92.1 - Le règne de la noirceur

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— Nan, mais qu’est-ce qui t’as pris, couillon !? dit Kylie qui toisa son frère. Comment t’as pu lui dire ça comme ça ? C’était mesquin et gratuit !

— Je n’avais pas le choix… Tu sais comment elle est... Elle n’a que Wyatt en tête. J’en ai marre de devoir endurer son côté groupie.

— Mais ressaisis-toi ! T’es juste jaloux !

Furieuse, la jumelle donna une claque derrière la tête de Scottie.

— Aïe ! brailla-t-il. Pourquoi t’as fait ça ?

— Parce que c’est quand même notre amie ! grogna sa sœur entre ses dents. Tu n’avais pas le droit de lui faire ça !

— Mais je…

— Ryan Scott Sanders, poursuivit Kylie. Tu vas m’écouter clairement. Tu vas aller présenter tes excuses tout de suite à Estelle où je te réduis en charpie !

— Ne m’appelle pas comme ça, tu sais que j’ai horreur de ce nom !

— C’est justement pourquoi je l’utilise, imbécile !

L’éclaireur bouda et s’éloigna, les mains dans les poches. Sa sœur l’observa s’éloigner alors qu’il courait déjà dans la même direction où Estelle avait pris la fuite. Elle soupira et s’assit sur la grosse pierre, alors qu’elle repensait à sa vie d’avant.

Le jour de l’adoption, elle se souvint que Conrad avait décidé de les nommer Ryan Scott et Kylie en mémoire de ses défunts parents. Quelques années plus tard, le garçon avait rejeté la première partie de son prénom et opté pour qu’on l’appelle Scottie. La punk quant à elle ne s’était jamais sentie embarrassée de porter le diminutif de sa grand-mère, dont le véritable nom était Makayla.

Ils n’avaient jamais connu le vieux Ryan Scott, mais son épouse avait vécu quelque temps aux quartiers généraux des rebelles, avant de s’éteindre paisiblement dans la nuit. Kylie se souvint qu’elle avait été une gentille dame qui leur avait souvent offert des biscuits. En plus, elle leur avait raconté de belles histoires. Elle ne se rappelait plus de son visage, toutefois.

Conrad avait été un peu déçu lorsqu’il s’était rendu compte que son fils ne voulait plus du prénom Ryan, mais avait apprécié le fait qu’il garde un peu le deuxième prénom. Scottie était donc devenu son nouveau patronyme.

Ruby, déjà amie avec la famille, s’était vite adapté à ce changement. Cette dernière avait connu les grands-parents des jumeaux, bien avant leur naissance. Elle leur avait même dit qu’ils avaient un peu hérité de leurs traits, même s’ils avaient été adoptés. Scottie avait les talents culinaires de Makayla et Kylie avait l’attitude déterminée et positive du vieil homme ; ils avaient pris cela comme un compliment.

La jumelle se dit qu’il était temps de rentrer. Donc, elle se leva de la grosse pierre et marcha en direction du campement. Fatiguée car son sommeil avait été interrompu par son frère, elle se dit qu’un peu petit somme ne serait pas de refus. Elle s’avança donc, dans la pénombre et lâcha un long bâillement.

Ce silence est inquiétant, se dit-elle. Je me souviens quand nous avions toujours des démons à nos trousses. Il n’y a plus rien… Les autres ont raison de croire que les monstres sont passés de l’autre côté du voile. Nous n’avons donc plus rien à faire ici. Mais… qu’est-ce que…

Elle n’avait pas fait attention où elle mettait les pieds, avait trébuché et était tombé à travers un trou étrange. Elle s’agrippa de justesse à l’écorce d’un vieil arbre qui avait été coupé grossièrement, mais dont personne n’avait jamais creusé les racines. Elle poussa un juron et remonta à la surface avec l’aide d’une dague qu’elle gardait à sa ceinture. Le sol semblait s’effriter autour d’elle.

— NON MAIS C’EST QUOI CETTE MERDE !? grogna-t-elle.

Kylie ne se souvenait pas d’avoir contourné un précipice sans fond lorsqu’elle avait marché vers la plage. Celui-ci venait d’apparaître. Une matière obscure était en train de dévorer le terrain. Elle ne savait pas ce que c’était, mais elle n’oserait pas s’aventurer de trop près. Même qu’elle dut reculer, quelques secondes plus tard, car l’écorce de l’arbre était déjà en train de disparaître. Elle fit apparaître une boule de lumière et éclaira sa route.

Les plaines étaient en train de se faire ronger par une magie terrifiante. La guerrière n’avait pas d’autre choix que de courir en direction du campement. Elle remarqua aussi qu’il faisait plus sombre que d’habitude, dans cette dimension. Elle leva la tête et remarqua que la lune rouge avait complètement disparu.

Prise de panique, elle s’arrêta à mi-chemin et hurla :

— ESTELLE !? SCOTTIE !?

Elle ne pouvait pas les entendre, mais il y avait des cris qui venaient d’en direction du campement. Même la petite communauté était en danger. Était-ce la fin de ce monde, tel que l’avaient prédit ses camarades ? Elle reprit son souffle et se mit encore à courir, mais entendit un cri d’effroi à sa droite. C’était Estelle.

— NE BOUGE PAS ! cria Kylie. J’ARRIVE !

Elle sauta par-dessus un trou qui était en train de se former près de ses pieds et courut vers sa protégée. Elle finit par retrouver cette dernière, en haut d’un arbre mort dont le tronc était partiellement en train de disparaître. Quelques secondes plus tard, l’arbre s’effondra et la petite blonde tomba dans le vide. Kylie la rattrapa de justesse, mais dut se laisser tomber près du récent ravin.

— Scottie est tombé… Scottie est tombé… couina Estelle, nerveuse.

— Où ça !? demanda la jumelle.

— Dans le… trou… sous mes pieds !

Elle était en larmes, en crise de panique.

La guerrière sentit son cœur se serrer, son frère était probablement mort. Elle prit une grande respiration et tira son amie de toutes ses forces. Malheureusement, au moment où elle la ramena sur la terre ferme, le sol disparut sous ses pieds.

Toutes deux hurlèrent à l’aide, puis s’évaporèrent dans un nuage sombre de magie, en même temps que leurs voix.

Au même moment, au campement de Cordelia Lawson, les meilleurs mages repoussaient l’étrange nuage ténébreux qui rongeait tout sur son passage. Une bonne partie de la population avait déjà disparue, il ne restait plus que la Septième Brigade et les esprits élémentaires présents sur place.

Wyatt et Luna avaient activé un champ de force, tous deux se trouvaient à un côté opposé de la bulle protectrice, en sueur. Leur bouclier magique faisait au moins dix mètres de longueur et de largeurs. Une partie des tentes avait déjà été rongée.

— Bon sang, mais qu’est-ce que c’est que cette chose !? grogna Flint.

— Nous avons été rassemblés trop tard… soupira le tigre blanc qui baissa la tête. Ce monde est en train de disparaître.

— Mais comment est-ce possible ? mentionna Cordelia, près du feu de camp. Je croyais que l’enfer devait coexister avec Aeglys !

La rousse était la seule représentante des survivants, présente à l’intérieur du cercle magique. Elle était venue discuter avec le capitaine et le général des procédures à suivre pour ouvrir un portail magique lorsque la chose sans nom avait commencé à dévorer le terrain.

— Vos ancêtres ne vous ont rien dit en rapport à la fin du monde, j’imagine ? commenta le blond qui se tourna vers l’alchimiste.

— Non ! s’exprima-t-elle. Tout ce que nous savions, c’était que le temps s’était arrêté. Nous pouvions encore y faire pousser plein de choses, donc personne ne pensait à sa destruction imminente ! Nous sommes des alchimistes, quand même… Nous devions reconstruire cette dimension et…

Elle s’agenouilla, en colère. La trentenaire donna un coup de poing dans le sol, mais remarqua qu’il s’était désintégré sous le bouclier magique. Ils flottaient dans le vide, avec le feu de camp toujours intact. Elle poussa un cri d’horreur. Toute sa vie, elle avait été élevée à protéger cette dimension ancienne et son devoir avait été d’empêcher les démons à détruire le voile. Elle avait échoué à sa mission. Furieuse et répugnée par son incompétence, elle sortit une dague de sa ceinture et s’apprêta à l’enfoncer dans son cœur. Flint l’en empêcha.

— Mais vous êtes folle ! cria-t-il.

— On va tous mourir, de toute façon !

— Ce n’est pas une raison de vous enlever la vie comme une lâche ! Battez-vous !

L’alchimiste lâcha sa dague, car le capitaine pressait sur son poignet si fort qu’elle ne ressentait déjà plus sa circulation. Elle déglutit et pleura en silence. Pendant ce temps, les esprits élémentaires renforçaient le champ de force avec leur magie.

— Que devons-nous faire ? demanda Wyatt à Bella.

La loutre était revenue à lui, peu de temps avant que tout cela ait éclaté. Elle avait repris la forme des bracelets à son poignet et l’aidait à récupérer des forces.

— Je n’en sais rien ! couina l’esprit des eaux. C’est la première fois que j’assiste à un tel désastre ! À la moindre faute, nous mourrons !

— Tu ne me rassures pas, mais vraiment pas… marmonna le mage.

Derrière lui, Luna venait de synchroniser avec Kelvin. Deux ailes enflammées se trouvaient sur son dos. Elle non plus ne savait pas comment réagir à tant de puissance. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était de maintenir leur seul moyen de protection.

— Je ne veux pas mourir… couina aussitôt Cassandra.

Flint se tourna vers elle et remarqua qu’elle était recroquevillée près du vampire. Celle-ci était en train de paniquer. Misaki vint la consoler, alors que Gabriel avait le regard perdu dans une direction en dehors du champ de force.

— Crois-tu qu’Estelle s’en est sortie ? demanda le colosse à son mari. Notre fille ne peut pas avoir péri… n’est-ce pas ?

— Les jumeaux sont avec elle, répliqua Flint. Elle ne craint rien…

Il essayait de le rassurer, mais c’était lui-même qu’il essayait de convaincre. Jamais de toute sa vie, avait-il connu un moment aussi effrayant ; à part l’invasion des démons à Baldt. Il était stupéfait. Tout était arrivé si vite.

— Cassandra, regarde dans mes yeux et répète après moi, formula Shayne qui se pencha vers sa compagne. Nous allons survivre ! Tu m’entends ? Nous allons survivre. Prends une grande respiration… C’est ça… Nous allons survivre…

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