59.2 - La crise d'Estelle

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Le vaste terrain de la ferme qui avait appartenu aux Doyle, était désormais rempli de bâtiments. On avait dû repousser les limites du terrain et reconstruire le mur, afin d’agrandir les terres du nouveau propriétaire.

— Je suis quand même étonné que le taux de criminalité n’ait pas autant augmenté que je l’aurais imaginé, affirma Gabriel.

— Mon père a haussé le nombre de patrouilleurs, répondit Flint. On dirait bien que tout baigne, de ce côté-là.

— P… par contre, le nombre des b… brigadiers augmente chaque m… mois et il y a peu de gens qualifiés pour gérer u… une équipe, rétorqua nerveusement Scottie.

Flint posa son bol de soupe devant lui et se tourna vers le jeune homme. Il se frotta la bouche et fronça des sourcils.

— Au fait… Je me demandais, est-ce normal que tu bégaies autant ? demanda le capitaine. Tu sais qu’on ne te fera pas de mal, dans cette brigade, n’est-ce pas ?

— Mm hmm… couina le jumeau qui hocha la tête.

— Il est très timide avec les étrangers, leur informa sa sœur. Enfin, j’dis ça et on vous voit souvent en ville. C’est juste qu’il parle très peu à qui que ce soit, sauf si c’est par nécéssité. Laissez-lui un peu de temps et il aura moins peur.

— J… je ne suis v… vraiment pas d… d… doué avec les gens, ajouta Scottie.

Celui-ci était si timide qu’il blanchissait comme un drap. Gabriel prit pitié de lui.

— J’ai été comme ça, à une certaine époque de ma vie, expliqua le golem. J’étais tellement nerveux avec les inconnus que je bégayais moi aussi.

— P… pourtant ce n’est pas l’impression que v… vous me donniez… fit son interlocuteur. V… vous avez l’air si à l’aise…

— Ça, c’est parce que je l’ai aidé, mentionna Flint avec fierté.

Il se mit à gratter la barbe du colosse, comme un gros toutou. Le gros golem gloussa et rougit timidement.

Kylie opta pour ne rien dire et retourna son attention dans son bol de soupe. Ce genre d’affection publique n’était pas pour elle. Elle était plutôt du genre à passer à l’acte, dans un endroit privé. Ça la gênait beaucoup lorsqu’elle voyait d’autres couples s’afficher ainsi, près des autres. Son frère ne semblait pas s’en plaindre, même qu’il appréciait la vue. Il trouvait Flint charmant et Gabriel tout aussi mignon.

Pendent les minutes qui suivirent, les couple fit davantage connaissance avec les jumeaux. Au loin, Cassandra venait de rattraper Estelle, à dos de cheval.

— Qu’est-ce que tu veux ? lâcha la petite blonde qui se tourna vers l’elfe.

Cassandra descendit du cheval et s’approcha de la brigadière devant elle.

— Estelle, ma chère… commença-t-elle.

Elle lui donna la gifle la plus forte qu’elle ait pu sortir de son corps.

— MAIS QU’EST-CE QUI TE PREND !? hurla l’adolescente.

— Non, toi qu’est-ce qui te prend ?! reprit l’elfe. C’est quoi ton problème ? Pourquoi tu manques autant de professionnalisme aussitôt que Kylie rentre dans le portrait ?

— Ce n’est pas de tes affaires !

Elle était en pleurs et se serrait la joue, répugnée par l’humiliation qu’elle venait de ressentir.

— Oh si, ça l’est. Tu es ma coéquipière et tu as signé des papiers stipulant que tu remets ta vie entre les mains de tes collègues de travail. Nous devons tous nous entraider dans cette équipe et apprendre à communiquer, sinon nous risquons beaucoup de dangers !

— Je n’ai aucune envie de travailler avec elle ! insista Estelle. Je la déteste !

— Mais qu’est-ce qu’elle t’a fait, bon sang !?

Rares étaient les gens qui arrivaient à faire perdre patience à Cassandra. Cependant, elle ne pouvait pas endurer que les gens manquent de respect envers ses homologues. Elle devait tenir le cheval par la nuque pour l’empêcher de bouger, puisqu’il n’avait pas de harnais. Elle l’avait enlevé un peu plus tôt, afin de qu’il soit un peu plus confortable.

— Estelle, si tu ne parles pas, on ne pourra pas te comprendre… continua-t-elle. Il vaut mieux que tu parles maintenant, sinon je vais être obligé d’en parler à tes parents et ils vont devoir t’éjecter de la Septième Brigade. Est-ce vraiment ce que tu souhaites ?

— Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, brailla l’adolescente. Je ne veux pas travailler avec cette folle ! Elle me fait peur ! Je veux qu’elle disparaisse !

— Mais bon sang, Estelle, qu’est-ce qu’elle t’a fait pour te mettre dans un état pareil ? Elle ne t’a tout de même pas violée ou quoi !?

La petite blonde secoua sa tête et se mit à pleurer de plus belle.

— Alors quoi !? soupira la soigneuse. S’il te plaît, dis-moi ce qui ne va pas… Je ne peux pas comprendre ce qui se passe dans ta tête…

Elle commençait à se décourager, elle ne pouvait pas supporter de voir la petite souffrir ainsi, mais en même temps, cette gifle avait été nécessaire pour lui remettre les idées en place. Elle n’aimait pas faire sa violente, mais même elle avait ses limites.

Estelle s’agenouilla et recouvrit ses oreilles, elle ne voulait plus rien entendre. Elle entrait dans une sorte de régression. L’elfe poussa un soupir et se gratta la tête.

Ne la gifle pas, ne la gifle pas, ne la gifle pas… se répétait Cassandra, mentalement. Par tous les esprits, elle va me rendre folle avec son entêtement !

— Dégaaaaage, se plaignit l’adolescente. Laisse-moi tranquille !

— Je ne partirais pas avant d’avoir une réponse, répondit sa collègue, qui haussa le ton. Et puis quoi encore ? As-tu sincèrement l’intention de partir seule à Baldt, quand tu sais qu’il y a des tonnes de monstres qui nous entourent ? Tu y as réfléchi à ça ?

— Mêle-toi de tes affaires !

Le cheval fini par se débattre, l’adolescente le rendait mal à l’aise. Il se dégagea rapidement de Cassandra et prit la fuite, non sans hennir de colère. L’elfe observa l’animal s’éloigner à une vitesse hallucinante et leva ensuite son visage vers le ciel.

Pitié, achevez-moi, quelqu’un… pensa celle-ci.

Estelle profita de cette distraction pour prendre la fuite. Elle ne finit pas sa course, car Cassandra la rattrapa en quelques secondes. L’elfe était beaucoup plus rapide.

— C’est clair qu’elle t’a traumatisé avec quelque chose, expliqua-t-elle. Je ne sais pas c’est quoi, mais ça t’empêche de coopérer. Je veux simplement savoir, était-ce quelque chose d’illégal que tes pères et moi, on devrait savoir ?

Estelle fit non de la tête. Elle se calma et prit une grande respiration. Aussi, elle tremblait, apeurée. Il y avait des choses dont elle avait été témoin et les répéter ici rendrait les choses très embarrassantes pour tout le monde.

Non, mais vas-tu aboutir ? supplia l’elfe mentalement, qui espérait que la demoiselle lui explique tout.

Ce fut à cet instant qu’Estelle essuya ses larmes.

— Je prenais ma douche… l’autre jour… commença celle-ci. Et elle était dans un autre compartiment… C’était au centre d’entraînements, tu vois ? Je l’entendais gémir et j’avais peur qui lui soit arrivée quelque chose… J’ai voulu aller voir ce qui n’allait pas…

— Minute, tu es sortie de ta douche, sans même te rhabiller ?

L’adolescente hocha la tête, et continua son récit.

— Je pensais qu’elle faisait une crise cardiaque, mais en fait, elle se… J’ai cogné à sa porte et j’ai demandé si tout allait bien… Et… et… je vais être malade…

— Allons, elle n’était quand même pas en train d’invoquer un démon que je sache… Sinon ça serait vu, non ? dit Cassandra qui ne comprenait pas du tout où Estelle voulait en venir.

— La porte n’était même pas verrouillée… Elle avait ses mains… sous le niveau de la ceinture et… se touchait… les parties intimes…

— Oh… fit l’elfe, dont le visage pris aussitôt une expression plus sérieuse.

— Je ne suis pas idiote, répliqua Estelle. Je sais que la plupart des femmes le font, mais… Ça m’a choqué… Elle aurait pu au moins verrouiller sa putain de porte !

— Ma pauvre Estelle… tu as grandi trop vite, soupira Cassandra. Et dire qu’il y a quatre ans, tu jouais encore à la poupée… Je comprends parfaitement ta peine. Moi aussi j’aurais ressentis ce genre de dégoût, si ça m’était arrivé…

L’adolescente hocha la tête.

— Grandir, c’est chiant… renifla celle-ci. Je découvre à chaque jour de nouvelles choses qui me terrifient en tant que future jeune femme… Déjà j’ai commencé à saigner, il y a trois ans et mes parents ne pouvaient pas m’aider avec ça… Et maintenant j’ai deux bosses qui me poussent au-dessus du ventre… et j’ai des poils à des endroits dont je ne veux même pas mentionner, tellement ça me répugne ! Plus le temps passe, plus j’ai peur de finir comme Papa Gabriel. Je déteste ce qui m’arrive !

Elle se prit le cou et se pencha vers l’avant, écœurée.

— Mon corps me dégoûte ! grogna celle-ci. J’aurais préféré rester une gamine !

— Toutes les femmes passent par là, Estelle, dit l’elfe. Tu es deviendra bientôt une adulte… C’est l’une des plus belles choses au monde… Un jour, si tu le souhaites, tu pourras même avoir un enfant…

— Non, non, non, non ! insista l’adolescente. Je ne finirais pas comme la plupart de mes amies qui finissent enceinte avant vingt ans !

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