72.2 - L'anniversaire du golem

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— Ce n’est pas pour ça que je veux que tu m’accompagnes… J’aimerais qu’on soit seules pour discuter d’un truc qui ne concerne pas tout le monde.

— Ah, je vois…

Cassandra se demandait ce que sa meilleure amie leur cachait, mais préféra ne pas se mêler à cette conversation. Ils seraient donc coincés à Alba pour au moins une autre journée. La brunette se dit qu’il était temps pour elle d’emmener de la nourriture en purée, dans la chambre de Flint et Gabriel.

Ce matin-là, c’était à son tour de faire manger leur capitaine. Elle avait trouvé une bonne technique pour lui faire avaler ses aliments. Lorsqu’il s’étouffait, elle employait un sortilège mineur de vent dans sa bouche, afin de déboucher ses voies respiratoires. Elle avait songé à l’intuber, mais elle n’avait pas le matériel nécessaire. Il serait mieux pour lui de se retrouver dans un hôpital. Malheureusement, il n’y en avait pas à ce village. La guérisseuse devait donc improviser avec ses propres moyens.

Flint reprenait des couleurs, mais son sommeil profond commençait à les inquiéter tous. Cassandra espérait qu’il n’aurait rien de grave à son réveil. Elle avait connu pire comme patient. Une fois, elle avait soigné un brigadier qui avait subi un traumatisme crânien. Il avait dormi pour une semaine, sous intraveineuses et ce fut après la chirurgie qui lui avait sauvé la vie.

Cassandra ne savait pas comment guérir les maux des gens autrement qu’avec la magie, mais elle avait récemment commencé à apprendre comment recoudre certaines blessures avec des points de sutures et demandait souvent aux docteurs et infirmiers si elle pouvait participer aux blocs opératoires, en tant que spectatrice ou bien assistante. Les guérisseurs comme elle, étaient souvent employés pour stabiliser l’état des patients. Quand elle n’était pas occupée, on l’embauchait pour refermer les blessures avec sa magie.

Plus le temps avançait, plus elle souhaitait apprendre de nouvelles façons de soigner les gens. Toutefois, elle était aussi douée pour résoudre des problèmes reliés aux enquêtes et à tout ce qui lui demandait un bon sens de l’observation. Elle ignorait si elle devait retourner aux études ou bien continuer à travailler auprès de ses amis. Au moins, elle avait pris quelques cours de premiers soins avec les autres brigadiers et savait comment réanimer une personne par le bouche-à-bouche, en plus de l’habituelle pression forte et rapide sur leurs voies respiratoires.

— La soupe de votre ami est prête, Mademoiselle Appleseed ! lança l’aubergiste à travers le comptoir de l’entrée.

C’était une petite femme ronde, aux cheveux roux qu’elle portait en chignon. Elle portait des lunettes. Son mari travaillait comme réceptionniste et se trouvait parfois derrière le bar où il servait des bières à ses clients. L’auberge était plutôt calme, ce matin-là, mais les membres de la Septième Brigade y mettaient un peu de vie.

— J’arrive tout de suite, madame ! répondit Cassandra qui se leva de son siège.

— Profites-en pour dire à Gabriel de descendre déjeuner, ajouta Luna. Il faut qu’il sorte de cette chambre. Ce n’est pas bon pour lui d’être toujours enfermé.

Cassandra hocha la tête et apporta le plateau avec elle. Le mari de l’aubergiste avait même mis un compte-gouttes afin de l’aider à faire boire son ami. Ça aurait été plus facile pour eux de faire boire Flint par un adepte de l’eau comme Wyatt, mais puisqu’il n’était pas avec eux, ils n’avaient pas le choix de le nourrir à la vieille méthode. La soupe était froide, à la demande du groupe. Personne ne voulait pas prendre le risque d’ébouillanter la gorge du capitaine.

Pendant que Cassandra montait les escaliers, elle entendit des bruits au fond du couloir. Gabriel semblait agité. Elle pressa un peu le pas et lorsqu’elle arriva à la porte de chambre, elle l’entendit pleurer. Rapidement, elle ouvrit la porte, inquiète que quelque chose d’horrible se soit passé. À sa grande surprise, Flint était réveillé et se faisait enlacer par son mari qui ne pouvait arrêter de gémir, sous l’émotion.

— Bon retour parmi les vivants, soupira-t-elle. Tu nous as fait peur, andouille.

— Ah bon ? J’ai dormi combien de temps… ? demanda celui-ci, déboussolé.

— Trois jours entiers !

— Oh put— !

Il recouvrit sa bouche pour ne pas dire un mot grossier. Ce geste avait été si vite qu’il se sentait étourdit. Il empoigna les bras de Gabriel afin de ne pas tomber en bas du lit.

— Peux-tu m’aider à m’allonger, s’il te plaît ? formula-t-il à ce dernier.

— Tout de suite, chéri…

Il l’aida tandis que Cassandra déposait le plateau sur le bureau de la chambre. Ensuite, elle s’approcha du lit, s’installa à côté de lui et prit sa température.

— Tu ne fais plus de fièvre, c’est bon signe, dit-elle. Ta blessure est refermée, on détecte une enflure, mais je crois que les herbes qu’on a injectées à l’oral ont aidés à ta guérison.

— Vous m’avez fait manger des trucs ? s’exprima ce dernier, incrédule.

— Il le fallait bien, sinon on allait te perdre, grogna son époux.

Flint se sentait embêté par cette nouvelle. Il s’en voulait d’avoir perdu connaissance si longtemps. Au moins, il remarqua qu’il était tout propre et qu’on lui avait même changé ses vêtements. Il ne le savait pas encore, mais Gabriel l’avait nettoyé tous les jours. Il sentait même la vanille, une odeur qu’il aimait bien. Il n’osait pas leur demander comment ils avaient géré les… dégâts gênants.

— Que s’est-il passé, au juste ? interrogea Cassandra. C’est la première fois que ça t’arrive, non ? On croyait que t’allais mourir…

Il vit qu’elle était larmoyante, mais elle s’essuya rapidement les yeux. Elle s’était beaucoup attachée à son groupe, au point qu’elle ne pouvait pas supporter l’idée de perdre l’un d’entre eux. La mort de son premier capitaine l’avait grandement affectée. Elle se sentait coupable de ne pas avoir été assez puissante pour le soigner. Cependant, elle savait aussi que toute la magie du monde n’aurait pas été suffisante pour ramener tous le sang qu’il avait perdu lors de ce combat.

— Désolé, déclara Flint. Je crois qu’exorciser le dragon a provoqué un épuisement psychologique et physique… Je ne ressentais rien de plus que de la fatigue.

— Dans ce cas, ça veut dire que tu n’es toujours pas habitué à tes pouvoirs, dit une voix qu’il ne reconnut pas.

Il leva son regard vers un petit dragon argenté qui s’était posé sur l’épaule gauche de son mari. Gabriel lui caressait la nuque. Flint préféra ne pas se poser de question sur le changement de taille de Giotto, ni pourquoi il s’était lié d’amitié avec son partenaire de vie. Il cligna des yeux et répondit :

— Je vois où tu veux en venir.

Le petit reptile hocha la tête avant de poursuivre :

— Je te suggère que tu prennes ton entraînement à la magie plus au sérieux. Je sais que ce n’est pas ma place de te dire quoi faire, mais Luna et Shayne m’ont mentionné que tu es l’un des seuls dans la Septième Brigade qui a beaucoup de difficulté à lancer des sorts, en plus de Mademoiselle Megumi. Si tu veux développer ton plein potentiel d’ange, il te faudra passer plus de temps avec les mages.

Flint n’était pas du tout enchanté que le dragon lui dise ce genre de chose. Il avait l’impression qu’on le menait à la baguette. Il ne se laisserait pas faire. Avant qu’il ne puisse répondre quoi que ce soit, Giotto l’interrompit :

— Ce n’est pas nécessaire de me demander de me taire. J’ai déjà sondé l’esprit de ton mari assez souvent pour savoir qu’il ne faut pas te contrarier. Néanmoins, il est désormais mon porteur et nous allons cohabiter pour les semaines à venir… et peut-être plus. Tu es le chef de ce groupe, donc il est normal parfois que tu ne puisses pas réfléchir à tous ces petits détails qui pourraient t’être inutiles. Si jamais il te venait l’envie, nous pourrions avoir des conversations, toi et moi.

— Ça aiderait si tu me laisserais la chance de parler, hein ? lui reprocha le blond.

— Je suis désolé, je ne voulais pas t’offenser… Cependant, tu as devant toi l’un des plus vieux esprits élémentaires de ce monde. Avec l’âge vient beaucoup de sagesse…

— J’en ai que faire de tes conseils. Si tu veux me parler dorénavant, je te suggère d’employer un ton différent. Je te trouve vachement hautain et arrogant.

Le dragon allait ouvrir la gueule pour lui répondre mais il se tut.

— Tout d’abord, avant de me donner des conseils, il faudrait d’abord qu’on se connaisse, reprit le capitaine. Je ne sais rien de toi, tu n’es pas mon ami. Je m’en fous honnêtement de ce qui a pu te passer par la tête, mais tu ne m’impressionnes pas du tout. Tu me parles de la même façon qu’un de ces trous de culs qui travaille pour le Conseil de ma ville natale. Je n’aime pas ces gens qui se pensent supérieurs aux autres et qui se croient si sympathiques, sous prétexte qu’ils ont beaucoup de connaissances. Ils croient que ça leur donne le droit de répandre leur sagesse, mais ne se rendent pas compte qu’on ne leur a rien demandé.

Gabriel était blanc comme un drap et se recouvrit le visage de honte. Cassandra était bouche bée. Giotto avait compris que Flint avait mal interprété sa bienveillance pour une critique déplacée. Il déploya ses ailes et bondit en direction de la fenêtre.

— Où vas-tu ? demanda le golem qui remarqua le geste de son esprit élémentaire.

— Me changer les idées sur le toit, fit ce dernier.

— Mais… Giotto…

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