49.1 - L'intervention divine

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Au sommet du palais présidentiel, deux hommes luttaient dans un duel contre la mort. Tous deux se lançaient des sorts depuis maintenant plusieurs minutes. L’un d’eux était le président de la république et le second était Randell Tabris. Une partie de l’étage avait éclaté sous la pression des pouvoirs des deux hommes et ils combattaient à toit ouvert, sous cette atmosphère sinistre qui régnait à travers la ville.

Le Général Daichi était inconscient, à quelques mètres de son supérieur. Celui-ci s’était pris un charme de somnolence de plein fouet, alors qu’Artael avait esquivé la magie de son adversaire. Plusieurs des brigadiers qui avaient accompagné le général étaient morts ou gravement blessés, éparpillés un peu partout dans les couloirs.

Le président n’abandonnerait jamais sa ville, quitte à y laisser sa propre vie. S’il devait mourir lors de ce duel, il avait fait promettre à Ellen Prescott de s’occuper de la république, jusqu’aux prochaines élections. Il espérait que le faucon messager qu’il avait envoyé vers Lanartis, trouverait son chemin jusqu’à la capitale de l’autre nation. Si la république venait à tomber, les prochaines victimes seraient sûrement des gens de la monarchie lanartisienne.

— Je vois que tu t’es beaucoup amélioré pendant mon absence, dit Randell. Ça rappelle nos nombreux entraînements…

— Je me doutais bien qu’un jour ou l’autre, je devrai tuer un autre mage expliqua Artael. L’ironie, toutefois, c’est que le destin a voulu que ça soit toi, mon mentor et celui que je devais succéder, un jour.

— Comme c’est touchant, répliqua ce dernier, sarcastiquement.

Le visage du président s’assombrit. Son interlocuteur se fichait bien de ses paroles.

— Je ne comprends pourquoi il a fallu que tu vendes ton âme à Perséphone ! tonna-t-il. À une certaine époque, tu étais mon idole… Je voulais être comme toi !

— Tout ça, c’est du passé, formula le vieil homme. Ne revenons plus en arrière. Le jour où vous avez adopté ce gros lard de Gabriel, j’ai compris que nous allions prendre des chemins différents, toi et moi. J’ai décidé, ce jour-là, que tu n’étais plus digne de ma formation. Un vrai gâchis, si tu veux mon avis.

— Il le fallait bien, répliqua Artael. Être mage ne veut pas dire vendre son âme au diable. Être un mage signifie aider son prochain, aux services du bien !

— C’est pourquoi ta famille et toi, vous m’avez renié depuis cet incident, pas vrai ? Je parie que vos enfants ne sont même pas au courant de notre ancienne collaboration… Comme c’est triste…

Encore une fois, Artael reconnut le sarcasme de son mentor. Il n’y avait plus rien de bon dans le cœur de cet homme. Il n’avait plus le choix, il fallait l’éliminer. Cependant, le président espérait que Randell retrouve la raison. Jadis, l’homme qui se tenait devant lui, avait été pour lui une autre figure paternelle. Artael se souvenait l’avoir préféré à Virgile Knox, qui n’avait d’yeux que pour Troyd.

Voir Randell dans cet état, lui déchirait le cœur.

— Ils n’ont pas besoin de le savoir, répliqua simplement Artael. De toute façon, tu n’es à mes yeux qu’un criminel et comme il se doit, je vais devoir t’arrêter ou te tuer…

— Encore faudrait-il que tu puisses m’attraper…

Le vieil homme barbu disparut en un éclair et réapparut derrière le président, avant de faire apparaître du bout de ses doigts plusieurs jets d’électricité. Artael activa un champ de force qui renvoya cette magie à son adversaire. Randell réussit à faire dévier les éclairs dans les débris qui l’entouraient.

Artael, quant à lui, essayait de se convaincre que tuer cet homme était la bonne chose à faire, toutefois il ressentait beaucoup de la peine et du regret ; juste à l’observer. Le sbire de Perséphone n’avait plus rien d’un mage grandiose, alors qu’autrefois, il avait été l’un des plus respectés de toute la nation.

— Gabriel aurait pu vivre une merveilleuse vie en ta compagnie, dit le mage blond. Au lieu de cela, tu l’as rejeté... Pourquoi ?

— Je l’ai répété des milliers de fois, il n’était qu’un prototype raté. Il n’a jamais été capable d’utiliser le moindre sort. Il aurait été un fardeau à ma cause, c’est pourquoi j’ai préféré m’en débarrasser.

— Il n’est pas un objet ! C’est un être vivant avec un cœur et des organes !

— Objet, golem, je ne vois plus trop la différence ! Il n’est qu’un outil à mes yeux ! Tout comme mes autres créations, d’ailleurs !

— Comment oses-tu dire une chose pareille ?! Ces vies que tu crées, elles ne sont pas des objets, ce sont des clones ou bien des gens créées par magie ! Gabriel n’est pas un objet, il est notre ami et aussi mon beau-fils !

— Oh… comme c’est touchant… Attention, je vais verser une larme…

Il roula des yeux, ce qui mit Artael en colère. Ce dernier serra les poings, il commençait à se demander comment ses fils réagiraient dans une situation pareille. Il se dit que Flint aurait déjà perdu son sang-froid et qu’il aurait déjà tué Randell. Kyran, de son côté, aurait sûrement fait comme son père et aurait essayé de raisonner le mage afin d’obtenir une résolution pacifiste.

Après avoir pensé à tout cela, il formula à son son adversaire :

— Voilà ce qui nous différencie, toi et moi, cher maître. J’accorde de l’importance aux créations magiques avec toute mon affection, au lieu de les rejeter comme de vulgaires objets ! Je refuse de traiter des golems comme Gabriel, comme des expériences ratées !

— Alors explique-moi pourquoi tu n’as rien fait pour améliorer ta précieuse république, alors que tu as tous ces pouvoirs…

— Parce que les lois de la magie nous empêchent d’abuser de nos pouvoirs à des fins personnelles. Nous devons laisser au peuple la chance d’évoluer de lui-même sinon ça serait de la triche. Que fais-tu des règles qu’on nous a transmises, chez les érudits de Xu Fahn ?! Celles qui existent depuis plusieurs générations !? Tu bafoues nos ancêtres et leurs descendances en te comportant ainsi ! Quelle honte !

— Ces vieux fous de professeurs n’ont jamais compris que ceux qui ont le pouvoir sont au-dessus de l’espèce humaine ! Nous sommes des dieux et nous pouvons forger ce monde à notre image ! Pourquoi devrai-je me limiter à faire le bien pour des misérables sans pouvoirs ?

— Alors quoi ?! Qu’espères-tu à vouloir ressusciter ta maudite déesse ? Créer un nouvel ordre où tu pourras changer le monde et ses lois ? Maudire les gens sans magie et en faire tes esclaves ?!

— Je n’ai pas à te répondre cette question…

Randell sourit, puis invoqua une créature enflammée devant lui. Artael reconnut cette espèce de chimère magique, aux cornes acérées et aux ailes de chauves-souris. Il avait déjà vu ce monstre dans de vieux grimoires de sorcellerie, celle-ci était liée aux forces de Perséphone.

Le président recula rapidement, et fit apparaître des chaînes de lumière au sol. Celles-ci s’agrippèrent sur la créature, alors que cette dernière fonçait tout droit vers lui. Il renvoya la bête en direction de Randell, avant d’invoquer un faisceau lumineux. Son sort frappa son ennemi en plein dans la poitrine. Il décida alors de se mettre en position défensive.

— Le jour où tu as mis un terme à la présidence de Virgile, j’ai juré de te tuer… dit Randell qui fit disparaître la chimère.

La créature réapparut au-dessus de la tête du blond et commença à l’attaquer avec ses longues griffes, pour ensuite lui mordre une épaule violemment. Artael poussa un long cri de douleur. Il se ressaisit rapidement et lança un sort d’éblouissement au visage du monstre, avant de s’adresser à son adversaire.

— Il fallait bien que quelqu’un vous arrête, les disciples et toi ! mentionna le président, qui restait concentré sur son adversaire. Bon sang, il pèse une tonne ton truc ! Mais c’est quoi cette chose, déjà ?!

— Dévore-moi cet homme ! ordonna Randell, tout simplement.

— Si tu penses que je vais me laisser faire, tu te trompes !

Artael repoussa la chimère avec un autre faisceau lumineux qui envoya celle-ci en dehors de son champ de vision. La bête tomba à l’extérieur des murs et alla s’écraser au sol, plusieurs étages plus bas. Randell comprit qu’elle était morte sous l’impact. Le président en profita pour utiliser un sort de guérison sur ses plaies ouvertes, alors que son adversaire semblait distrait par la perte de son monstre.

— Alors, voilà où on en est… Une vieille rivalité entre un mentor et son élève… dit le vieil homme qui se passa une main sur le menton. Qui s’en sortira vainqueur, d’après toi ? Il y a trop longtemps que j’attendais de voir qui de nous deux, serait le meilleur sorcier de cette région.

Le président esquissa un sourire moqueur.

— Même si je dois mourir, je ne compte pas passer dans l’au-delà sans toi, dit Artael qui fronça les sourcils. Ce monde n’a plus besoin de toi.

— Oh, mais j’ai bien peur de devoir insister, ma place est sur ces terres aux côtés de ma déesse. La tienne appartient au néant.

Au moment où Artael allait se relever, il sentit des mains étranges l’agripper par l’arrière et ressentit son corps se faire tirailler dans tous les sens. Des mains ensorcelées l’agrippaient dans les airs, par ses poignets et ses chevilles. Son corps fit un pivot vers l’avant et il se retrouva nez à nez avec Randell qui tenait un poignard dans sa direction.

— Il est temps pour toi de disparaître… dit le vieil homme, alors qu’il enfonça rapidement son arme dans le torse du président.

Artael cracha du sang au visage de son agresseur avant de sourire à son tour. Les mains magiques perdirent de leur force. Ce fut à cet instant que Randell comprit pourquoi son adversaire semblait de bonne humeur… Son corps commençait à chauffer de l’intérieur, au point que ses vêtements prirent feu.

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