140.3 - Le début d'une nouvelle ère

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Nash pouffa de rire. Le Père Shalom prit alors l’une des mains de son ancien protégé et lui fit son plus beau sourire.

— Mon enfant, ça serait pour moi un immense honneur si vous acceptiez de venir avec moi pour cette activité entre amis. Je suis sûr que ça vous ferait le plus grand bien. Vos camarades m’ont beaucoup parlé de vous, ces derniers jours. Nous pensons que vous avez mérité ce congé.

L’épéiste esquissa un sourire, puis hocha faiblement la tête. Pour lui, c’était l’occasion en or de renouer ses liens avec le prêtre, mais aussi de penser à autre chose que l’alcool. Il jeta un dernier regard vers la bouteille de vin, puis se leva de son tabouret. Il escorta donc le prêtre en dehors du réfectoire et tous deux se dirigèrent à l’extérieur du vaisseau afin d’aller à l’église. Shalom avait déjà tout un équipement de camping et pêche qui les attendaient, ainsi qu’un radeau dont il comptait se servir. Le châtain remarqua que Gabriel leur avait préparé plusieurs provisions. Il avait reconnu l’écriture du colosse sur des contenants en plastique. Il sourit.

Nash n’en revenait toujours pas que ses amis avaient tout fait ça pour lui. Il se promit qu’en revenant de ses vacances, qu’il les remercierait tous d’avoir veillé sur lui. Après tout, ils n’étaient plus en guerre ; ils ne craignaient plus aucun danger. Le Saint Royaume n’avait connu aucun incident tragique depuis près d’un an, ce qui voulait dire qu’ils pouvaient se permettre de profiter de la nature, désormais.

Bref, Nash retrouvait cette sensation de bonheur qu’il avait oublié au fil des dernières années. Fini les obligations de gérer une armée, fini cette période où il avait été le Roi de l’Olympe. Il pouvait enfin être lui-même : Nash Markios, l’oncle de Flint, le brigadier et l’homme qui aimait sa famille plus que tout.

Ce soir-là, après un excellent repas, il fermerait les yeux et dormirait comme un bébé, en compagnie de sa figure paternelle.

Derek Doyle prit son courage à deux mains et s’approcha de la porte du laboratoire du palais présidentiel au rez-de-chaussée, le même où il était passé plusieurs fois depuis… onze ans ? Douze ans ? Il avait arrêté de compter. Luna était revenue pour un congé professionnel. Il la voyait à chaque jour. Elle travaillait sur l’intelligence artificielle qui intégrerait bientôt le Célestia II. Pourquoi avait-il attendu tant de temps avant de passer à l’acte ? Au diable ses sentiments ! Le jeune homme avait quand même passé une éternité à se languir près du bureau de sa douce. Elle lui souriait à toutes les fois qu’il lui disait bonjour timidement. Il était de son devoir de lui dire comment il se sentait réellement.

La porte était fermée, mais il savait qu’elle était là… celle qui le rendait fou, celle qui n’avait jamais quitté ses pensées même après sa mort.

— Non, mais qu’est-ce que tu fous, Didi ? Ça fait des années que ça traîne… et pourtant tu te sens si perdu quand elle n’est pas là…

Il se parlait tout seul, à défaut de ne pas réfléchir tout bas. Il était seul, du moins, c’était ce qu’il croyait. Il n’avait pas entendu des bruits de pas derrière lui, qui venaient de la pièce d’en face. Il se passa une main dans sa chevelure et soupira.

— Oh Luna… comment une femme comme toi pourrait aimer un type comme moi ? formula-t-il avant de secouer la tête. Tu es si brillante, si belle, si marrante… Tu es tout ce que j’aime chez une demoiselle et pourtant… tu es si… si…

— Absorbée par mon travail ? Je sais. T’en fais pas. On me le dit tout le temps !

Derek sursauta et poussa un cri si aigu que la magicienne pouffa de rire. Il se tourna et vit qu’elle tenait une thermos dans sa main droite et lui adressait un regard amusé.

— T… tu… tu étais là depuis q… quand… ? couina-t-il.

— Assez pour entendre ta grande révélation, Derek.

— J… je… Oh Athéna ! Ce n’est pas du tout comme ça que j’envisageai tout ça ! Oh non, oh non, oh non…

Luna roula des yeux et s’approcha du brun avant de lui mettre un doigt sur les lèvres. Le soldat se tut aussitôt. Il rougit. Elle le contourna ensuite et ouvrit la porte de son laboratoire. Mortifié, il déglutit. Était-ce une bonne réaction ? Non, décidément non. Elle lui avait ri au nez après tout. Il baissa la tête, défait par ce rejet.

Il était sur le point de partir quand il ressentit la main de Luna le tirer par le bras. Il se tourna aussitôt et ses lèvres rencontrèrent celles de la magicienne. Choqué, il ne savait pas comment exprimer le bonheur intense qui naissait dans sa poitrine. Un instant plus tard, il réalisa qu’elle avait disparu. Il regarda à gauche, puis à droite.

— Reste pas planté là ! lança la voix de la jeune femme depuis l’entrée de la pièce. On a plein de choses à rattraper, pas vrai ? Viens ! J’ai quelqu’un à te présenter !

Derek n’était pas certain de comprendre ce qui lui était arrivé, mais ce sentiment, il n’était pas prêt à le laisser partir. L’euphorie s’emparait de tout son être. Il ressentait vivre après toutes ces années à lutter contre la solitude, avec cette peur qu’elle ne lui rende pas ses sentiments… Mais qu’en était-il des rumeurs qui entouraient la jeune femme ? Celles qui disaient qu’elle n’aimerait jamais personne ?

Peu importe, se disait-il. Il haussa les épaules et réalisa que tout cela n’avait plus d’importance. Enfin, il inspira, expira et marcha en direction de la pièce, là où l’attendait sa destinée… et possiblement la femme de ses rêves.

Le soir-même où Nash était parti camper, Flint entra seul dans la chambre de Randell. Un peu plus tôt, Artael lui avait raconté dans les moindres détails ce que Troyd lui avait confié avant de mourir, six mois plus tôt.

Le capitaine du vaisseau avait d’abord été irrité d’apprendre que son père lui avait caché cette information si longtemps, mais avait tout de même compris pourquoi celui-ci n’avait pas voulu divulguer celle-ci à personne. C’était pour éviter un scandale. La presse avait été violente durant le procès du tyran, après tout. La moindre maladresse aurait causé davantage de dégâts aux Markios.

La première chose qui était venu à l’esprit de Flint lorsqu’il avait entendu ces mots fut d’en avoir le cœur net. Puisque son fils avait un jour été le grand ami de Virgile, celui-ci devait sûrement être au courant des crimes de l’ancien président.

Flint retrouva le petit Randy à son bureau. Il faisait quelques devoirs qu’il devrait remettre à ses professeurs, avant le début des vacances. Il y avait une petite école à bord du vaisseau et les enfants de tout le monde y allaient. Les membres de l’équipage avaient pris soin d’engager des enseignants avant de partir en voyage, puisqu’ils ne voulaient pas que leurs progénitures prennent du retard dans leurs matières.

Le capitaine vit que son fils faisait des problèmes de mathématiques, ce que lui-même n’aimait pas.

— Randy ? dit-il. J’ai à te parler… si tu le veux bien.

Le garçon haussa son regard vers son père. Sa chevelure était aussi brune que celle de Gabriel, mais son visage ressemblait beaucoup au sien.

— Oui, papa ? Qu’est-ce qu’il y a ?

— Tu es au courant que l’Oncle Troyd a été exécuté pour ses crimes, pas vrai ?

Randell hocha la tête. Il portait les habits sportifs, rouge et noir, que son oncle Shayne lui avait offert pour son douzième anniversaire – du moins, ce fut le jour qu’il avait décidé de se donner une nouvelle date de naissance. Le garçon n’avait rien d’un sportif, mais il s’entraînait parfois avec le grand elfe basané qui lui montrait comment se servir des armes. En retour, celui-ci enseignait ce qu’il connaissait en mathématiques, sciences et magies aux triplés Appleseed-Wolfe.

— Avant de mourir, reprit Flint, Troyd a avoué que Virgile était un pédophile.

Aucune réaction. Le blond remarqua que le gamin était perdu dans ses pensées. Randell soupira et reprit l’apparence du vieil homme qu’il avait été autrefois, avec ses anciens vêtements. Celui-ci devait se dire qu’il serait plus approprié de lui parler sous les traits de la personne qu’il avait été bien avant de devenir son fils.

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