera leva les mains pour clamer son innocence.


« Je n’y suis pour rien, j’te jure.
— Y a intérêt, soupira-t-elle, excédée. Je vais te présenter à l'équipe et te faire l'état des lieux. »


Taïna attrapa sa manche et le tira vers un autre véhicule. Adhara ne put s’empêcher d’effectuer quelques grimaces dans le dos de son ex-petite amie. Il fallait dire que leur passé était relativement houleux.


Taïna avait toujours été hautaine avec les hommes, elle se montrait inaccessible et sans cœur. Lorsque Adhara lui avait fait des avances la première fois, elle s’était montrée indifférente. Pire, elle s'était moquée de lui. Qu'à cela ne tienne, il n'était pas rancunier. La donne avait cependant changé lorsqu’elle avait appris sa nature d'anahera, au cours de leur seconde mission ensemble. Assoiffée de pouvoir, la jeune femme avait dû s'imaginer qu’Adhara aurait le désir de se lier à elle, ce qui lui aurait permis d'amasser de nouveaux pouvoirs. Depuis ce jour, ce n’était plus lui qui lui avait fait des avances, mais bien elle. Malheureusement, Adhara était juste un coureur de jupons et Taïna avais mis du temps à comprendre qu’il se jouait d’elle. Adhara était imbattable à ce jeu-là. Jamais il ne s'abaisserait à aimer une femme, surtout pas une manipulatrice comme Taïna. Cette dernière lui vouait désormais une haine féroce. Toute occasion de rabrouer le anahera était bonne à prendre, mais Adhara restait souvent placide et désinvolte face à ses remarques acerbes.

Ils arrivèrent près de leurs collègues, réunis près d'une fourgonnette blanche et noire. Certains agents retranscrivaient les dépositions des témoins, d'autres conversaient dans leur talkie avec des collègues. Taïna héla l'un d'entre eux, posa des questions puis reposa son attention sur le anahera.

« Bon, je te fais le topo. Hedony est venue ici en boîte de nuit avec sa meilleure amie. Apparemment, elles se seraient droguées aux amphétamines. Elles s’étaient donné comme but de se dégoter chacune un mec pour la soirée.
— Intéressant, se permet d’ironiser Adhara. »

Taïna lui lança un regard noir.

« Ca se passe de commentaires ! »

Adhara haussa les épaules et la policière continua :

« J’avais une équipe sur place pour la surveiller. Hedony serait sortie de l’immeuble avec un gars, grand, brun, plutôt athlétique.
- Pourquoi est-ce que vous la surveilliez ?
- Putain Adhara ! C’était écrit dans ton rapport ! Tu l’as lu, quand même ? s’énerva Taïna. »

Le anahera l'évita du regard, se rapetissant sur place.

« J’étais fatigué, je me suis endormi en voulant le lire… C’était tellement ennuyeux… 14 janvier, ceci, 8 heure et 42 minutes, elle mange son petit dej’…
- Mais merde ! C’est ton boulot !
- C’est bon ! Tu vas pas me faire une leçon de vie non plus ! fustigea-t-il. Raconte la suite maintenant », marmonna-t-il, grognon.

Lasse, Taïna lâcha un gros soupir.

« Je vais devenir dingue… Bref, ils ont tourné dans cette rue, dit-elle alors en pointant en direction de la bifurcation, et là, le temps que notre équipe s’avance dans la rue, deux hommes portaient un corps inanimé dans une voiture rouge.
— Marque ? Modèle ? Et quelle était l’immatricule ?
— DAK – 481. C’était une peugeot break 504. Ils sont partis vers le Sud, mon équipe nous a directement prévenu et les a suivi. Malheureusement, nous avons perdu leur trace près de Gustavsgård. Ces chiens ont dû mettre des runes sur leur chemin pour être sûrs de nous semer. »

Froncement de sourcils de la part d'Adhara.

« Pourquoi tu dis ça ?
— La voiture s’est volatisée en quelques secondes. Elle était sur la route et puis d’un coup elle n’y était plus. »

Adhara passa une main sur sa tête, rebroussant ses cheveux.

« Amenez une carte ! » tonna soudain le anahera.

Taïna le dévisagea avec agacement, la mâchoire crispée.

« S’il te plaît. » Ajouta-t-il, un sourire pincé aux lèvres.

Taïna traduisit en finlandais pour ses hommes et en attendant qu’on leur tende une carte d’Helsinki, Adhara posa de nouvelles questions.

« Est-ce que des gens ont vu ce qu’il s’est passé ? On a questionné le videur ? Les gens en boîte ? Son amie ?
— Ils ont tous su nous donner une description assez fournie des deux personnes, que tout le monde qualifiait de beau, bien assorti, mais ils n’ont rien vu de plus. Selon les dires, Hedony a suivi l’homme sans marquer d’opposition, même si elle a oublié de prévenir sa meilleure amie… Celle-ci était occupée aux toilettes… »

Regard interrogateur de la part d’Adhara. Taïna lui répondit avec de gros yeux, l’air de dire : il n’y a pas trente-six mille possibilités d’être « occupé » à la toilette.

« Elle était en train de chier ? » hasarda-t-il.

Énorme soupir de la part de la flic.

« Elle n’était pas seule… ! » précisa-t-elle.

Adhara ouvrit la bouche d'étonnement, mais la discussion fut coupée lorsqu’un agent leur présenta le plan de la ville. Taïna reprit les rênes :

« Nous sommes ici, et nous avons perdu sa trace dans cette zone-là.
— On a qu’à se séparer. On divise le secteur en trois et on patrouille.
— C’est ça ton idée ? Tu n’as rien d’autre à proposer ? On a déjà des collègues qui ratissent les rues…
— J’y peux rien si tes hommes ne sont même pas capable de pister une voiture correctement !
— Retire tout de suite ce que tu viens de dire ! »

Son index en l’air, elle fixa le anahera d’un air menaçant.

« Enterre la hache de guerre, deux secondes. Trouve-moi un de tes hommes qui parle anglais et avec qui je peux patrouiller. Si j’ai une autre idée entretemps, je te le dirais. »


La jeune femme fulminait, mais ils n’avaient effectivement pas le choix. Ensemble, il délimitèrent trois zones sur la carte et firent part au reste de l'équipe leur stratégie.


« Donc, on se sépare, mais on garde un contact permanent par radio pour connaître l'avancée de chacun. Ca va pour tout le monde ? » questionna Adhara.

Taïna traduisit rapidement à ses hommes, puis désigna Jalmari pour former un duo avec l'anahera. L'homme, trapu, les cheveux châtains coupés à ras et une barbe de trois jours, avait un niveau d'anglais suffisant pour servir d'interprète à Adhara. Sans omettre que Taïna faisait entièrement confiance à Jalmari.

Celui-ci fit signe au Anahera de le suivre jusqu'à son véhicule. Adhara déposa ses affaires dans le coffre. L'un de ses sacs retomba dans un fracas métallique. L'Anahera eu juste le temps d'en sortir un Browning qu’il mit dans son holster d'épaules et un Beretta qu’il fixa sur sa ceinture lorsque que Taïna rappliquait une fois de plus...

Le jeune homme soupira et s’attendit à recevoir de nouvelles représaillesde sa part.

« Pourquoi ne suis-je guère étonnée ? Mais t’es carrément fou d’amener des flingues avec toi comme ça ! s’exclama Taïna.
— Deux précautions valent mieux qu’une. »

La policière écarta les pans du sac, dévoilant une flopée d'armes à feu. Adhara leva les yeux au ciel, las.

« Et ça ? continua-t-elle.
— Je suis super prévoyant. Allez, dégage, on perd du temps. »

Il referma le coffre, mais Taïna ne bougea pas d’un pouce.

« Quoi encore ? s’impatienta le tuahine.
— Je t’interdis de flinguer mes collègues ! Et la fille, faut la garder vivante, tu m’as bien compris ?
— Blablabla…
— Adhara ! Il n’y a aucune raison de penser qu’ils vont la buter. Ils ne sont probablement pas armés, alors ne fous pas le bordel en semant la panique ! Fou de la gâchette comme tu es…
— Ça va, ça va, je ferai gaffe. Mais plus vite ce sera fini, plus vite je pourrais rentrer chez moi !
— L'affaire est plus sérieuse que tu ne le crois, alors je t'en prie, fais des efforts. »

La jeune femme avait posé une main sur son bras pour l'empêcher de s'éloigner. L'Anahera haussa l'épaule pour se dégager et rejoindre la place du passager.

« C'est bon, t'en fais pas, ma poule. J'ai la situation en main... »

Adhara imagina l'agacement de Taïna, mais ne prit pas le temps de vérifier. Il monta dans la voiture à côté de Jalmani et s'arma de la carte de la ville. Ils pouvaient commencer leur repérage. Le Finlandais mit le moteur en marche et Adhara demanda :

« Bon, pendant qu'ils les cherchent bêtement dans le vide, comme des cons, tu me montres l'endroit exact où ils ont perdu sa trace ? »

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