140.1 - Le début d'une nouvelle ère

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Le 16 juin 3920 AD, au milieu de l’après-midi, Luna se trouvait au parc de Baldt et observait les photos que Misaki lui avait envoyées par courriel. Six mois s’étaient écoulés depuis l’exécution de Troyd et la Septième Brigade était de retour au Saint Royaume, pour un congé bien mérité.

La guerrière avait profité de cette pause pour se rendre sur Terre, afin de retrouver ses petits. Bien entendu, cela avait semé la panique au Conseil qui ne voulait pas qu’un ange se mêle à la vie commune des mortels sans leur supervision, mais Artael lui avait accordé son souhait. Les souvenirs de Sakura, Yuki, ainsi que leurs parents adoptifs, leur avaient été rendus. Misaki serait désormais autorisé à visiter ses enfants durant ses temps libres, afin de passer du temps avec eux. Cela leur avait pris du temps, mais au moins, elle pouvait enfin les voir !

Luna vit que Conrad Sanders avait deux yeux, sur l’une de ces photos. Ainsi donc, la réincarnation de l’arbalétrier borgne s’était faite avec son corps entier. Elle sourit. Ruby, quant à elle, attendait leur premier enfant, même si elle aimait beaucoup Sakura et Yuki comme les siens. Sur ces images, la magicienne vit que Daichi aussi faisait partie de leur vie familiale, en tant que voisin. Comme eux, il était policier.

La guerrière albinos avait été heureuse de retrouver sa fille et son fils, cela paraissait sur toutes les photos. Elle avait enfin vécu ce moment qu’elle désirait le plus dans l’univers. Luna ne serait pas étonnée à l’idée qu’elle ne revienne plus après cette visite. Misaki avait beaucoup pleuré d’être séparée de ses bébés, après tout.

— Elle est belle quand elle sourit, dit Lucas à la gauche de la magicienne.

La jeune femme sursauta. Elle était assise sur un banc de parc et observait les images qu’elle avait ouvertes dans son ordinateur portable. Derrière elle, un grand arbre au feuillage épais lui donnait assez d’ombre pour qu’elle puisse bien voir ce qu’elle regardait. Lucas Markios s’était approché, par curiosité.

— Ah, te voilà toi, dit Luna. Je pensais que tu aurais apprécié de la suivre sur Terre.

— J’aurais pu, oui, mais ma place est ici, auprès de ma famille. Nous allons bientôt célébrer notre trente-troisième anniversaire et je ne veux pas manquer ça. Misaki comprend. Je respecterais sa décision, si jamais elle décidait de rester là-bas.

— Ça fait des années qu’elle est avec nous, qu’on partage ses rires et ses pleurs, ses moqueries et j’en passe. J’ai du mal à imaginer la Septième Brigade sans elle.

— Oui… je comprends. Cassandra et Shayne comptent bientôt passer plus de temps avec leurs enfants, au Saint Royaume. Nous allons devoir continuer nos voyages sans eux. Estelle, Wyatt, Kylie et Scottie vont faire pareil.

— Le Célestia II va être vachement vide sans eux…

— Je sais, mais c’est la vie. Tout change en un clin d’œil.

— Crois-tu que nous vivrons de nouvelles aventures, tous ensemble ?

— Sans aucun doute. Seulement, je crois que la plupart d’entre nous ont bien mérité leur repos. Votre dernière simulation a beaucoup affecté tout le monde et je crois que vous en gardez encore des séquelles… Non ?

Luna hocha la tête.

Nash avait commencé à s’effacer du groupe depuis l’exécution de son frère. Certains d’entre eux soupçonnaient qu’il avait recommencé à boire, comme sa version virtuelle. Parce que oui, cette autre version de lui avait aussi été un alcoolique.

Flint et ses amis avaient opté pour lui laisser le temps et l’espace dont il avait besoin. Mais ce jour-là. Cassandra avait décidé qu’il était pour lui de subir une intervention. Il avait besoin de voir une personne très spéciale à son cœur et pour cette raison, la guérisseuse s’était rendu à l’église, un peu plus tôt.

La magicienne posa son regard sur Shayne et les triplés. L’ancien général de l’armée baldtienne jouait au chat et à la souris avec eux, tandis que la plupart de leurs esprits élémentaires se reposaient dans l’herbe. Éclipse, la chauve-souris, était perchée sous une branche d’arbre, au-dessus de Lucas, alors que Kelvin avait décidé d’aller chasser un casse-croûte, dans les plaines. Cette vision paradisiaque donnait presque envie de pleurer à la jeune femme.

— Tout ceci est trop beau pour être vrai, soupira-t-elle. J’ai l’impression que nous sommes toujours au beau milieu d’une illusion.

Lucas roula des yeux et pinça Luna sur l’épaule.

— Aïe ! C’était quoi, ça ?! reprit-elle.

— Est-ce que tu vois toujours la même chose ?

Elle cligna des yeux et réalisa pourquoi il avait fait ça. C’était bel et bien leur réalité. Elle sourit. Cette paix, ils l’avaient gagné avec leurs propres mains et leurs efforts à arrêter tous ces démons, tous ces criminels et plus encore. La magicienne avait été habituée à une vie si chaotique que ce calme lui était perturbant. Elle avait besoin de résoudre de nouvelles énigmes ou de nouveaux conflits, sinon elle se sentirait inutile.

Au bout d’un moment, Lucas s’assit à côté d’elle.

— Tu sais, il nous reste encore tout plein de mondes à explorer à travers l’univers. Nous avons tout notre temps pour profiter de ce qui nous entoure. Mon frère envisage même nous emmener dans d’autres dimensions grâce aux portails. Je suis sûr que tu auras encore tout plein d’aventures à vivre avec nous.

Luna esquissa un sourire et opina du chef.

— Je sais, il m’en a déjà parlé, dit-elle. C’est pour ça que je travaille sur un nouveau projet depuis six mois.

— Ah bon ? Qu’est-ce que c’est ?

— Tu te souviens de mon programme X12 dans la simulation où on a coincé Troyd ? Je l’ai récemment converti pour en créer une version condensée. Il fera désormais partie du vaisseau en tant que membre de l’équipage. Pas vrai, Minerva ?

Luna baissa son regard vers son ordinateur portable, où il y avait un microphone près de la webcam. Une fenêtre s’ouvrit afin de leur montrer l’image d’une sphère bleutée avec des rayures étranges qui l’entouraient. Lucas n’arrivait pas à décrire ce que c’était, mais il avait compris qu’il s’agissait d’une intelligence artificielle.

Je ferais de mon mieux pour vous servir, maîtresse, dit une voix robotique.

— Non, non, non ! gronda Luna. Pas de maîtresse avec moi ! Mon prénom me convient parfaitement. Pourquoi t’acharnes-tu à m’appeler ainsi ? Grr…

La sphère bleutée clignota ce qui semblait être ses yeux et gloussa.

C’était une blague, Madame Kelly, répliqua-t-elle.

— Madame Kelly ? Oulalah, Minerva… va falloir que je vérifie ta base de données.

— Je vois qu’elle est en train de développer un sens de l’humour, remarqua Lucas. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ou si on devrait craindre cela.

— Je commence à le penser aussi, soupira la magicienne. Mais bon, grâce à elle, nous pourrons détecter la présence de démons plus facilement et de nouveaux mondes. Elle aura accès à certaines commandes afin de nous protéger durant notre sommeil, et plus encore. Sa présence devrait faciliter nos voyages.

J’espère me rendre utile, avoua Minerva. Je compte mettre en pratique tout ce que j’ai appris lors de notre dernière simulation.

— Enfin, pas trop, quand même ! continua Luna. Souviens-toi que quelqu’un est mort pour nous avoir emprisonnés. Je ne veux pas que ça se reproduise.

Évidemment, Mademoiselle Kelly. Je ferais tout en mon pouvoir pour que ça ne se reproduise plus. Vos sessions de simulations seront désormais protégées par ma présence et aussi le nouveau système que vous avez mis en place.

— Très bien. Dans ce cas, nous commencerons à faire quelques tests, dès ce soir.

Lucas jugea qu’il valait mieux ne pas les déranger, alors il s’éloigna pour se diriger vers la cours de l’église. Il vit que Sarah avait commencé à ranger certains pots de fleurs ; ce qu’il trouvait étrange, car elle était reconnue pour ses talents de jardinière.

— Prête pour l’automne ? demanda le jeune homme à sa sœur.

— Et comment ! Cette chaleur est beaucoup trop assommante pour moi.

Lucas remarqua qu’elle ne portait pas sa robe de religieuse habituelle. Elle avait des vêtements simples qui lui rappelaient l’époque où elle n’avait pas encore prêté le serment de servir la déesse… ou plus tôt, leur mère.

— Tiens donc, pourquoi es-tu habillée en civile ?

— J’ai décidé de quitter l’église, dit-elle. Aujourd’hui était ma dernière journée ici.

Le jeune homme cligna des yeux et se tourna vers sa sœur.

— Comment ? Je croyais que cette vie te plaisait.

— J’ai accompli mon devoir envers notre mère jusqu’à ma mort, Lucas. Maintenant, je suis libre de mes vœux. Cependant, j’ai décidé de devenir son apprentie. Un jour, je compte lui succéder, comme Kyran succédera à notre père.

— Est-ce vraiment ce que tu désires ?

Elle hocha la tête, puis posa ses mains sur la terre de son église. Ses vêtements étaient un peu crassés, mais cela ne lui dérangeait pas.

— La guerre m’a fait réaliser que j’étais beaucoup plus utile sur le terrain que cloîtrée entre ces murs. Je veux aider la population de ce monde autrement et je crois que maman saura me guider à travers cette nouvelle voie.

Elle se releva avec l’aide de son frère et lui demanda :

— Et toi, que comptes-tu faire, prochainement ?

— Je l’ignore… j’ai envie de passer un peu de temps avec Kyran et toi… mais je vais bientôt repartir avec Flint pour explorer l’univers. Et puis… il y a nos neveux et nos nièces qui ajoutent tellement de plaisir dans ma vie… À mon retour, je crois que j’irais m’installer à Lanartis, à nouveau. Le roi et la reine me manquent.

— Ce sont de très beaux projets, j’espère qu’ils se réaliseront.

Les deux quadruplés continuèrent à discuter de tout et de rien, de bonne humeur.

Shayne passa devant la clôture de l’église avec ses enfants, alors qu’il poursuivait Derek et Soren dans leur petit jeu. Les triplés étaient désormais des préadolescents, mais demeuraient tout aussi reconnaissables. Derrière le grand elfe basané, Maeve avait de la difficulté à les rattraper. Elle était moins en forme que ses frères.

— Attendez-moi, les gars ! cria-t-elle. Vous êtes trop rapides !

— T’as qu’à t’entraîner plus souvent, paresseuse ! répliqua Derek.

— Ah, ça par exemple, c’était gratuit !

Ils s’amusaient, sous les regards des passants qui profitaient de cette journée ensoleillée. Shayne s’arrêta au milieu de la route pour prendre sa fille sur ses épaules, puis repartit à la poursuite de ses garçons. Il ne voulait pas lui faire de la peine, car il savait qu’elle n’aimait pas perdre aux courses.

— Merci papa, dit Maeve qui embrassa la tête de son père.

— Pas de quoi, ma puce.

Ce fut à cet instant que Cassandra sortit de l’église, en compagnie du Père Shalom. L’ancien mercenaire se figea et les salua d’un hochement de tête, puis continua sa route. La guérisseuse lui sourit en retour, heureuse de le voir si impliqué dans la vie de leurs enfants. Elle en oubliait presque la raison pour laquelle elle était venue voir le prêtre. Celui-ci se racla la gorge, ce qui la sortit de ses pensées.

— Oh, pardonnez-moi, Shalom. Partons, voulez-vous ?

— Je vous suis, Cassandra. J’ai bien hâte de voir sa réaction, lorsque je vais lui faire part de mon projet… J’espère que je ne le dérangerai pas.

— Croyez-moi, je sens que ça va beaucoup nous aider. Il a vraiment besoin de votre aide. Son isolement n’a que trop duré et je commence à m’inquiéter. Votre présence lui fera le plus grand bien, j’en suis certaine. Maintenant, suivez-moi. C’est par là.

Aussitôt, la docteure et le prêtre prirent la direction du Célestia II. Quelqu’un de très important avait besoin de Shalom, plus que jamais. Sa santé mentale en dépendait…

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