128.1 - L'heure de la bête

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Assis sur un trône massif composé de chairs monstrueuses et d’ossements recouverts d’un étrange métal, une gigantesque créature rouge aux cornes bien pointues regardait ses sujets. En face de cet être maléfique se tenait une énorme table ronde, où plusieurs de ses acolytes discutaient de la guerre. Une carte de la région avait été placée et sur cette dernière, où l’on pouvait voir plusieurs jetons, qui représentaient des factions et des sous-groupes différents. Pour la créature qui prétendait être leur roi, tout ceci n’était qu’un jeu. Il s’était nourri de plusieurs anges, ce jour-là et avait eu la chance de déguster un dieu comme repas principal.

Le diable en personne. Voilà ce qu’il était.

Au-dessus de cette table, se trouvait une cage en or où l’on pouvait voir une créature vivante : une esclave choisie par Satan en personne, qui était là pour le divertir. Cette femme avait une longue chevelure blonde, mais des yeux aussi noirs que la nuit. D’ailleurs, il n’y avait plus rien d’humain dans son regard. Cette demoiselle, aux longues ailes ténébreuses, n’était plus que l’ombre d’elle-même. Lors de son dernier combat, dans les plaines célestes, elle avait perdu plus de la moitié de son escadron. Générale pour quelque temps, celle qui avait dirigé les forces des ténèbres avait désormais pour seule devoir de chanter sur commande. Cet ange se trouvait là depuis des jours.

— Pitié… monseigneur… dit-elle faiblement. À boire…

Satan décida d’ignorer les plaintes de sa prisonnière et se contenta de jeter un regard froid en direction d’un homme à la chevelure blonde, à sa gauche. Celui-ci avait les mêmes traits que la dame dans la grande cage dorée. Il s’agissait nul autre que son frère. Même sans ses souvenirs d’antan et l’absence de ce qui faisait de lui un homme, cet ange déchu s’était beaucoup attaché à cette femme, depuis le début de la guerre. Une petite voix dans sa tête lui disait de veiller sur elle, comme la prunelle de ses yeux.

— Général, grogna Satan qui s’adressa au blond. Je vous ai posé une question !

L’homme aux cheveux dorés sursauta et baissa son regard nerveusement sur le plan de guerre, avant de se tourner vers le diable. Il s’inclina, respectueusement et esquissa un petit sourire en coin. Ses lunettes argentées accentuaient le brin de malice que l’on pouvait voir dans son regard. Il s’appelait Kyran Markios, fils d’Artael Markios.

— Oui, monseigneur. Vous m’aviez demandé ce qu’il en est de nos troupes dans la région des dieux égyptiens. Nous avons reçu dans nos derniers rapports, d’excellentes nouvelles. Toutes les divinités ont été abattues grâce aux guerriers que vous avez convertis, chez les victimes de Célestia.

La créature écarlate eut un regard mauvais pour l’attention de son subordonné, mais sourit à son tour. Il posa les mains sur son trône de chairs et d’ossements, et tourna ensuite ses orbes noirs sur chacun de ses stratèges présents dans cette pièce. Tous étaient des membres très importants de son armée et avaient été volés de différentes factions, avant d’être transformés en démons, ou bien en anges déchus. Ils respectaient tous ses ordres, au doigt et à l’œil.

Qui oserait défier le grand et puissant, Satan ? se dit-il. Sûrement pas eux !

— Votre Majesté, continua Kyran, après s’être raclé la gorge. Je tenais aussi à vous informer que l’escouade que vous avez envoyé au campement des olympiens est revenu, il y a peu. J’ai une bonne et une très mauvaise nouvelle à vous annoncer…

Peu surpris par ces paroles, le monstre à la carrure très imposante, retourna son attention vers le blond. Il commençait toutefois à s’impatienter.

— Qui a-t-il, Markios ? Va, avant que je te dévore la tête.

— Je vais commencer par la mauvaise nouvelle, messire. Athéna et ses compagnons ne se trouvaient pas sur le site, comme nous l’avions prévu. D’après nos espions, la plupart d’entre eux sont partis vers le nord, afin de venir en aide aux autres campements olympiens. La bonne nouvelle, toutefois, c’est que…

Satan planta son poing dans la table, furieux. Athéna leur avait encore une fois échappé. Des flammes sortaient de ses narines, tel un dragon enragé. Une puissante rage envahissait le démon qui essayait de se retenir devant ses sujets, mais c’était plus fort que lui, il empoigna le meuble, le souleva dans les airs et le fracassa contre un mur.

Tous ses stratèges étaient cloués à leurs chaises, la plupart avaient leurs mains sur leurs genoux. La cage de l’ange prisonnière fut secouée dans plusieurs sens avant de commencer à se replacer. La demoiselle se tint fermement aux barreaux, afin de ne pas se cogner.

— Votre Majesté, à force de détruire toutes les tables du château, comment voulez-vous que nous continuons à planifier nos combats ? gronda un démon, à la droite du diable.

— Oh miséricordes… se dit Kyran, qui ferma les yeux.

Sous les regards ébahis de leurs acolytes, celui qui venait de parler se fit prendre par la taille, à la vitesse d’un éclair et termina le reste de ses jours dans le ventre du diable. Déjà, lorsqu’il ouvrit un œil, le stratège blond pouvait voir un pied de l’offenseur qui disparaissait derrière les canines pointues de son maître. Satan poussa alors un rôt sonore, ce qui fit déglutir le Markios.

Le diable retourna enfin son attention vers son serviteur et respira lentement. La petite collation qu’il venait de déguster, venait de lui plaire.

— Parle, je t’en prie, dit-il, d’une voix mielleuse.

Kyran soupira avant de se tourner vers l’entrée de la grande pièce où ils se trouvaient tous. Il mit deux doigts entre ses lèvres, comme lui avait un jour appris son oncle Nash, et siffla de sorte qu’on l’entende.

Les deux énormes portes d’ivoire, tachées de sangs et d’odeurs nauséabondes, s’ouvrirent lentement et à la tête d’une troupe d’anges déchus, un jeune homme à la tête aussi blonde que le stratège s’avança, une faux entre les mains. Ce dernier s’avança au centre de ce conseil de guerre et s’agenouilla devant le diable. Son arme prit aussitôt l’apparence d’une chauve-souris qui se pendit à ses vêtements.

— Satan, je vous présente mon frère, Lucas Markios. Il semblerait que le virus que vous avez propagé autour de notre monde a réussi à convertir plusieurs anges et créatures divines, tel que vous l’avez prédit. Il remplacera le Général Augustus qui a malheureusement été tué, lors d’un raid chez les judéo-chrétiens.

— Quelle est cette chose qui vous accompagne ? demanda précipitamment le diable, qui observa la chauve-souris mystérieuse.

Surpris par la remarque de son maître, Kyran décida de laisser à son frère, le choix de répondre à leur supérieur. Il se frotta le menton, et essaya de prédire ce qui se passerait sûrement par la suite. Deux options s’offraient à eux : soit Satan acceptait ce nouveau guerrier dans ses rangs, soit il le dévorait tout cru. Dans les deux cas, l’avenir de son frère se jouait là. Même en tant que déchu, le stratège blond ne pouvait pas se risquer de le perdre, car Lucas était un excellent combattant.

Une perle de sueur coula le long de la nuque du porteur de la chauve-souris, alors qu’il leva son regard se posa sur les puissants abdominaux du diable.

Ainsi donc, voici celui qui terrorisait le Saint Royaume depuis son arrivée, pensa-t-il.

Il se racla la gorge avant de lui répondre :

— Messire, il s’agit d’un esprit élémentaire conçu par la Princesse Athéna. Cette chauve-souris a été convertie en même temps que mon âme, puisque nous sommes liés. Elle et moi sommes partenaires.

— Je vois… tâchez de faire en sorte qu’elle ne nuise pas à nos plans, sinon je m’en occuperais personnellement, remarqua Satan.

— Bien entendu, messire.

Lucas s’inclina respectueusement devant le puissant démon et se releva.

La bête jeta alors un regard à l’entrée de la salle, où une trentaine d’anges déchus attendaient que leur général leur revienne sain et sauf. Ils obéissaient déjà au blond, qui les avait menés à travers les plaines, jusqu’au château des dieux.

— Et ces nouveaux soldats, commenta Satan, ils viennent tous du vaisseau ?

— Oui, monseigneur, répondit Kyran. Ces hommes et ces femmes étaient de braves soldats pour la cause d’Athéna. Notre virus les a transformés en de véritables machines de guerres. Ils sauront vous satisfaire, j’en suis certain. Avec les gens que nous avons infectés au campement, cela fait en tout plus de soixante nouvelles recrues. Ils sont tous prêts à combattre et à suivre vos ordres.

— Dans ce cas, veuillez les envoyer en mission sur les terres judéo-chrétiennes. C’est le seul endroit qui manque de notre présence, en ce moment. La tâche est simple : éliminez tout le monde et convertissez qui vous pourrez dans nos rangs.

Lucas mit une main sur son cœur et hocha la tête, devant le diable.

— Ce sera pour moi, un grand honneur que de répandre votre influence, Votre Altesse.

— Ainsi soit-il.

Satan trouvait le comportement de ce général particulièrement louche, mais choisit de n’en faire rien. Cet homme, devant lui, devrait faire ses preuves. Au moindre signe de trahison, il l’éliminerait. Le diable pointa donc la porte de sortie, d’un air sévère. Lucas jeta un clin d’œil complice à son frère et s’éloigna ensuite avant de sortir d’où il était arrivé. La chauve-souris garda silence, tout le long du déplacement.

Une fois la porte de la salle refermée, le monstre posa son regard vers la cage de la prisonnière. Il se croisa les bras et dit, d’une voix forte et autoritaire :

— Sarah, vous souhaitiez qu’on vous apporte de l’eau ? Chantez-moi une berceuse capable de m’endormir et l’un d’entre nous vous donnera à boire.

La dame blonde se prit la gorge de trois doigts. Voilà plus de deux jours qu’elle ne faisait que chanter pour son ignoble seigneur. Elle était fatiguée, elle avait besoin d’une douche et surtout d’une bonne nuit de sommeil. Chaque instant passé dans cette cage, devenait un supplice pour celle qui avait autrefois été la plus grande guérisseuse de Baldt.

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