Nash s’était caché derrière une poutre nacrée, comme sa nouvelle camarade qui l’avait imité, quelques mètres plus loin. Ils étaient poursuivis depuis quelques minutes, déjà. Après son réveil dans ce nouveau monde, la jeune femme aux cheveux blonds et aux yeux bleus, d’un air étrangement familier, l’avait pris par la main et l’avait emmené dans une salle sombre où elle avait appuyé sur un bouton. Cela avait allumé une lumière électrique. Elle portait une simple robe blanche et se promenait à talons hauts. Le brigadier avait l’impression de voir une princesse sortie tout droit d’un conte de fées.

— Qui es-tu ? demanda le jeune homme en l’observant de plus près, j’ai l’impression de t’avoir déjà vu avant… Mais où ?

— Tu étais beaucoup plus jeune à cette époque, répondit celle-ci, souriante. Ton frère et moi n’étions qu’adolescents, avant qu’il m’ait fait sa demande en mariage. Ça te dit quelque chose ?

— Diana… ? Est-ce bien toi ?

Elle hocha la tête.

— Je te souhaite la bienvenue au Saint Royaume, dit-elle. Contrairement à ce que tu pourrais le croire, cette dimension où ère ton esprit en ce moment est beaucoup plus politique que ce qui est décrit dans vos bibles. Nous existons sous un système monarchique avec plusieurs divisions. Tout ce qui se passe ici a une influence sur les mondes d’où viennent les âmes, y compris la planète que tu viens de quitter.

— Minute… Je suis au Paradis ? demanda-t-il, confus.

— En quelque sorte… Mais le Paradis auquel tu as cru durant toutes ces années n’est qu’une chimère pour endormir les enfants. Tes blessures ont pris quelque temps avant d’être complètement soignées par notre magie, ça nous a pris au moins un mois pour te réanimer.

— Un mois ?! J’étais donc dans un coma ?

— Sur Aeglys, tu es mort, mais ici, c’est comme si tu étais dans un coma lorsque nous avons recueilli ton âme dans nos machines. Normalement, tu n’étais pas censé te réveiller avant quelques jours, mais il fallait vraiment que je te réveille pour te remettre ceci…

Elle s’approcha alors du jeune homme et lui passa une pierre précieuse.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Nash.

— Un cristal de communication, expliqua Diana. Il relie tes pensées à celles de la personne concernée et vous communiquerez ainsi.

— Pourquoi ? Que se passe-t-il ?

— La guerre entre les brigadiers et les disciples a éclaté. L’un de mes enfants va devoir réveiller son potentiel caché et venir en aide à son peuple. Tu comprendras lorsque tu verras… Suis mes instructions et tu ne devrais pas avoir de problème. Puisqu’ils te connaissent mieux que leur mère, je crois que tu serais le mieux placé pour parler avec eux. Je m’occuperai du reste.

— Je vois… Et je fais ça comment ?

— Serre cette pierre dans la paume de l’une de tes mains.

Nash se dit qu’il n’avait rien à perdre, alors il referma sa main sur le cristal. Puis, il ferma les yeux, comme si un enchantement était en train de fouiller dans ses souvenirs. Il revoyait le visage de Flint, Kyran, Sarah et Gwenaëlle. Leurs visages et leurs chevelures passèrent devant lui, à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il s’arrête sur Flint. Celui-ci était pétrifié près du monument de guerre. Le guerrier sursauta.

— Que lui était-il arrivé ? mentionna-t-il.

— On lui a jeté un sort, déclara Diana. Je peux le briser, mais tu dois d’abord lui parler. Rassure-le et dis-lui que tu lui viens en aide pour la guerre. Mentionne aussi qu’il a un potentiel caché que je vais réveiller par magie. Les esprits élémentaires doivent revenir au Saint Royaume de toute urgence. Dis-lui que c’est Athéna qui leur ordonne tout ça, puisqu’elle n’arrive plus à les rejoindre. Prends ton temps, essaie de le calmer pendant que j’invoque ce sort.

— Elle ne peut plus discuter avec eux ? Pourquoi donc ?

— S’il te plaît, Nash, fais ce que je te dis. Artael est en danger tout comme Kyran et ta nièce Sarah. Leurs amis aussi vont souffrir si nous ne faisons rien pour intervenir… Tu dois me faire confiance !

Le brigadier accepta, puis tenta de communiquer avec Flint. Il arrivait déjà à lire dans les pensées de son neveu. La conversation se déroula tel que prévu. Pendant qu’il rassurait ce dernier, Diana formulait des incantations qui traversèrent le cristal à chaque fois qu’elle pointait ses mains vers l’objet magique, dans la paume de Nash. Un éclair frappa la statue et en sortit le jeune homme dont deux ailes magiques lui poussèrent subitement aux omoplates. Diana expliqua alors au guerrier que son fils avait désormais le privilège d’invoquer les créatures élémentaires et de les renvoyer au Saint Royaume, comme il avait aussi le pouvoir de bannir les démons d’où ils venaient. Nash prit soin de relayer ce message à son neveu, jusqu’au moment où il entendit des bruits derrière eux.

Diana le prit par l’autre main et l’emmena plus loin dans la pièce.

— Qui va là ?! hurla une voix derrière eux.

— Coupe la communication, chuchota la jeune femme. Nous reviendrons à lui plus tard. Il faut sortir d’ici.

— D’accord.

Nash s’exécuta, après avoir expliqué à Flint qu’il devait couper la communication, puis cessa le charme télépathique après avoir rouvert sa main et ses yeux. Il rangea la pierre dans l’une des pochettes de son pantalon. Étrangement, il portait encore les mêmes vêtements qu’il avait sur lui avant de mourir, ainsi que son armure de cuir.

Ils sortirent par une porte et se retrouvèrent dans un gigantesque hall où ils trouvèrent des poutres derrière lesquelles ils se cachèrent par la suite. Des hommes et des femmes ailées, vêtues d’armures, patrouillaient le long de ce hall. Nash avait l’étrange sensation de rêver.

— Des anges, se dit le brigadier.

Diana fit signe à Nash de se cacher derrière l’une des larges poutres, avant de se faufiler comme un félin vers une autre. Elle essayait d’éviter les regards des gardes. Ils se glissèrent ainsi, discrètement, jusqu’à une autre porte au fond du hall qui était située dans un coin sombre.

Au moment d’ouvrir la porte de la pièce, Diana se retrouva nez à nez avec un imposant personnage qui la regarda d’un air sévère. Grand, costaud, il évoquait l’allure d’un grand guerrier. Il portait une armure beaucoup plus luxueuse que celle des anges. Il soupira alors qu’il posait son regard sur la demoiselle.

— Soldats, emparez-vous de lui ! ordonna-t-il aux anges qui les avaient aussitôt encerclés.

Nash ressentit des mains le prendre par la taille alors que d’autres fouillaient déjà ses poches et sa ceinture.

— Papa, arrête, je t’en prie ! supplia Diana.

— Ça suffit, ma fille ! dit l’homme avant de gifler sa fille, du revers. Tu nous as déjà mis dans le pétrin en créant ce monde derrière notre dos ! Il est hors de question que tu en fasses davantage !

— Laissez Diana tranquille ! cria Nash, qui essayait de se défendre.

— Surveillez votre langage, jeune homme, gronda l’un des anges qui donna un coup de coude dans les côtes du brigadier. Vous vous trouvez en présence de Sa Majesté le Roi Zeus, dieu et responsable de la monarchie de l’Olympe. Il est accompagné de sa fille, la Princesse Athéna. Il n’y a pas de Diana devant vous ! Inclinez-vous devant votre roi !

— Hein…?!

— Taisez-vous ! ordonna l’ange, qui força Nash à se courber vers l’avant.

Nash regarda la jeune femme blonde, malgré tout, puis l’imposant personnage à tour de rôle. Diana se tourna vers lui et tendit une main ; sur son visage il lisait la peur. Aussitôt, l’ange qui venait de s’adresser à Nash, lui donna un coup de poing dans le ventre, ce qui lui fit perdre son souffle.

La princesse était sur le point de verser une larme lorsque sa fierté la poussa à agir contrairement. Elle se croisa les bras et se tourna face à face à son père. Son visage virait au rouge.

— Comment oses-tu t’en prendre au frère d’Artael ?! rugit celle-ci. Il pourrait nous aider à combattre Perséphone et tu le sais très bien !

— Tu as perdu l’autorisation de gérer les anges de notre armée et les âmes, le jour où tu as créé ce monde sans mon autorisation ! Aeglys est illégal ! Cette planète doit disparaître tout comme la dimension où nous avons caché cette maudite Perséphone et le corps de son mari ! Tu n’avais aucun droit de prendre ces âmes errantes, sans avoir l’avis du Conclave ! N’oublie pas comment tu m’as fait honte !

— Ces âmes errantes, comme tu dis, n’avaient pas de mondes où vivre, alors j’ai fait ces terres pour eux ! Ils méritaient de vivre une existence heureuse ! Cette guerre a trop duré, papa ! Même les autres divinités de la Terre en ont plein les bras avec l’invasion des démons ! Que fais-tu de ce pauvre Jésus qui s’est sacrifié pour le salut de ces pauvres mortels ?! Lui aussi savait qu’une chose diabolique se préparait, et on l’a crucifié !

— Jésus et les divinités chrétiennes ne nous concernent pas ! tonna Zeus. Nous sommes Olympiens et notre devoir est de veiller sur les âmes et les croyants de notre foi, rien d’autre !

— Je suis contre ta vision des choses, papa ! Cet homme avait une âme pure et il m’a inspiré moi et plusieurs de nos semblables ! Même d’autres dieux et déesses du Saint Royaume agréent avec moi ! Pourquoi ne veux-tu pas comprendre que nos anciennes traditions ne conviennent plus ?!

— Va dire ça aux chrétiens, ma pauvre. Ils continuent de prier l’âme d’un homme qui n’est jamais revenu dans nos terres célestes, après sa mort. Son père, Yahweh se sert de lui comme un sceau entre la Terre et leur dimension démoniaque, parce qu’il savait que tant que la foi chrétienne persisterait, Jésus sauverait leurs âmes ! Cela va de même pour tous les prophètes et les sauveurs reliés à leur planète ! Nous avons beaucoup plus de mondes à gérer que ceux-là ! Ce sont eux qui ont l’esprit étroit, pas nous !