109.2 - La journaliste et le strip-teaseur

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Au moins, tout ce fric ira sur ma future maison, soupira-t-il. Quand je serais assez riche, je reprendrais ma foutue vie en main…

Charlie sortit enfin du bar gay et se dirigea au stationnement, puis emprunta une petite ruelle sombre. Il portait un simple pull verdâtre par-dessus son torse et un pantalon noir qu’il avait choisi dans une boutique bon-marché. Ses bottillons avaient été importés des États-Unis, ils étaient faits d’un cuir sombre. Le grand poilu ressentait l’envie folle de manger du fast-food, mais savait qu’il n’avait pas le droit d’en consommer à cause du travail. Il s’arrêta près d’un mur de brique et cogna de frustration dans ce dernier. Celui-ci était habitué à faire de la boxe à tous les jours, pour s’entraîner. Ses mains étaient rugueuses et puissantes, à un tel point qu’ils étaient difficiles à endommager. Il ne souffrait que de quelques éraflures. Il soupira.

— Lâchez-moi ! hurla une voix stridente à sa droite.

Il se tourna vers une ruelle plus ou moins éclairée où il reconnut la voix d’une collègue de travail. Elle était en train de se faire harceler par un malotru. Rapidement, Charlie courut en direction de ce cri et lâcha son sac à dos près d’une poubelle avant de foncer tout droit dans un premier type qui s’en prenait à son amie. Il lui tabassa le visage, pendant qu’un deuxième homme se jeta sur lui pour essayer de libérer l’autre individu.

— Je vais vous apprendre comment traiter une femme ! grogna le strip-teaseur, furieux. Vous n’avez pas honte !?

Ouille ! Mais laissez-moi tranquille, maudit pédé ! jura l’homme anglophone.

Hé ! Écoute-le, trou de cul, ou je te découpe en rondelles ! ajouta le second.

Charlie comprit que le second agresseur avait un objet tranchant sur lui. Il se leva rapidement pour éviter le coup de canif qui lui était destiné. L’homme armé planta accidentellement la lame dans le ventre de son camarade.

Putain d’idiot ! Regarde ce que tu m’as fais ! hurla celui qu’il venait de blesser.

Désolé Dennis ! Je t’emmène à l’hôpital ! gémit l’autre.

Charlie roula les yeux, s’approcha des deux hommes et les assomma l’un contre l’autre. Ils tombèrent inconscients, à ses pieds.

— Ce n’est pas d’un hôpital dont ton pote a besoin, mais de finir ses jours en prison… grogna le strip-teaseur. Que cela vous serve de leçon…

À sa gauche, la pauvre strip-teaseuse pleurait à chaudes larmes, alors qu’elle reconnut la silhouette de celui qui était venu la sauver.

— Becca, ça va ? demanda-t-il. Rien de blessé ?

— N… non… hoqueta la jeune femme. J’ai eu si peur…

— Ça va, ils ne te feront plus de mal, mon ange.

Il la prit par la main et l’emmena loin de cette ruelle sombre. De tous les hommes qui travaillaient pour Tina Rockwell, Charlie était l’un des plus baraqués et savait se défendre. Sa jeunesse l’avait forcé à prendre en charge sa propre sécurité, car on l’avait harcelé souvent pour la simple raison qu’il avait été assigné fille, à sa naissance. Au fil des années, il était devenu agile et puissant, en plus de développer une silhouette bien athlétique. Il pouvait remercier ses injections de testostérone d’avoir amélioré le processus, une fois adulte. Sa réputation avait fait en sorte que les homophobes du cartier avaient peur de s’opposer à lui.

— Ils m’ont pris mon argent, pleura Becca. Ils ont tenté… ils ont tentés…

Elle pleurait encore plus fort, blottie contre son ami.

— Heureusement que j’étais dans les parages à temps, fit Charlie. Reste ici, je vais chercher ton gagne-pain.

— Non ! Reste… supplia sa collègue. J’ai peur…

— Je n’en ai pas pour très longtemps, promis !

— Mais, Charlie… !

Il s’enfonça à nouveau dans la ruelle où il avait tabassé les deux agresseurs de son amie et se pencha sur leurs corps afin de fouiller pour leurs portes-feuilles. Il finit par mettre la main sur l’un d’entre eux et en sortit plusieurs billets. Alors qu’il se relevait, il reçut un coup solide sur la tête et perdit connaissance.

Le lendemain, Flint et son père dégustaient leur déjeuner ; les nouvelles locales passaient à télévision. La nuit dernière, ils avaient été réveillés par des sirènes d’ambulances et de policiers. Marie n’était pas rentrée, ce soir-là. Ils s’inquiétaient pour elle et se demandait si elle allait bientôt les appeler.

Le corps de l’ancien acteur de films pornographiques, Charlie Tabris, a été retrouvé inconscient dans un stationnement, situé dans la basse-ville d’Ottawa, annonça la lectrice de nouvelles. Ce dernier est toujours en vie, mais il ne s’est toujours pas réveillé, suite à sa commotion cérébrale. Son employeuse devait lui donner congé pour aujourd’hui.

Sur le téléviseur, Flint vit le corps inanimé d’un très grand homme musclé, aux cheveux châtains. Bien qu’il eût des cicatrices sous sa poitrine musclée, il reconnut son visage. À la télévision, on le voyait se faire transporter sur une civière.

Voici une image de Monsieur Tabris lors de son dernier passage sur notre chaîne, l’an dernier, alors qu’il était venu passer une entrevue avec nous, continua la dame. Plusieurs de ses anciens fans et collègues de travail sont présentement en train de manifester devant l’hôpital, réclamant justice pour leur ami. Ceci est un crime contre un membre de la communauté LGBTQ+ d’Ottawa. Rappelez-vous que…

Sur l’écran de télévision, on pouvait voir un grand homme musclé, légèrement barbu mais avec un corps large et viril. Celui-ci avait le même visage d’un certain ex-golem de la Septième Brigade, seulement il était très maigre.

— Ah, mais c’est Gabriel !? remarqua Artael qui cligna des yeux.

— Un acteur porno ? marmonna Flint pour lui-même. Et transgenre ? Le Conclave s’est vraiment joué de lui… Je me demande s’il se rappelle de nous…

Le capitaine était surpris d’apprendre son choix de carrière. D’autant plus que son mari avait le même prénom que son tigre blanc.

— Il a pris une apparence moins grosse avant de télécharger son âme dans ce serveur, continua-t-il. Il était trop gras pour entrer dans les incubateurs.

— J… je vois… fit le mage. C’est très étrange, je dois admettre. Je suis tellement habitué à le voir si fier et si heureux de son apparence…

— Dis-toi que ce n’est que temporaire. Nous finirons par tous retourner à Célestia.

— Plus tu me parles de ce nouveau monde, plus j’ai envie de le voir…

On cogna aussitôt à la porte d’entrée. Flint se leva du divan pour aller répondre et tomba nez à nez avec… sa mère ?

— Teddie Sage ? demanda-t-elle. J’ai à te parler…

C’était l’après-midi quand Charlie ouvrit les yeux, dans une petite pièce où il était le seul patient. Sa tête lui faisait un mal de chien, mais il avait survécu à l’attaque de la nuit dernière. Il comprit rapidement qu’il s’était fait agressé par d’autres brigands, sûrement liés aux derniers criminels qu’il avait tenté d’appréhender. Il remarqua qu’il avait encore toutes ses dents et que son visage n’avait pas subit tellement de dommages. Par contre, il avait mal aux côtes et pouvait à peine se lever. Il souleva le drap qui le recouvrait et vit qu’on avait entouré une partie de son torse d’une orthèse médicale. Il roula les yeux. Même sa tête avait un bandage.

— Aïe… fit celui-ci qui essaya de s’asseoir.

— Tu es vivant… ! fit une voix masculine, assis près de lui.

Il baissa son regard vers un grand blond qui était assis sur une chaise de visiteur.

— Je te connais, toi… fit le strip-teaseur. J’ai vu ta photo circuler sur Facebook avec ton livre… Pourquoi es-tu ici ? Tu ne me connais même pas…

Flint secoua la tête et répondit :

— Au contraire, dit-il. Je te connais plus que tu ne le penses, Charlie. Cependant, une partie de toi m’a oublié. Nous étions très proches avant un certain incident… Je suis venu voir comment tu allais. Je suis content de voir que tu t’en sortiras.

Le grand châtain musclé plissa les yeux et pencha la tête d’un côté.

— Tu me fais peur, toi… j’aimerais que tu t’en ailles… demanda-t-il.

— Je comprends… répondit tristement le blond. Toutefois, si jamais tu avais besoin de quoi que ce soit, un service, ou bien qu’on t’apporte de la nourriture, je peux te laisser mon numéro de téléphone.

— Pourquoi ferais-tu ça pour un pur étranger ?

— Je te l’ai déjà expliqué, nous étions très proches mais tu m’as oublié… Si je te dis le nom de Gabriel, est-ce que ça te dit quelque chose ?

Charlie réfléchit un moment, puis secoua la tête. C’était un joli prénom, mais cela ne semblait pas l’affecter.

— Et si je te disais Flint ? suggéra son interlocuteur.

Les yeux du strip-teaseur s’écarquillèrent alors qu’il sursauta dans son lit.

— Chéri… !? marmonna Gabriel. Est-ce bien toi sous cet accoutrement ?

Le capitaine pouffa de rire et se leva de son siège avant d’aller s’installer à côté de son mari. Il lui prit une main, pour le rassurer.

— Oui, c’est bien moi, expliqua-t-il. Il semblerait que nos souvenirs aient tous été embrouillés par le transfert de nos esprits. Alors que je n’étais pas en contrôle de mon corps, mon alter ego a écrit toute notre histoire et l’a publié gratuitement en ligne. Grâce à cela, j’ai pu réveiller les soupçons des jumeaux Sanders et mon père a retrouvé ses souvenirs.

Ils étaient tous deux dans une salle privée, après qu’on avait pansé le jeune homme inconscient. Il serait en convalescence pour quelques semaines. Il avait de légères fractures aux côtes et une derrière le crâne. Il serait sur plusieurs antidouleurs pour deux mois, environ. Ensuite, il devrait consulter son docteur de famille afin de lui prescrire d’autres médicaments.

— Celle qui t’a soigné t’a déjà donné un congé, expliqua Flint. Elle a appelé ta patronne après t’avoir reconnu et lui a dit que tu ne serais plus en état de performer au bar pour quelque temps. Madame Rockwell est venue te voir durant que tu dormais et t’a laissé ce bouquet…

Il tourna son regard derrière lui et pointa les fleurs dans un pot.

— Elle avait l’air de s’en vouloir, la pauvre, continua le blond.

— En tout cas, ça fait mon affaire, répliqua Gabriel. Charlie voulait arrêter de travailler là-bas, c’est une bonne chose.

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