85.3 - Charlie et Gabriel

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— Papa est content pour le poisson que tu lui as offert, ajouta Gabriel, qui employa le même ton que le précédent.

— Je ne jouerais pas à ce jeu avec toi.

— Pfft, tu céderas avec le temps.

— Rêve toujours.

Gabriel lui chatouilla les côtes, ce qui fit rire la pauvre bête. Le félin se dégagea alors de ses puissants bras et s’allongea près de son ami. Ensuite, il posa son menton sur l’une de ses jambes. Il se mit à ronronner. Le colosse se contenta de rester là et de lui caresser sa fourrure. Ils restèrent ainsi pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce qu’il se lève pour retourner à la cueillette de baies sauvages. Charlie s’était endormi.

Après leur souper, le golem et le tigre avaient décidé de se promener autour du village fantôme. Les autres avaient été étonnés de voir que l’ours avait encore changé d’apparence. L’aîné des esprits élémentaires avait donc expliqué à sa sœur et son frère qu’ils ne devaient pas s’inquiéter pour lui, car il était en période d’adaptation.

Flint et Luna étaient en train de jouer aux cartes, lorsque le mari du capitaine s’était éloigné de l’église avec le félin. Dia dormait près du capitaine, alors que le phénix éveillé était retourné se percher au sommet de l’immeuble. Kelvin commençait à apprécier de faire le guet pour le groupe. Il se sentait plus utile ainsi.

— Que recherche-t-on, en fait ? demanda Charlie qui tourna son regard vers Gabriel. Je croyais qu’il n’y avait rien d’intéressant là-bas…

— Flint m’a mentionné durant le souper qu’il avait trouvé un sous-sol, en arrière d’un immeuble, avec une porte qu’il ne pouvait pas ouvrir. Je vais aller y jeter un œil. Qui sait ? Peut-être trouverons-nous quelques boites de conserves…

— Avec quoi comptes-tu casser la serrure ?

— Bah, avec mes mains, voyons ! As-tu oublié que je peux détruire un mur en béton si on me fâche ? Pourquoi crois-tu que les ouvriers m’engagent à Baldt ?

— Euh… J’avais oublié ce détail…

Le tigre jeta un coup d’œil derrière lui. Il observait l’église.

— Flint aurait pu se servir de sa magie pour détruire la porte… remarqua-t-il.

— Nan, mon homme n’est pas comme ça. Il n’aime pas se compliquer la vie. Il passe rapidement à autre chose lorsqu’il ne peut pas accomplir certaines tâches.

— Je l’avais remarqué…

Ils tournèrent au coin d’une rue recouverte d’étranges véhicules aux pièces détachées, vestiges d’une autre civilisation. Certains contenaient encore d’étranges objets cylindriques ou bien des contenants à essences. Les roues de ces voitures étaient faites de caoutchouc, contrairement à celles des calèches qui étaient toutes faites de bois ou de métaux solides. Flint et son groupe en avaient croisés un peu partout sur les plaines et aussi sur les routes étranges en béton qu’ils avaient trouvés ici et là.

Il y avait des panneaux avec de grands fils métalliques qui leur faisaient penser au réseau de fils électriques de Baldt, mais ceux-là semblaient avancés. Le seul problème était qu’ils ne produisaient plus d’électricité.

Gabriel ne comprenait pas ce monde et en avait peur. Néanmoins, il se sentait moins seul en présence de son mari et surtout de Charlie.

— Mais qu’est-ce que c’est que cette chose ? dit le tigre, qui aperçut un gigantesque objet métallique, effondré dans les ruines d’un immeuble. Ça ressemble à un oiseau, mais c’est recouvert de fer, on dirait…

— Je l’ignore, mais ça devait sûrement appartenir aux gens qui vivaient ici, répliqua Gabriel. J’imagine que c’était une sorte de véhicule.

— Mais c’est énorme… ça fait trois fois la taille de mon ancien corps de dragon !

— Crois-tu que cette chose est l’une des raisons pour laquelle l’humanité a disparue ? questionna le golem.

— Je n’en sais rien… Il y a tellement de choses qu’on ne sait pas encore. Même Cordelia ne sait pas tout à propos de ces étranges voitures. Elle nous a déjà dit qu’il y a eu une grande guerre, bien des années avant la naissance de ses ancêtres.

— C’est inquiétant… Ce continent me rappelle Lanartis, mais ce n’est pas le même endroit. Il y a tant de choses qui sont différentes ici…

— Si ça se trouve, tout ce que nous mangeons est en fait dangereux pour nous…

Gabriel déglutit et regarda ses mains, elles tremblaient. Combien de champignons et de plantes sauvages avaient-ils mangés dans cette dimension ? Ils n’étaient pas malades, pourtant tout portait à croire que ces terres étaient dangereuses pour l’être humain. Ils avaient vu plusieurs rivières polluées, remplies de crasses et de restes de démons, après tout. Et certaines de ces voitures avaient des traces d’huile séchées qui avaient coulé dans les herbes et même dans les égouts.

—Mmm... nos mages disent tous que ce qu’on a consommé n’est pas toxique, non ? interrogea Gabriel. Je pense que nous devrions leur faire confiance. Estelle et son groupe ne sont pas malades et ils sont ici depuis plus longtemps que nous…

— Peut-être, mais ça n’explique pas pourquoi certaines plantes brillent dans le noir… Soit elles sont remplies de produits chimiques, soit c’est magique. Je ne saurais expliquer, mais je trouve ça louche.

— Je ne savais pas que tu t’y connaissais en sciences.

— J’ai côtoyé des scientifiques pendant de nombreuses années de ma vie. Par contre, je ne sais pas tout. Et la région où nous trouvons m’est inconnue.

Le golem hocha la tête et finit par trouver l’immeuble où son époux était passé, un peu plus tôt. Il retrouva un véhicule renversé près de la porte verrouillée. Ce bâtiment était grand mais il ne semblait pas que les survivants de ce monde y avaient pillés quoi que ce soit, à l’intérieur de celui-ci. Gabriel n’eut aucune difficulté à ouvrir la poignée car il cassa cette dernière d’un mouvement brusque de la main. Ensuite, il entra dans la nouvelle pièce, suivi du tigre.

— On dirait que cet endroit était habité par un jeune homme… fit le félin.

Il y avait des toiles d’araignées partout, mais une vielle boite traînait au sol, avec de la nourriture fossilisée. De nombreuses années s’étaient écoulées depuis qu’une personne avait mis les pieds dans cet endroit. Sur la boite, Gabriel pouvait lire le mot pizza. Il vit un verre en plastique avec une paille, tombée en face du carton. Sur un divan, un vieux squelette recouvert d’insectes avait taché le meuble. Il portait de drôles de vêtements qui s’étaient un peu décomposés avec le temps. Dans l’une de ses mains, il tenait une arme, un flingue.

Gabriel illumina le cadavre un peu plus avec la lampe à huile qu’il avait emporté de l’église et remarqua un trou en arrière du cadavre, dans le divan. Cet inconnu s’était enlevé la vie. Mais pourquoi ?

— Pauvre type… dit le colosse. Qu’est-ce qui a bien pu lui arriver ?

— C’est sûrement l’une des victimes de cette fameuse guerre, suggéra le tigre. D’après mes souvenirs au camp de Cordelia, quand ça a commencé, plusieurs personnes ont préféré se tuer, plutôt que d’affronter les démons et s’enrôler dans l’armée. Je n’approuve pas vraiment leurs gestes, mais bon… Le désespoir a provoqué tout ça. C’est possible qu’il ait tout perdu et qu’il ait simplement décidé d’en finir avec sa vie. Nous aurons peut-être plus de réponses en fouillant…

Le golem approuva d’un signe de tête. Il remarqua que des lianes et des spores avaient pénétré à travers quelques fenêtres ouvertes de quelques centimètres. Des plantes avaient commencé à pousser à l’intérieur de ces sous-sols, mais avaient fini par mourir. La nature n’avait pas réussi à détruire ces ruines, complètement.

Le gros guerrier remarqua une étrange boite en plastique avec une vitre étrange. Il y avait un fil électrique, ou du moins, c’était ce qu’il croyait être un fil électrique, relié à celle-ci, puis au mur. Il y avait un bouton sur cette boîte où c’était écrit « ON/OFF ». Il appuya sur ce dernier. Rien. Il ne se passa rien.

— C’est très étrange comme dispositif… se dit Gabriel. Je me demande bien à quoi ça pouvait servir. C’est relié à une autre boîte noire... Il y a une étrange petite fente et plein de boutons… Leur technologie était beaucoup plus avancée que la nôtre. Et c’est quoi ces étranges disques ? Ils sont plus petits que ceux de chez nous…

— Encore un mystère que nous ne comprendrons jamais, soupira le tigre. Mais bon, il doit sûrement y avoir des trucs que nous pourrions ramener au camp.

— Mouais. Mais mon petit doigt me dit que nous ne devrions pas compter sur la nourriture. Les gens ne visitent que les endroits ouverts et non verrouillés.

L’homme et le tigre explorèrent la pièce de fond en comble. Ils y trouvèrent un réfrigérateur, au moins quelque chose que Gabriel reconnaissait. Ce dernier était complètement vide, à part une bouteille d’eau en plastique.

— J’ai l’impression que ces personnes avaient une vie plus avancée que la nôtre… remarqua le colosse pour lui-même. Luna et Wyatt se feraient une joie de découvrir cet endroit, eux qui sont fascinés par l’histoire.

— Et pourtant, ça ne semble pas autant évolué que votre existence, dans votre monde. Ta vie à Baldt, par exemple, est moderne, contrairement à ce qu’on voit à Lanartis. Vous avez de l’électricité, de l’eau filtrée et plus encore. Donnez-vous quelques années et vous aurez sûrement de meilleurs moyens d’améliorer vos vies.

— Tu as dû en voir des choses, au cours de ta longue existence…

— Des révolutions comme des guerres, puis des inventions à n’en plus finir. Vous vivez tous dans une période magnifique, d’après moi.

Le guerrier sourit, puis monta des escaliers, ce qui l’emmena au rez-de-chaussée. Il vit un salon plus ou moins similaire au sous-sol. Il y avait d’autres escaliers qui menaient à une cuisine et un petit hall menant à la porte de l’entrée principale. Il comptait déverrouiller celle-là avant de sortir.

— Eh, mais ce sont des photos de familles, ça… remarqua Gabriel en s’avançant vers le salon. Voyons à quoi pouvaient bien ressembler ces gens…

Il posa sa lampe à huile sur une table en vitre et essuya un vieux cadre avait de soulever la source de lumière vers celui-ci. Ce qu’il vit lui glaça le sang. Sur cette photo, il y avait un homme et une femme, ainsi que leur enfant. Le père attira son attention. Grand, gros. Il portait une chemise avec des fleurs et avait une coupe de cheveux différente… Mais cet individu, c’était lui tout craché.

Il échappa le cadre par terre, la vitre se brisa. Quelles étaient les chances pour que ça se produise ? Il était bouche-bée, alors que le tigre examinait ce qui avait provoqué le malaise de son ami. Mais où Gabriel Markios venait-il d’entrer et qui était cet homme, sur cette photo ? Il ne comprenait plus rien.

Il ramassa la photo en vitesse et descendit les escaliers en courant.

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