Le mage allait lui dire quelque chose, mais Scottie se dégagea et sortit de la tente, sans plus attendre. Confus, le maître des eaux se laissa tomber sur son oreiller et maudit les dieux de l’avoir créé ainsi, avec plein d’attirances, d’affections et de défauts. Il replaça une mèche folle derrière son oreille et ferma ses yeux, afin d’essayer de calmer ses pulsions sexuelles.

Il savait désormais qu’il avait une option, celle de sortir avec son meilleur ami. Cependant, il n’avait pas envie de lui faire du mal, comme Luna. La magicienne ne l’aimerait jamais comme il le souhaiterait. Il ne pouvait plus le dénier. Son histoire avec elle n’irait pas plus loin.

Wyatt se tapa le front et lâcha quelques jurons.

— Non mais c’était quoi ce truc, entre nous ? pensa-t-il. Qu’est-ce qui est passé par la tête de Sanders ? Ce n’est pas moi qui a profité de lui, mais lui qui a profité de moi… Je suis confus…

Il leva sa tête vers la sortie de la tente et continua son monologue intérieur :

— Il se fout de ma gueule, c’est ça ? Parce que si c’est le cas, ça a fonctionné. Je suis frustré… Attends que je t’attrape, toi…

Il grogna et retourna son attention vers le plafond constitué d’un tissu opaque. Il espérait que personne ne les avait entendus, puisque cette tente se trouvait tout près de la section réservée à la Septième Brigade. Kylie et Estelle dormaient au bivouac d’à côté, alors qu’en face d’eux se trouvaient les sacs de couchage de Flint, Gabriel et leurs esprits élémentaires.

— Je ne comprends plus rien… Athéna se joue de moi, sûrement, soupira le mage.

Au bout d’un moment, il finit par s’endormir.

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Quand il se réveilla enfin, Wyatt sentit une odeur de saucisses fumées à l’extérieur de sa tente. Gabriel faisait cuire des imitations végétaliennes que les gens du campement avaient préparées, à base de protéines de fèves et de tofu. Ça ne remplaçait pas entièrement les viandes étranges qu’ils fabriquaient avec l’alchimie, mais c’était plus naturel que d’utiliser la magie.

Au grand bonheur de Cassandra, elle venait d’apprendre une nouvelle recette qu’elle comptait préparer souvent sur la route. Même le golem, qui habituellement aimait consommer beaucoup de hot-dogs, trouvait la texture des saucisses intéressante.

Wyatt remarqua que Scottie n’était pas dans les parages, ni sa jumelle. Estelle était assise près de Flint qui dégustait une omelette. À leur grande surprise, lorsqu’ils étaient arrivés à ce village sans nom, ils avaient trouvé un grand poulailler où ils y pouvaient récolter plusieurs œufs par jour.

— Bon matin… bailla le mage.

— Salut, dit Luna, à sa gauche.

Il n’avait pas remarqué que sa collègue de travail revenait d’une cueillette de baies sauvages. Elle était à côté de lui et lui donna un coup de coude dans le bras.

— Dis donc, qu’est-ce que vous avez fait, Scottie et toi ? On vous a entendu jacasser au milieu de la nuit…

— Euh… marmonna le jeune homme, pris au dépourvu.

— T’y vas vite en affaires, coquin.

Elle lui fit un clin d’œil et s’éloigna vers le feu de camp, où Gabriel préparait les saucisses végétaliennes.

— Ce n’est pas ce que… commença Wyatt.

Mais il était trop tard. Elle ne faisait déjà plus attention à lui. La demoiselle ne remarqua même pas l’expression sinistre de son meilleur ami, alors qu’il faisait volte-face pour retourner à l’intérieur de sa tente.

— Ménage-le un peu, s’il te plaît, dit Estelle qui se tourna vers Luna. Ça se fait pas de le larguer comme ça et prétendre que vous êtes toujours bons copains. Je ne sais pas si t’as remarqué, mais il t’aime encore.

— Il va devoir s’habituer, répondit machinalement Luna. Je ne ressens rien pour lui.

L’adolescente observa son interlocutrice alors qu’elle se servait une omelette et des rôties. Elle trouvait injuste que son mentor féminin se comporte ainsi avec son autre professeur de magie. Même si la magicienne était très importante dans ce groupe, Estelle avait envie de lui en coller une.

— Ce n’est pas une raison de le provoquer ! grogna l’apprentie qui se leva d’un bond. Tu n’as pas de cœur !

— Mais je…

La petite blonde lui lança son verre d’eau au visage et s’éloigna du feu de camp, les poings serrés. L’experte des flammes s’essuya avec ses manches. Cassandra lui passa aussitôt un linge ; elle était assise tout près.

— C’est normal qu’elle prenne sa défense, tu sais ? remarqua la guérisseuse. Elle a des sentiments pour lui. Je conçois que ce n’était pas gentil de sa part de t’arroser, mais… je comprends pourquoi elle a agi ainsi.

— Ça va… répondit Luna. Je devais m’y attendre. Après tout, ça faisait plusieurs jours que je planifiais de rompre avec Wyatt. Déjà de retour au camp, il n’arrêtait pas de me harceler avec son affection. J’étouffais.

Flint échangea une expression inquiète avec Gabriel et tourna son visage vers la magicienne. Il avait fini de manger son petit déjeuner.

— Ce n’est pas la première fois que ça t’arrive, n’est-ce pas ? dit-il. Ce n’est pas pour rien que tu t’es récoltée la réputation de Reine des Neiges à Baldt.

— Haha… pour cela, faudrait déjà que l’eau soit ma spécialité.

— Je parlais du conte populaire, mais tu saisis où je veux en venir, n’est-ce pas ?

— Évidemment, je ne suis pas stupide Flint. L’amour et le sexe, ce n’est seulement pas ma tasse de thé, tu vois ? Je préfère étudier la magie et l’enseigner… Plus tard, je m’imagine déjà avec ma propre maison et tout plein de chats. Je veux une vie tranquille. Je n’ai pas envie d’avoir un mari dans les pattes.

Cassandra gloussa.

— Je dois admettre que cette image mentale de ton avenir ne me surprend pas du tout, formula l’elfe. Quant à moi…

Elle baissa sa tête vers son ventre et rougit. Elle ignorait si elle était enceinte ou non. Depuis la nuit merveilleuse qu’elle avait passée avec le vampire, ils n’avaient plus fait l’amour. Le général souhaitait passer des soirées tranquilles en compagnie de sa douce, même si elle avait très envie de lui.

— Je te vois bien en maman, dit Gabriel qui lui servit une saucisse végétalienne. À condition que tu aimes la saucisse autant que l’aubergine.

— Gabriel ! lança Flint, faussement offensé. Comment oses-tu… ?

— Pfft ! Tu sais bien que je plaisante… ou pas…

Cassandra rougit tellement qu’elle s’étouffa avec le morceau de pain qu’elle était en train de mâcher. Elle n’aurait pas été choquée d’entendre ce genre de blague à travers la bouche de Flint ou bien Kylie, mais pas celle du golem.

— Bah… on mange de la saucisse, fallait bien en profiter, rajouta le gros guerrier, qui s’installa sur une chaise pliante.

La magicienne était répugnée par ces mots, car elle venait de comprendre la blague en dernier. Elle ramassa un sandwich aux tomates et s’éloigna afin de retourner dans sa tente. Elle passa devant Nox qui revenait de la chasse, accompagné du tigre blanc. Shayne marchait derrière eux et transportait un filet rempli de poissons qu’il emporta aux cuisiniers du camp. Il s’était porté volontaire, cette nuit-là, en vue de poser quelques appâts dans la rivière, afin de leur apporter un déjeuner. Il avait réussi son coup. Tout cela pourrait nourrir au moins une cinquantaine de personnes. Le campement avait au moins cent cinquante personnes qui cohabitaient ensemble.

Le vampire revint vers Flint et les autres, une fois sa tâche terminée. Le reste des esprits élémentaires ne devraient pas tarder à revenir de leurs recherches personnelles, car eux aussi devaient se nourrir.

— Lucas et Misaki n’étaient pas avec toi ? demanda le capitaine au général. Ils ne sont pas dans leurs tentes.

Shayne fit non de la tête.

— Je les ai vu qui s’entraînaient, dans les plaines, un peu plus tôt, dit-il. Lusso et Éclipse étaient avec ceux. Ils sont probablement en train de bavarder quelque part. Je ne m’en ferais pas, si j’étais vous.

Cassandra était ravie de l’entendre. L’albinos avait tant souffert de sa solitude, pendant ces dernières années… La brunette était soulagée d’apprendre qu’elle s’était rapprochée de Lucas.

— Je me demande s’ils se font des bisous, plaisanta Gabriel.

— Ça m’en a tout l’air… répliqua son mari.

L’elfe les trouvait marrants, mais ricana car il était possible après tout que Misaki soit en train de développer des sentiments amoureux pour Lucas.

— Ah, voilà Dia, remarqua Flint qui vit sa partenaire de combat.

Cette dernière était recouverte de gadoue et était grincheuse. Elle s’assit à côté de son porteur, avec une expression farouche au visage.

— Que t’est-il arrivé, ma pauvre ? demanda le blond. Tu es dans un sale état. Je vais devoir te laver…

— Grrr… bouda celle-ci. C’est la dernière fois que je traque un mulot dans un champ de boue ! Il m’a échappé. En revanche, j’ai trouvé une jolie taupe dodue.

— Tiens, prends un peu de mon omelette, dit son protecteur. Il n’y a rien dedans à part du beurre et un peu de sel.

Il jeta ce qui restait de son plat par terre et elle le dévora rapidement. Elle remua sa longue queue touffue, ce qui révéla à tous qu’elle avait apprécié son repas.

— Va falloir qu’on rassemble tout le monde, continua Flint qui s’adressait aux membres présents de son groupe. Cordelia et ses amis veulent qu’on soit tous près vers midi, afin de tenter notre expérience. D’après elle, c’est l’instant idéal où tout le monde est bien éveillé.

— Il nous reste encore cinq heures à jongler avec, dit Cassandra. Je propose qu’on prépare aussi quelques potions de mana. Ça ne devrait pas prendre beaucoup de temps et j’ai assez d’ingrédients pour en faire une marmite.

— Bonne idée, fit le capitaine. Euh…

Quand il réalisa qu’il avait oublié un détail, il rajouta :

— Quelqu’un pourrait me dire où sont passés les Sanders ?

Personne ne sut répondre à sa question. Les jumeaux n’avaient pas donné signe de vie depuis leur réveil. Tout ce dont Flint se souvenait, c’était qu’il les avait vus rôder près de leurs tentes, vers six heures du matin.

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