97.1 - Plumes noires

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Le cri effroyable d’une dame en pleurs attira tous les regards au ciel. Un ange aux plumes noires fonçait tout droit au sommet du champ de force gigantesque et l’attaquait de l’intérieur. Cette femme, c’était Sarah Markios, autrefois la nonne que tout le monde chérissait et aimait à l’église d’Athéna. Son cœur, noirci comme le charbon, s’était émietté. Trahie, abandonnée, morte de l’intérieur : sa vie n’était qu’un tissu de mensonges. Ses pouvoirs n’avaient plus rien de beau à ses yeux ; ils lui avaient été légués par une déesse menteuse et manipulatrice !

Dans un deuxième cri de rage étonnant, la protection divine des anges éclata et de nombreuses bêtes qui rampaient au-dessus de cette bulle de verre magique, tombèrent en direction de la ville. Sarah, quant à elle, disparut dans l’obscurité de la nuit, elle ne se retourna même pas pour voir les dégâts que causaient déjà les monstres dans sa ville natale.

Au centre-ville, une naine et un homme-lapin protégeaient des civils qui couraient en direction du palais présidentiel. Ces deux-là venaient tout droit de Lanartis et servaient normalement de gardes personnels pour le Roi Davis et Dame Floraine, mais avaient reçu l’ordre d’assister les brigadiers durant ce carnage. Ils étaient accompagnés de plusieurs soldats qui avaient survécu à l’invasion d’Archenwald. Quelques gargouilles s’approchèrent d’eux, rapidement.

— Boris ! À ta gauche ! lança Priya.

— D’accord ! répondit son mari.

L’hybride aux longues oreilles tomba face à face avec un œil gigantesque aux ailes de chauves-souris. Cette espèce était de plus en plus fréquente, car il en avait tué plus d’une trentaine depuis ce matin-là. Elles lançaient des ondes magiques violentes avec leurs regards. Il pouvait les abattre facilement. Le seul problème était qu’il allait bientôt manquer de flèches. Il allait devoir improviser. Il prit donc les deux nunchakus qu’il avait empruntés dans le bâtiment d’entraînement de Baldt et fonça tout droit vers son adversaire. Telle une fusée, il détruit l’œil monstrueux et s’attaqua à la grosse gargouille.

La naine sortit alors un flacon rouge de sa petite sacoche et la jeta en direction d’une dizaine de gobelins et une gargouille. L’objet éclata et désintégra ces monstres dans une explosion de flammes. Elle passa ensuite d’autres flacons de ce genre à ses compagnons. Il s’agissait de bombes élémentaires, l’une de ses spécialités qu’elle avait emmenée de Mytira. Là-bas, ils étaient des experts en objets magiques.

— Dégagez le terrain ! ordonna Boris. Je vais tenter quelque chose !

Ses soldats obéirent et il courut vers le gazon avant de plonger directement dans la terre qu’il creusa avec ses puissantes pattes. Un instant plus tard, il réapparut sous une autre gargouille, encore plus grosse que la précédente et lui donna un solide coup de pied dans la gueule.

— Toujours pratique, ton pouvoir ! dit la naine, enjouée.

— Remercie plutôt Mère Nature ! fit ce dernier.

Il se retourna et reprit son souffle, tandis que plusieurs araignées géantes rampaient dans sa direction. Il grimaça de dégoût. Il n’aimait pas ces créatures. Il leur lancerait bien des pierres magiques, mais il n’en avait pas sur lui.

— Couvrez-moi ! lança-t-il à ses compagnons. Je dois boire ça !

Il leur montra un flacon de potion magique et recula de quelques pas, afin d’éviter le coup de lame d’un squelette ranimé.

Priya fonça dans le mort-vivant et l’abattit avec deux coups de ses dagues bien affilées. L’épée du monstre tomba par terre.

— Ah, je n’y crois pas ! grogna celle-ci. Ils gagnent de plus en plus de terrains !

— Ne perdez surtout pas courage, Madame Lightwood ! cria l’une de ses subordonnées. Nous pouvons y arriver !

— Ces bâtards sont en train d’endommager l’académie ! lança un brigadier à leur droite. Il faut les arrêter !

— Simon, reviens ici tout de suite ! fit une jeune femme.

Un immense ogre défonça l’immeuble où se trouvait habituellement la taverne près de la fontaine publique. Il empoigna le dénommé Simon et lui arracha la tête avec ses mâchoires. La brigadière poussa un cri de terreur et se cacha derrière deux soldats qui pointaient déjà leurs armes vers l’énorme créature.

— Tout est perdu… ! brailla la pauvre demoiselle. Nous sommes fichus !

Priya soupira. Cette pauvre brigadière n’avait pas tort. Ça faisait des heures qu’ils luttaient contre ces créatures ténébreuses. Elle n’arrivait pas à imaginer comment ils survivraient tous ces monstres, maintenant que le champ de force avait éclaté. La naine se mit en position défensive et se prépara pour la prochaine créature qui viendrait dans sa direction.

Pendant ce temps, Boris bondit sur le toit d’un immeuble et ressortit son arc avec lequel il lança plusieurs flèches qu’il venait de construire avec sa magie élémentaire. L’homme-lapin n’avait pas l’intention d’abandonner le combat. Cela inspira ses camarades à faire comme lui.

La ville se faisait envahir à une vitesse hallucinante. Les nombreux soldats et brigadiers rassemblés en face des marches du palais furent encerclés par ces monstres et devaient tout faire pour que ces derniers n’y pénétrèrent pas. Après tout, plusieurs civils s’étaient réfugiés entre ces murs. Des anges se joignirent au groupe. Du sang et des tripes volaient dans tous les sens.

Le ciel crépusculaire ne présageait rien de bon, car tous les combattants présents sur place, cette nuit-là, comprirent qu’ils ne verraient pas l’aurore. Les dieux renégats avaient gagné cette guerre. Il ne manquait plus qu’ils atteignent le palais et qu’ils le renversent comme ils l’avaient fait à Lanartis.

À la tête des démons, une jeune femme aux cheveux noirs et au regard pétillant était vêtue de dentelles. Ses vêtements ressemblaient à ceux d’une servante. Sa peau était blanche et ses lèvres étaient rouges et pulpeuses. Au fil des années, le corps de Narcissa Tabris avait légèrement changé, afin de prendre des traits plus similaires à ceux que la déesse souhaitait.

Perséphone n’avait pas eu besoin de faire transporter son corps depuis l’enfer. Il était venu à elle à travers cette transformation. Son âme avait fusionné à celle du golem ; le processus avait été assez simple pour cette déesse. Étrangement, elle avait développé un penchant pour les vêtements de servantes. Sa nouvelle garde-robe en était pleine. Elle était malgré tout reconnaissante pour le sacrifice de sa fille.

— Ah ! Qu’il fait bon de rentrer chez soi ! s’exprima-t-elle. J’ai déjà hâte de me débarrasser des vermines qui occupent mon joli palais !

À sa droite, un grand homme avec une queue de cheval noir, se promenait à dos de jument. Il posa son regard sur la déesse, puis retourna son attention vers la ville. Il portait une armure en métal sombre et à son dos était attaché un bouclier et une épée. Il ne portait pas de heaume, mais son allure imposante faisait fuir la plupart des soldats et des brigadiers qui l’apercevaient. De cet homme se dégageait une énergie malsaine, qui leur glaçait le sang. Il avait des yeux dorés et un visage fin, mais cet individu n’inspirait aucune confiance. Un papillon bleu se posa sur le gantelet qui ne tenait pas les rennes de sa jument.

— Mm hmm ? formula-t-il. Je vois…

— Qu’est-ce qu’il raconte de beau, ton ami ? interrogea alors la déesse.

— Un ange déchu a été aperçu dans le ciel, pile au moment où le champ de force a été détruit, répondit l’être ténébreux.

— Ah bon ? Ils sont rares, ceux-là.

— Il s’agit de Sarah Markios, d’après notre camarade. Cette dernière aurait appris l’identité secrète de sa mère et aurait rejeté sa religion avant de se transformer.

— Ah… voilà qui change tout ! Nous devrions penser à la recruter dans nos rangs !

— Avec tout le respect que je te dois, ma chère Persie, nous avons un plan à suivre. Nous ne pouvons pas nous permettre de changer de direction.

— Oh ça va Thane, pas besoin de me faire la morale…

Thane était le surnom que Perséphone donnait à Thanatos, l’incarnation de la mort. Ce dernier la surnommait affectueusement Persie.

Derrière eux, un jeune homme plus petit qu’eux, était entouré de leurs troupes. Il avait les mains dans les poches de son sarreau de scientifique et portait une longue cape qui lui recouvrait une partie de la tête. Il avait une chevelure blanche, des yeux rouge sang et des lèvres dans les mêmes teintes. Comme Misaki Megumi, c’était un albinos, mais celui-ci n’avait pas la même attitude qu’elle. Il était désintéressé par tout ce qu’il voyait. Il ne faisait que suivre les ordres de ses compères. Il bailla.

— Je m’ennuie… soupira-t-il.

— Patience, Hypnos, dit l’homme en armure. Nous serons bientôt arrivés au palais. Tu pourras dormir comme bon te semble lorsqu’on se sera occupé de cette ville. Je sais que tu es fatigué, mais nous devons continuer…

La déesse de l’enfer était distraite et n’écoutait pas vraiment leur conversation.

— Quel dommage que cet abruti de Troyd ne pourra pas être des nôtres, gloussa-t-elle. Je lui avais bien dit qu’il ne fallait pas mettre sa queue n’importe où. Mais m’a-t-il écouté ? Non… Que ça lui serve de leçon !

— Le pauvre est tellement humilié qu’il ne sort même plus d’Archenwald, mentionna Thanatos. C’est très marrant, en fait. On s’attendait qu’il soit celui qui tuerait Artael, mais là il nous fait une dépression… Quel homme misérable !

Perséphone se mit un poing sous le menton et se tourna vers son interlocuteur.

— Allons, mon chou… prononça-t-elle. Voudrais-tu que je te fasse subir le même châtiment qu’à notre serviteur machiste ?

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