56.3 - L'ambassadeur d'Archenwald

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— Que proposent-ils alors ? demanda le capitaine qui cligna des yeux.

— Ils comptent envoyer de l’aide pour restaurer vos villes et reconstruire les villages portuaires. Lanartis a autant besoin de votre poisson, que vous de nos matières premières. Je vais m’arranger avec le Conseil, une fois que je serais de retour à Baldt. L’essentiel est que nous puissions rétablir les liens entre les deux nations ; c’est pourquoi je suis ici, en tant qu’intermédiaire.

— Eh bah ça alors…

Lucas hocha la tête et gloussa. Flint de son côté offrit à son frère de l’emmener au reste du groupe, qui devait l’accompagner à Baldt. Ils entrèrent donc dans la taverne pour ramasser les affaires de l’ambassadeur, puis ressortirent par la porte d’entrée.

Alors qu’ils s’approchaient des autres, Luna et Cassandra étaient indifférentes à Lucas, bien que soucieuses. Gabriel, quant à lui, était déjà sous le choc lorsqu’il vit cet individu, cet homme qui ressemblait à son mari. Rapidement, le colosse reconnut l’ambassadeur qui le saluait de façon familière. Le blond au chapeau à plume, fit le salut militaire, comme il le faisait souvent pour saluer les soldats d’Archenwald.

Gabriel ressentit un frisson alors que cette personne s’approchait. Ce n’était ni Kyran, ni Sarah… mais le quatrième enfant qu’il avait élevé. Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’il réalisa cela.

— J’ai l’impression de voir un fantôme, dit-il.

— Bah, c’est le cas de le dire. Gwen est morte, déclara Lucas, sarcastiquement. Je suis né de ses cendres. Je me présente, Lucas Markios.

L’ambassadeur se tourna alors vers Cassandra et Luna, et leur fit un petit clin d’œil. Il s’inclina ensuite, poliment.

— Mesdames, dit-il, avant de baisser son chapeau à plume sur son torse. Enchanté de faire votre connaissance.

Gabriel était bouche bée. Il ressentait déjà des larmes couler le long de ses joues, lui qui avait tant espéré revoir Gwen, depuis sa disparition.

Flint riait nerveusement, de son côté, parce qu’il trouvait cette situation très embarrassante pour son frère. Quant aux dames, celles-ci s’échangèrent un regard étonné avant de retourner leur attention vers l’ambassadeur.

— Bonté divine, c’est donc toi… dit Cassandra qui s’approcha lentement.

— Non, mais je rêve, on dirait le portrait craché de Flint, dit Gabriel, de plus en plus larmoyant. Oh ma puce, tu m’as tellement manqué !

— Mais t’as vu ses vêtements ?! constata Luna. La classe ! Il est tellement stylé !

— Hé ho, il y a assez de moi pour tout le monde, pas besoin de vous presser, bouda Lucas qui fronça des sourcils.

Gabriel, Cassandra et Luna reculèrent aussitôt, tous trois gênés par leur comportement. Le colosse s’excusa en premier, même s’il était fasciné par la transformation de l’ambassadeur. Toutefois, il ne put s’empêcher de lui faire un câlin. C’était la toute première fois que Cassandra et Luna rencontraient ce membre de la famille Markios qui avait été porté disparu pendant une dizaine d’années.

Après que Lucas eut fait ses présentations, Flint s’absenta un moment et revint avec les chevaux, ainsi qu’une meilleure voiture. Ils avaient besoin d’un peu plus de place avec les bagages de Lucas et ce qu’ils avaient déjà dans l’autre voiture. Du coup, il devrait faire venir quelqu’un pour chercher la plus petite calèche.

Flint était loin de se douter qu’il ne reverrait pas les esprits élémentaires avant quelques années, il ignorait qu’au Saint Royaume à cet instant, de louches individus essayaient de saboter le règne de Zeus, d’Athéna et des autres Dieux de l’Olympe. Il ne s’en rendrait compte que plusieurs mois plus tard. Pour le moment, il était bien trop excité de faire la connaissance de son tout nouveau frère, même si une partie de lui était confus d’avoir perdu sa sœur, plusieurs années plus tôt.

Au cours de la route, Gabriel gaffa à quelques reprises à poser des questions embarrassantes, mais s’excusa rapidement. Flint conduisit la voiture, les autres étaient tous assis à l’intérieur. Malgré tout, Lucas n’avait pas froid aux yeux et sa bravoure et son sens de l’élocution avait rapidement charmé ses interlocuteurs. Ils discutèrent même de vieux souvenirs en ce qui concerne son passé à Lanartis, ainsi que sa relation étrange avec ses frères et sa sœur.

Flint écoutait les conversations à travers la petite fenêtre derrière lui. Il chantonna gaiement et sourit en se disant que tout compte fait, cette année n’avait pas été si terrible que ça, car elle avait ramené un membre de sa famille vers lui. Il espérait toutefois que son père, Kyran et Sarah sauraient accepter ces changements autant que son groupe essayait de rendre Lucas à l’aise. Chose certaine, les jours à venir allaient devenir très intéressants pour le capitaine et ses amis.

Archenwald était une cité fabuleuse et moderne. Presque dix fois plus grande que la ville de Baldt, on pouvait s’y perdre facilement sans l’aide d’un guide. Des calèches attendaient des passagers à tous les coins de rues et il faisait bon y vivre.

Gretta Doyle avait eu la chance d’y ouvrir une boutique, récemment. La rousse aux bras musclés avait reçu une lettre du Conseil de Baldt, qui stipulait que son fils avait été tué au combat, il y avait quelques jours. Elle acceptait mal la nouvelle et refusait de croire à cette histoire. Sa fille, toutefois, avait passé ces derniers temps à pleurer. Malgré tout, Gretta savait dans le fond, qu’on lui avait raconté la vérité. Elle avait perdu un mari et un fils en moins d’un an. Elle se sentait mourir de l’intérieur. Une douleur si intense qu’elle ne pouvait pas s’arrêter cinq secondes, avant de transporter des objets lourds pour sa boutique.

Elle s’était achetée une petite ferme pas très loin de Lanartis et elle y vivait avec sa fille. Les vieilles habitudes étaient difficiles à perdre, comme le disait si bien le dicton. Pour le moment, leur boutique ne vendait que des parfums, des fleurs et des bricoles faites par Misha. D’ici quelques mois, Gretta avait l’intention d’y vendre ses légumes et d’ici quelques années, peut-être qu’elle y vendrait aussi des fruits, tels que des pommes ou des oranges. Les terres qu’elles possédaient étaient riches et fertiles. Déménager par ici avait été la meilleure – mais aussi la plus déprimante – décision de sa vie. Elle s’en voulait de ne pas avoir été là pour enterrer son fils.

— Bon matin, Gretta, dit une naine qui passa derrière la grande fermière.

— Bon matin à vous, Priya, répliqua la rousse. Prête pour une nouvelle patrouille ?

— Toujours ! Boris et moi, on va devoir compenser pendant l’absence de notre coéquipier, mais je ne pense pas que nous allons rencontrer trop de problèmes, sans lui dans les parages.

— Passe le bonjour à ton mari, dans ce cas !

Gretta sourit à la naine qui était en fait un soldat de l’armée de Lanartis. La petite demoiselle portait une armure de cuir avec les symboles de la nation affichés sur le torse et sur le dos. Elle affichait un large sourire et était de très bonne humeur. Celle-ci ignorait que sa nouvelle marchande préférée était en deuil. Elle partit donc en direction du magnifique château qui se trouvait au centre de la ville et laissa la fermière s’occuper de ses affaires.

— Elle est vraiment mignonne, tu ne trouves pas ? dit Misha qui passa la tête par-dessus la porte à deux vantaux de leur boutique. J’aimerais trop avoir ses cils.

— Allons, elle est mariée, dit Gretta qui taquinait sa fille.

— Oh je sais, mais j’envie son regard naturel. Plusieurs de nos clientes la trouvent charmante, lorsqu’elle vient prendre le thé avec nous.

La fermière hocha la tête, puis ramassa un baril qu’on avait déposé près de la porte pour elle. Il n’était pas lourd, donc elle pouvait le soulever d’une main. Elle le passa à sa fille. Ce tonneau contenait des petits flacons, protégés par du rembourrage, que Misha avait fait venir de la république. C’était de vieilles bouteilles de parfums de leur ancienne ferme, qu’elle comptait vendre à prix réduits, pour les clients de cette ville.

Pendant ce temps, un papillon bleu survolait la ruelle où Gretta et Misha s’apprêtaient à ouvrir leur boutique pour la journée. L’insecte de couleur chatoyante ne s’était jamais aventuré si haut, mais celui-ci avait une mission très importante à accomplir et il n’allait pas s’arrêter, même si la douce brise du vent l’empêchait de se rendre à destination facilement. Au bout de cette ruelle, une vieille dame ouvrit sa baie coulissante, afin d’aller prendre un peu d’air et profiter du lever du soleil. Elle était l’une des clientes habituelles des Doyle.

Coup de chance, le papillon se fit soulever dans les airs et atterrit sur le réverbère, placé près de la porte et examina celle qu’il devait rencontrer… ou plutôt, qu’il devait toucher. Il avait reçu un ordre précis et s’il ne remplissait pas ce dernier, son maître lui en voudrait.

La vieille dame tenait une tasse de thé et se pencha sur la clôture de fer, à laquelle elle avait passé une bonne partie de sa vie à admirer le paysage, y compris la ruelle qui s’offrait à elle chaque jour. Elle passa sa main libre dans sa chevelure grise et blanche, puis sourit à Gretta, alors que celle-ci lui saluait avec enthousiasme. La pauvre dame ignorait que cela serait son tout dernier souvenir, car déjà le papillon s’élança vers elle et se posa sur sa joue.

Aussitôt, la pauvre femme âgée lâcha sa tasse qui se fracassa au sol, près d’elle. Le liquide s’éparpilla à ses pieds. Elle aurait pu en souffrir, mais elle était déjà morte. Son corps tomba par-dessus la clôture et s’écrasa devant sa maison, dans une flaque de son propre sang. Quelques passants avaient vu la scène avec horreur et crièrent à l’aide. Gretta lâcha le second paquet qu’elle comptait rentrer dans sa boutique et lâcha un juron avant de courir vers la vieille dame morte.

Après avoir réussi son coup, le petit papillon bleu virevolta loin de la ruelle et partit rejoindre un individu vêtu d’une longue cape noire, qui s’était installé près d’un café bistro où l’on servait des viennoiseries et de délicieux chocolats chauds. L’insecte se posa sur l’index de l’individu à la cape, comme si ce dernier l’avait attendu.

— Très bien, mon ami… Cette cible nous a déjà donné un peu plus de puissance… murmura l’homme, un sourire aux lèvres. Tu as fait de l’excellent travail. Maintenant repose-toi… J’ai d’autres objectifs qui t’attendront, prochainement…

Le papillon se désintégra dans un petit nuage de poussières, alors que l’étranger prit une gorgée de son café. Il était satisfait du travail de sa petite servante ailée, qui était retournée aux profondeurs des enfers… Ce jeu ne faisait que commencer.

À suivre dans le Volume 2 : Le Monde des Ténèbres.

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