47.2 - Le Roi de l'Olympe

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Lorsque son épouse fut rappelée aux côtés du Créateur, Zeus avait ressenti un étrange vide dans son cœur… Normalement, lorsque les divinités étaient blessées ou tuées par d’autres dieux, ils finissaient par guérir ou par se réincarner avec le temps. Leurs esprits étaient transportés aux planètes où leurs âmes fusionnaient avec celles des mortels et où ils prenaient plusieurs années à récupérer des forces. Lorsque leurs nouveaux corps périssaient naturellement, ils revenaient au Saint Royaume en compagnie de l’âme qui avait partagé un cycle de vie avec eux ; ils reprenaient alors leurs anciens postes.

D’autres, parmi eux, préféraient se trouver un apprenti à qui transmettre leur sagesse et leur titre lorsque viendrait leur temps de prendre leur retraite. Leur système était tellement vaste que Zeus se perdait dans toutes ces traditions. Héra n’avait jamais été réincarnée. Elle était morte bien avant que Perséphone soit bannie du Saint Royaume, en même temps que Hadès et leurs compagnons. Leur univers, bien que hautement politique, était rempli de magie, d’amour et de créativité.

Tous ces mondes avaient un brin de personnalité typique des Dieux Olympiens, y compris la Terre – ce monde qu’ils partageaient avec tant de divinités différentes. La planète en question avait été leur plus grande réussite, mais aussi leur plus grand échec… Voilà pourquoi il existait plusieurs systèmes solaires, ainsi que plusieurs dimensions. Ce n’était pas la seule Terre, mais elle était leur toute première…

Zeus s’arrêta près de la plus jeune des planètes et caressa l’image holographique de ses doigts. La magie qui entourait Aeglys était de plus en plus ténébreuse. Il refusait de l’admettre à sa fille, mais il s’inquiétait beaucoup quant à l’avenir des milliards d’âmes que l’on y avait entreposées, y compris la famille Markios qu’il examinait en silence durant son temps libre. Il avait commencé à s’intéresser à cette famille lorsque les quadruplés étaient nés, quatre jeunes hommes et jeunes femmes qui tentaient tant bien que mal d’aider leur entourage. Et aussi étrange que cela puisse paraître, il avait soufflé quelques mots dans l’oreille du golem Gabriel, afin de l’aider durant son apprentissage, afin qu’il devienne autonome et responsable.

Zeus n’était en aucun cas un dieu cruel ou mesquin… Il était tout simplement concerné par les lois et le bien-être de tous. Même le pauvre Virgile Knox qu’il avait accueilli ici, dans cette pièce, était si mouvementé à sa mort que le Roi de l’Olympe avait passé un bon quart d’heure à le réconforter. Celui qui avait été autrefois le président de Baldt était redevenu un jeune adulte, l’homme qu’il avait été autrefois, avant d’être un simple pantin pour le domaine politique.

Il avait échangé avec Zeus, comme un vieil ami. Seulement, si ce dernier avait lu son dossier correctement, il aurait compris que cette âme n’avait pas sa place au Saint Royaume. Zeus l’avait quand même emporté au Jardin d’Éden, où il fut plongé dans un sommeil éternel.

Le système du jardin était assez simple à comprendre. On le reconnaissait à sa gigantesque serre circulaire, qui entourait la tour de Babel. Elle avait plusieurs étages et chaque jour, les anges y entraient pour y déposer de nouvelles âmes ou bien en sortir des anciennes. Les âmes étaient constamment rétablies et réincarnées, dans l’espoir de former de vaillants soldats qui travailleraient un jour pour les divinités.

On déposait ces âmes dans des sarcophages ensorcelés où ils rêvaient sans jamais avoir faim, ni soif. Tous ce qu’ils désiraient, ils l’obtenaient dans leurs rêves et ils avaient le contrôle entier de leurs songes. Certaines âmes y étaient entreposées depuis la création des dieux. Une éternité s’était écoulée et il était fort probable que ces âmes pouvaient vivre de nouvelles aventures, de nouvelles expériences sur d’autres terres. En échange de leur sommeil éternel, ils remplissaient d’énergie, des pierres magiques dont se servaient les divinités pour diverses tâches à travers le Saint Royaume. On les appelaient les noyaux de création. Ce cycle existait depuis des millénaires.

Zeus tentait de ne pas penser à tout ce qu’il avait sacrifié pour le bon fonctionnement de sa faction et du Saint Royaume. Il était perdu dans ses pensées et réfléchissait aux sceaux de l’enfer d’Aeglys. Le voile avait été endommagé à quelques reprises, durant les derniers jours. Pire encore ? Perséphone avait trouvé le moyen de quitter son corps d’origine afin d’implanter son âme dans le corps d’une marionnette… Les choses allaient de mal en pis pour ses confrères et lui. L’alliance persistait malgré tout à intervenir dans les affaires du Conclave pour s’assurer qu’on puisse protéger les innocents. Bientôt, ils n’auraient plus le choix que de collaborer avec eux.

Que faire, maintenant ? se dit Zeus. Dois-je écouter ma fille pour cette fois et laisser tomber mes pairs ? Athéna a plusieurs années d’expérience dans le domaine de la guerre, ses qualités diplomatiques sont un peu rouillées, quoiqu’elle arrive toujours à apaiser nos hommes et nos femmes… Elle était destinée à me succéder un jour… À titre de reine… Pourquoi fallait-il qu’elle me trahisse et qu’elle complique tout ? Oh ma chère petite…

Il observa ensuite Flint et Gabriel, qui marchaient côte à côte en direction de Baldt. Ces jeunes tourtereaux étaient la fierté d’Athéna, qui ne cessait de les vanter, tellement elle aimait son fils et son gendre. Ça lui avait pris quelque temps pour digérer l’homosexualité de son petit-fils, mais Zeus avait terminé par accepter cette vérité. Même s’il était une âme créée à partir d’une lignée illégale, il avait quand même le sang de sa fille dans les veines… et pour cette raison, il désirait le rencontrer, lui comme les autres quadruplés.

Son visage s’assombrit, toutefois, lorsqu’il repensait à Gwenaëlle… Sa petite-fille conçue dans la rage et la trahison du traître Troyd Markios avait disparue… Il ne percevait plus son âme nulle part depuis quelque temps. Il ressentait quelques traces ici et là dans le continent de la Grande Aeglysienne, mais rien de concret. Elle n’avait jamais franchi les portes du planétarium, ce qui voulait dire qu’elle n’était pas nécessairement morte… Mais où pouvait-elle se cacher ?

Je n’ai plus vraiment le choix, songea-t-il. Il faut que j’intervienne, sinon cette planète disparaîtra d’elle-même et tout ce qu’Athéna a tenté de prouver en volant ces âmes, s’envolera en fumée. En même temps, nous avons les démons à l’extérieur du Sanctuaire qui menacent de dévorer les âmes et les anges à tout moment… Nous avons perdu des milliards de nos soldats en moins de dix ans, tous dévorés par le néant…

Au fond de la pièce, une machine étrange s’activa. Un fil relié à la machine des hologrammes était attaché à cet engin gigantesque. Une espèce d’incubateur où des silhouettes bizarres commençaient à prendre des apparences humanoïdes.

— Ils sont au moins une centaine, marmonna Zeus. Des âmes d’Aeglys… Celles qui ont péri durant la dernière heure, dans la région de Baldt…

La première âme à se matérialiser complètement s’avança contre la vitre transparente de l’incubateur gigantesque et la traversa comme si l’on passait à travers une chute d’eau. La vitre magique était fabriquée d’un composant ensorcelé qui se divisait au contact de la peau, mais qui était imperméable lorsque l’on y jetait des objets.

Instinctivement, toutes les âmes qui arrivaient dans cette pièce essayaient de comprendre où elles étaient arrivées, leurs souvenirs étaient embrouillés et les anges finissaient par les retrouver après avoir ressenti leur présence.

Le premier individu à s’adresser à Zeus était un jeune homme chétif, aux cheveux noirs et au regard blême.

— Luna… disait le jeune homme en face de la divinité. Je dois lui dire…

— Eh, attention mon garçon, tu vas trébucher, dit le dieu.

— Luna… Pardonne-moi…

Derek Doyle sortit de sa transe alors qu’il trébucha sur la corde qui reliait l’incubateur à la machine holographique. Zeus le rattrapa de justesse, puis le regarda d’un air sévère. Il reconnaissait les airs similaires de Marcus Doyle chez cet individu, un autre homme qu’il avait trouvé dans cette salle, il y avait plusieurs mois. C’était un croyant de Poséidon, le Dieu de la Mer. Son fils semblait préférer Athéna, à en juger son âme.

— Derek Doyle, c’est bien ça ? demanda Zeus.

— Mmm… Oui, c’est moi, répondit le jeune homme, effrayé.

— Je suis dans le regret de vous informer que vous avez été tué durant le conflit qui vient d’éclater à Baldt. Votre âme a été transportée au Saint Royaume, dans l’au-delà… Votre père vous attend au Jardin d’Éden.

— Ah… Ah bon ? Tout s’est passé si vite…

— Une mort est vite arrivée lorsqu’il s’agit d’une blessure physique causée au crâne. La plaie béante de votre front s’est déjà refermée lorsque vous avez été reconstruit dans l’incubateur.

— Je… Je vois… dit le jeune homme en affichant expression triste.

— Je vais devoir utiliser un charme sur vous afin que vous restiez calme pendant qu’on vous conduira chez votre père. Me permettez-vous de le faire maintenant ou avez-vous quelques questions à me poser ?

Le jeune homme haussa des épaules, puis regarda son interlocuteur, perdu.

— Là où je vous emmène, vous ne connaîtrez ni peine, ni douleur, déclara Zeus. Un nouveau monde s’offrira à vous si vous le désirez… mais vous avez aussi l’option de rejoindre une académie où nous formons des anges guerriers qui servent cette nation.

— Moi… Un ange ? Mm…

— Je vous fais cette proposition puisque vous avez mené une existence de servitude pour votre pays et que vous avez juré de protéger vos semblables. Normalement nous ne prenons pas n’importe qui, mais puisque nous avons une pénurie d’âmes volontaires…

— J’accepte ! dit aussitôt Derek. Je souhaite me rendre utile !

— Vous n’êtes pas obligé de répondre maintenant, je pourrai très bien vous faire vivre l’expérience de cette nouvelle existence sans douleurs-

— J’accepte ! trancha Derek, déterminé.

— Très bien, très bien, dit Zeus, étonné. Si vous insistez.

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