84.2 - Métamorphoses

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L’énorme bête se leva sur ses pattes arrière et observa ses grosses pattes poilues. Debout, il dépassait son porteur d’une tête. Les autres avaient l’air de minuscules insectes, à ses yeux. Il se reposa par terre, ce qui provoqua une légère secousse sous ses pieds. Sans le savoir, il avait changé. Il lui vint rapidement une démangeaison au niveau de l’oreille droite. Il se pencha d’un côté et utilisa sa grosse patte arrière pour se gratter. Il baissa son regard vers son ventre, gros et aussi poilu que ses pattes. Il soupira. S’il devait passer le reste de sa nouvelle existence ainsi, il n’avait pas le choix de s’y habituer. Après tout, son cœur en avait décidé ainsi…

— Il faut croire que Giotto ne te convient plus comme prénom, constata Gabriel. Comment doit-on t’appeler désormais ?

— Je ne sais pas… pourrais-tu m’en trouver un ? suggéra l’ursidé. Puisque tu es mon porteur, je crois que ça serait mieux comme ça.

— Charlie ! dit Gabriel qui sautilla sur place. Je veux t’appeler Charlie !

— Pourquoi ce prénom, en fait ? demanda Luna, intriguée.

— Disons que c’est le nom que je souhaitais offrir à mon premier fils…

— Mmm… J’aime bien ce prénom, dit l’ours. Très bien. J’accepte. Vous pouvez désormais m’appeler Charlie. Enchanté de faire votre connaissance.

— Bienvenue mon nounours ! s’exclama le golem.

Il chatouilla l’une des côtes de celui-ci, ce qui le fit tomber. Charlie avait hérité de ce trait de son porteur. Ensuite, le colosse lui fit un énorme câlin. La pauvre bête poussa un soupir. Ce ne serait pas la dernière fois que Gabriel le prendrait pour une grosse peluche. Il commençait déjà à regretter cette nouvelle apparence.

— Franchement… dit Luna qui secoua la tête.

— Il est à qui mon ours polaiiiiire ?! couina Gabriel qui bécota la tête de son partenaire de combat. Oh, t’es tout mignon !

— Je ne suis pas jaloux du tout, mentit Flint, qui cligna des yeux deux fois.

Lorsque le golem se calma, il se releva et l’ours redevint une hache dans son dos. Gabriel s’approcha de son mari qui le regardait d’un drôle d’air, puis rougit timidement. Le capitaine préféra ne rien ajouter. Ils reprirent simplement la route et continuèrent leurs recherches.

Au beau milieu d’un combat contre un ogre, Gabriel avait lancé son arme en plein dans le visage du monstre et assommé ce dernier. Il ramassa alors la hache, recouverte de sang et se passa un doigt sous le nez. Le capitaine aidait Luna à se relever. Voilà plus d’une demi-heure qu’ils fouillaient les bâtiments abandonnés qu’ils trouvaient à force de marcher. Parfois, ils croisaient plusieurs monstres, d’autres fois, ils trouvaient des créatures de grandes tailles contre lesquelles Charlie se mesurait.

— J’ai failli perdre un bras, râla la magicienne.

— Est-ce moi ou bien ils deviennent de plus en plus puissants, ces monstres ? questionna la louve.

— Je n’en sais rien, mais nous sommes sur un territoire ennemi. Il vaudrait mieux pour nous de ne pas rester ici plus longtemps. Bougeons.

Charlie reprit sa forme animale. L’ours marchait à côté de son porteur, tandis qu’il essayait de comprendre comment son nouveau corps fonctionnait. Celui-ci se sentait mieux, sous cette apparence. Par contre, il regrettait d’avoir perdu ses ailes. La nouvelle force qu’il avait acquise dans ses pattes lui plaisait. Il arrivait toujours à lancer des attaques magiques avec sa gueule, mais ce n’était plus des flammes, mais d’étranges sphères argentées qui flottaient dans les airs.

— Est-ce que ça arrive souvent, ces métamorphoses étranges ? demanda Flint aux esprits.

Ce fut l’ours polaire qui répondit.

— Habituellement, tous les esprits élémentaires changent de forme selon leur volonté. Moi, par contre, j’ai toujours préféré le corps d’un dragon, jusqu’à ce que je choisisse Riordan. Il n’a jamais apprécié le fait de servir notre famille jusqu’à ce qu’il devienne mon hôte. J’ai vite compris en synchronisant avec Gabriel qu’un changement serait nécessaire pour nous, afin d’être plus à notre aise. Je crois que notre ami ici présent m’a inspiré cette apparence…

Il pointa le golem d’un signe de tête.

— Je peux toujours retourner à ma forme de dragon, pour les déplacements aériens, mais je crois que je préfère cette forme pour marcher… poursuivit-il. C’est beaucoup mieux comme ça. Notre âme est plus… reposée, pour ainsi dire.

Le blond fronça des sourcils et observa Dia.

— Et toi ? commenta celui-ci. Est-ce dans tes facultés de te changer en une autre créature ou bien tu préfères demeurer une louve ?

— J’aime mon identité actuelle, répondit-t-elle. Ça me convient parfaitement. Et puis m’imaginerais-tu autrement qu’avec cette jolie bouille ?

Elle pencha la tête d’un côté, curieuse de voir sa réaction.

— En même temps, ça ne devrait même pas m’étonner parce que vous vous transformez en armes avec tellement de facilité… remarqua son interlocuteur.

— Bah voilà ! ajouta la louve. Nous, les esprits élémentaires, nous sommes essentiellement du mana condensé et nous prenons les formes les plus appropriées pour représenter qui nous sommes et ce que nous souhaitons accomplir. Moi j’ai toujours adoré les loups, d’aussi loin que je m’en souvienne… Mon âme a trouvé une meute, lors de mon dernier processus de réincarnation, et j’ai décidé de devenir l’une des leurs. Je n’ai jamais changé de corps, depuis.

— J’avoue que ça me manquerait de te prendre dans mes bras, sous cette forme, lui informa le colosse. J’ai bien aimé que tu joues le rôle de notre chienne, ces derniers temps. Ça changeait un peu de notre routine…

Dia gloussa alors que Flint lança un coup d’œil rapide vers l’ours.

— Ah ouais, pendant que j’y pense, comment se fait-il que tu sois capable de devenir si petit et si grand ? Est-ce le même principe que vos transformations ?

— Oui, répondit ce dernier. Par conséquent, Dia serait capable de prendre la taille d’un cheval, si elle le désirait. Ça demande beaucoup de pratique et de patience de notre part, car ce n’est pas tous les esprits élémentaires qui y arrivent.

La seule réaction qui sortit du capitaine, sur le coup, fût :

— Il faut que je voie ça !

— Hein ? s’indigna la louve. Mais je ne suis pas une jument…

— S’il te plaît… ?

Le blond se pencha vers son animal de compagnie et lui fit les yeux doux. Au bout d’une trentaine de secondes, Dia afficha un air de défaite et s’éloigna un peu du groupe. Son corps s’illumina tranquillement et elle devint plus grande et plus large, comme l’avait prédit l’ours polaire. Elle avait atteint la taille d’une jument de taille moyenne. Épaté, Flint s’approcha d’elle et lui caressa la nuque.

— Est-ce que je peux… ? demanda-t-il.

La monture improvisée souffla des narines et hocha la tête. Elle n’appréciait guère de se faire traiter en cheval. Elle se pencha et Flint grimpa sur son dos.

— C’est… trop… COOL ! déclara celui-ci. Ta fourrure est si douce en plus… Je vis un rêve… Oulalah… Dia, j’adore ce tour de magie !

— Content que ça te plaise, soupira-t-elle. Parce que je trouve ça humiliant…

Le capitaine comprenait enfin pourquoi Gabriel avait réagi comme il avait fait à la nouvelle apparence de Charlie. C’était comme s’il redécouvrait Dia pour la toute première fois. Il se pencha vers l’avant et enfouit son visage dans la fourrure de la louve. Il entoura sa nuque de ses bras. Elle fit quelque pas et se tourna vers le reste du groupe. Ensuite, la louve baissa son arrière-train, ce qui força le blond à la lâcher et retrouver la surface recouverte de cailloux. Il embrassa quand même le bout du museau de sa partenaire et lui caressa la tête.

— Merci pour ce privilège, ma belle, dit-il.

— Ne le répétez pas aux autres, grogna-t-elle entre ses crocs.

— Compris, s’exclama la magicienne.

Le golem approuva en silence et l’ours fit de même. Pendant ce temps, Dia reprenait sa taille normale. Flint réalisa qu’il avait probablement été trop cruel envers elle et se sentit mal. Pour se faire pardonner, il lui cuirait un bon poisson pour le souper. Il sortit de son sac de voyage, la dernière croquette spéciale qu’il avait préparée, il y avait quelques jours de cela. C’était une vieille recette qu’il avait appris à Alba. L’aubergiste avait eu des chiens, à une certaine époque et ils avaient tous aimé tous cette gâterie. Par pure coïncidence, Dia en raffolait aussi.

— Oh ! Tu sais comment plaire aux dames, toi, dit-elle en reniflant la préparation à base de poulet et de légumes.

— Malheureusement, c’est la dernière. Nous ne pourrons pas t’en préparer avant de retourner sur Aeglys.

— Pas grave, j’ai tout mon temps.

Elle dévora la croquette en deux bouchées.

Luna se pencha vers le cadavre de l’ogre qu’ils avaient tué, quelques minutes plus tôt et l’examina de plus près. Une sphère lumineuse l’éclairait depuis tout ce temps. Elle écrivait des notes dans son carnet, tranquillement. Toutes les informations qu’elle apprenait, finissaient dans celui-ci. C’était le deuxième carnet qu’elle avait commencé, depuis le début du voyage. Elle possédait une pile de notes, qu’elle avait ramassées de la même façon. Sa collection était rangée dans un tiroir du bureau de sa chambre. Un jour, elle comptait mettre à jour les encyclopédies de Baldt. Pour le moment, elle collectait des données.

— Il n’a pas de marque comme la plupart des autres monstres qu’on a croisés… remarqua-t-elle. Étrange…

— Une marque ? Quelle marque ? demanda Flint.

La magicienne se tourna vers son supérieur et dit :

— Vous n’avez pas remarqué ? Les monstres du comité d’accueil de l’autre jour avaient tous des papillons étampés à quelques endroits sur leurs corps.

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