135.3 - La philosophie du diable

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— Au fait, Scottie… poursuivit le barbu qui lavait une assiette. On ne voit plus tellement Cassandra de ce côté de l’étage. L’as-tu vu dernièrement ?

— Elle est beaucoup occupée à l’infirmerie, mais à part cela, aucune idée. Elle travaille sur de meilleurs vaccins avec Kyran, tandis que Sarah l’aide à soigner les blessés. Par contre, j’ai vu Misaki rôder près du réfectoire, tantôt. Elle avait l’air dans la lune.

— Oh, elle est venue nous parler, un peu plus tôt. Elle cherchait Flint… C’est bête, j’ai oublié de le lui mentionner. Bof, tant pis. C’était sûrement pour la même raison que son père veut le voir. J’espère que ce sont de bonnes nouvelles.

— Moi, aussi. Parce que plus le temps passe, plus je me dis que tout ça n’était pas vraiment une victoire, mais une défaite déguisée.

— Le pire dans tout ça, c’est que je te crois…

Gabriel posa l’assiette propre sur le comptoir et pensa aux dernières semaines qui leur avaient semblé longues et interminables. Au moins, ils avaient à nouveau des toits au-dessus de leurs têtes et il y avait de moins en moins de morts reliées au virus mortel. Le colosse s’égara un moment, dans ses pensées, et se demanda ce qui se passait avec son mari. Il espérait que ce ne soit rien de grave.

— Dis, Scottie, proposa-t-il. Ça te dirait d’aller espionner ce qui se passe du côté de la salle du Conseil ? Si tu le fais pour moi, je te donnerais une double part de dessert.

— Ho ho ho ! J’adore ton sens des affaires, s’exclama le jeune homme. Entendu ! J’y vais tout de suite et je te reviens dès que possible.

L’éclaireur se leva d’un bond, fit un clin d’œil à Gabriel et s’éloigna de la salle de cuisine. Une fois à l’extérieur, il suivit les pas de son capitaine. Il retrouva enfin l’endroit où les membres du Conseil se rassemblaient tout le temps et à sa grande surprise, la porte était entrouverte. Il n’y avait pas un seul garde de présent, sur place. Le jeune homme s’appuya contre un mur et tendit une oreille.

Pendant ce temps, à l’intérieur de la grande salle du Conseil, Flint échangeait un regard inquiet avec son oncle Nash. Ce dernier était revenu de son voyage et venait de lui annoncer une terrible nouvelle. Ils n’étaient que trois, en compagnie d’Artael.

— Nous en avons pour combien de temps ? demanda le capitaine.

— Moins d’une semaine… dit son oncle.

— Et tu crois que seul le créateur pourrait nous sauver ?

— Ça ou bien nous allons devoir réparer les portails avant la semaine prochaine. Sans quoi, nous allons tous disparaître.

Scottie haussa un sourcil, dubitatif.

Tous disparaître ? Mais de quoi parle-t-il ? pensa-t-il.

Il y eut des bruits de marteaux, au-dessus de sa tête. Un grain de poussière tomba aussitôt du plafond et tomba directement dans sa narine.

Oh non ! Pas ça ! supplia ce dernier. Tout sauf ça… Aah…

Malheureusement, Scottie éternua si fort que tout le monde l’entendit. Il figea sur place, comme si sa vie en dépendait.

— C’est bon Sanders, on t’a reconnu, fit la voix du président. Entre.

— Désolé ! lança le jeune homme. Gabriel s’inquiétait pour Flint et…

Scottie entra dans la pièce et vit comme prévu, Nash vêtu de ses vêtements de voyageur. Il avait besoin d’un bon bain et d’une coupe de cheveux. Celui-ci était, après tout, rentré d’un long périple.

— Qu’est-ce qui se passe, au juste ? demanda l’éclaireur. Pourquoi avoir gardé la porte ouverte, si c’est pour discuter en secret ?

Artael lui fit signe de se taire, et leva une main. Lorsque Scottie se calma, le président se tourna vers son jeune frère et lui fit comprendre qu’il pouvait tout lui dire. Nash se tourna donc vers celui qui venait de les espionner et répéta ce qu’il leur avait expliqué.

— Le néant est en train de ronger le Saint Royaume de manière lente, mais continuelle. Il ne nous reste plus qu’une semaine avant qu’il ne dévore ce qui reste de ce monde.

— U… une semaine ? Minute… Comment ça ?! s’exclama l’éclaireur.

— Ce monde ne peut pas survivre sans noyau de création, expliqua Nash. Le dernier est en très mauvais état. J’ai dû explorer l’intérieur d’un volcan endormi pour me rendre compte que le centre de cette planète était en train de refroidir. Un simple ange n’aurait pas pu accomplir une telle action, mais n’oubliez pas que je suis un séraphin. J’ai pu accéder au noyau et celui-ci est sur le point de se briser complètement. Il n’est plus assez puissant afin de nous protéger. Nous devons donc évacuer les survivants.

Scottie lâcha une série de jurons avant de se tourner vers son capitaine.

— On fait quoi ?! exprima l’éclaireur.

— Je ne sais pas… répondit celui-ci qui se grattait le front.

Nash attira l’attention de tout le monde vers lui.

— Il ne faut surtout pas paniquer, déclara-t-il. Nous avons toujours un diable à interroger et à exécuter. Celui-ci pourra sûrement nous dire ce qui l’a poussé à détruire le Saint Royaume. J’ai cru comprendre qu’il s’était servi de portails différents pour faire entrer ses démons dans cette dimension. Nous allons peut-être devoir nous en servir pour évacuer tout le monde.

— Oui, mais où irions-nous ? formula Flint. À part Dickens, je ne vois pas d’autre option.

Artael passa une main dans sa longue chevelure et soupira.

— Nous pourrions toujours essayer la Terre ? J’ai cru comprendre que leur planète avait encore quelques endroits où nous pourrions habiter. Il faudrait que ce soit discret, cependant. Nous avons beaucoup de sortilèges qui pourraient nous être utiles, afin de dissimuler nos identités.

Nash secoua la tête avant de poursuivre.

— Vous ne comprenez pas. Ces mondes ont besoin du Saint Royaume pour survivre. L’évacuation résoudra notre problème que temporairement. Nous aurons toujours à combattre contre le néant, puisqu’il ne cessera pas de se répandre à travers l’espace. Cette planète est le centre de l’univers. Si elle devait disparaître, tout serait englouti avec elle. Il ne nous reste plus que trois solutions : trouver le créateur, prendre la fuite ou bien attendre que cette magie nous dévore tous. Je suggère que nous réparions le système de portails au plus vite. Grace à cela, nous pourrons peut-être contacter celui qui nous a tous créé.

Cette phrase provoqua en Flint, une envie de déguerpir à toutes jambes.

— Putain de merde ! gueula le capitaine. Cette guerre n’aura servi à rien, finalement ! Maman et Lucas sont morts pour rien !

— Il est encore trop tôt pour dire cela, mon fils, répondit son père. Et surveille ton langage. Nous sommes dans une pièce importante.

— Papa, ce n’est pas le moment de me sermonner !

Artael et Flint se fixèrent pendant un court instant, en froid. Nash brisa ce silence.

— Ça suffit, vous deux. Nous devons interroger Satan. Allez chercher Shayne et les autres membres de la Septième Brigade. Nous allons avoir besoin de tout le monde pour ce qui va suivre. Artael, sais-tu où se trouvent les instruments de tortures… ?

Il tourna son regard vers son grand frère qui grimaça avec dédain.

— Oui, répliqua celui-ci. Mais j’espère que nous n’irons pas jusque-là.

— Je me porte volontaire pour lui faire du mal, dit Flint. C’est la moindre des choses, après ce qu’il a fait à notre famille et à tous ces gens !

— Oh non, répliqua sèchement son père. Tu ne suivras pas cette voie, mon fils.

— Non, mais quand vas-tu finalement comprendre que je suis un adulte !?

Nash roula des yeux et secoua ses mains près de sa tête, las de les entendre se disputer. Ensuite, il leur donna rendez-vous au sous-sol du château, avec Scottie qui décida de le suivre. Tandis qu’ils sortaient de la salle du Conseil, ils pouvaient toujours entendre le père et son fils se quereller.

— On a bien fait de sortir, dit l’éclaireur. Une minute de plus et j’allais péter un câble, moi aussi. Ce n’est vraiment pas le bon moment pour se disputer.

L’ancien roi de la faction olympienne sursauta quand il réalisa que le jeune homme l’avait suivi. Il le connaissait que de nom, mais il n’avait jamais entamé de discussion avec lui. Il ressentit de la gêne, lorsqu’il tourna son visage vers lui.

— Que puis-je faire pour vous aider, patron ? demanda l’éclaireur, qui le prenait toujours pour l’un de ses généraux. Je peux aller chercher Gabriel pour vous…

Nash hocha la tête, puis observa le jumeau Sanders s’éloigner. Au moins, il n’avait pas eu besoin d’échanger avec lui. Il avait toujours été difficile pour lui de faire de simples échanges avec des inconnus – sauf quand c’était pour le travail.

L’ancien brigadier s’imaginait que ce jeune homme était le genre de personne qui parlait facilement de tout et de rien. Il savait qu’il s’entendait bien avec son neveu et les autres membres de leur équipe, au moins cela le réconfortait, car la dernière chose qu’il voulait était de le rendre mal à l’aise.

Nash décida de se rendre au sous-sol du château, plus précisément aux cachots. Il repensait au vaisseau spatial du Célestia, qu’il avait fouillé avant de revenir aux quartiers généraux des dieux. L’ennemi avait démantelé le portail et détruit son noyau de création. Il ne restait plus rien que des ruines de l’ancien site de campement. Il en avait fait part à Artael et son fils, un peu plus tôt, mais avait oublié de le mentionner à Scottie.

Satan a tout planifié d’avance, se dit-il. Il savait qu’on aurait besoin de ces portails, alors il les a tous faits détruire par ses hommes… Il nous a tous eu.

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