42.2 - Yosuke et Misaki

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— Nous connaissons déjà ces mythes, continua Yosuke. Ce que je veux savoir, c’est qui est l’ordure qui vous a blessé.

— Un sorcier… Un puissant sorcier qui vit près de la capitale. Je crois qu’il fait partie de ce culte. Il m’est apparu en vision alors que je survolais les plaines, puis m’a jeté un sort à distance. Un éclair m’a parcouru le corps…

— Pouvons-nous vous aider ? proposa Misaki, qui démontrait finalement de l’empathie, après avoir été froide en sa présence.

— Je ne crois pas, chérie, mentionna son mari, nous avons besoin d’une quantité immense d’onguents et d’herbes médicinales si nous voulons soigner ses blessures. Je ne pense pas que nos guérisseurs aient tout ça en stock. C’est peine perdue… Je suis sincèrement désolé…

La bête gigantesque fit non avec la tête avant de rétorquer :

— Pas la peine. Je n’ai qu’à prendre une autre forme, comme je vous l’ai expliqué et me reposer jusqu’au jour où j’aurais fini de reprendre des forces… Une sphère, un objet quelconque… Toutefois, me voilà dans de beaux draps car vous savez qui je suis et vous pourriez en tout temps profiter de mon état pour me vendre au culte…

— Nous ne ferions jamais cela, dit le guerrier. Vous avez ma parole.

— Attends un peu, Yosuke… Qu’es-tu en train de lui proposer, demanda sa femme. Nous ne pouvons pas garder un dragon avec nous !

— Tu n’as pas entendu ce qu’il a dit, chérie ? Il peut prendre la forme d’un objet quelconque. Nous pourrions facilement le glisser avec nous au camp.

— Dans ce cas, commenta le dragon, je vais remettre ma vie entre vos mains… Vous me semblez capable de combattre, n’est-ce pas monsieur ? Quelle arme utilisez-vous le plus souvent ? Une épée, je parie ?

— Effectivement, j’utilise des épées… Pourquoi ?

— Parce que je vais prendre cette forme… Une fois transformé, je plongerai dans un profond sommeil. Vous pourrez vous servir de moi, m’effiler chez le forgeron si vous en avez envie. Je ne ressentirai rien. Lorsque le jour viendra, je me réveillerai et je pourrai servir ma cause comme il se doit.

Yosuke cligna les yeux, puis hocha la tête nerveusement. Il n’était pas certain de comprendre la tâche importante qu’on lui remettait. Misaki était tout aussi abasourdie que son bien-aimé. Pendant ce temps, le dragon en face d’eux, commençait à fondre dans le ruisseau, comme un tas de sels qui se faisait dissoudre. Si ça continuait ainsi, la créature finirait par assécher la rivière en entier. De nombreux poissons bondissaient dans tous les sens, ainsi que des grenouilles et des insectes.

Au centre du tas de cendres étrange se dressait une épée argentée avec un étrange symbole en forme de dragon près de la poigne.

Une voix résonna dans leur esprit.

Au fait, je m’appelle Giotto… l’esprit de la création, dit le dragon.

— Je suis Yosuke et elle, c’est Misaki, ajouta le rebelle.

Très bien… Enchanté… Maintenant, je dois dormir… Au plaisir de vous reparler… À l’un de ces jours, chers amis.

Puis, la voix disparut. Ce fut la toute première et dernière fois que Yosuke entendit cette voix. Car plusieurs mois plus tard, il serait tué au combat. Il se dirigea dans les cendres encore brûlantes du dragon, puis ramassa l’épée plantée au beau milieu du ruisseau asséché. Quand il la ramassa, il remarqua qu’elle était légère et bien acérée.

— Par les ancêtres ! s’exclama le guerrier. Cette arme est magnifique !

Et il avait raison, d’après Misaki qui le voyait se rapprocher avec l’objet magique. Elle n’avait jamais vu d’arme aussi tranchante et brillante que cette épée, jusqu’à ce jour. Il la fit pivoter à quelques reprises avant de l’enfoncer dans la terre sous ses pieds. Elle tranchait celle-ci comme si elle fendait du beurre, en plus de broyer tout ce qui se trouvait sur son passage. Misaki conclut que sous cette forme, le dragon absorbait le mana au contact des objets. Cela lui permettrait peut-être de guérir un peu plus vite.

— J’imagine que tu vas devoir l’utiliser souvent pour sa réhabilitation, pas vrai ? suggéra la guerrière qui plaisantait, son regard dans celui de son mari.

— Pourquoi pas ? Je vais probablement m’en servir pour découper nos poissons.

— Comment ça ? On n’a rien pêché avec les dégâts causés par lui…

— Regarde à ta gauche et tu verras.

Misaki écouta les paroles de son mari et se tourna vers la direction qu’il venait de lui pointer, du doigt. Effectivement, il y avait du poisson. Beaucoup de poisson, même. Une vingtaine de truites rebondissaient dans l’herbes et les grandes pierres, certaines d’entre elles étaient déjà mortes d’asphyxie alors que d’autres se débattaient pour retourner à l’eau. Ça serait pour eux un repas facile. Elle regarda l’épée de son mari, puis remercia en silence Giotto de ce généreux cadeau.

Après avoir raconté à Shayne et Nox comment Yosuke et elle avaient mis la main sur l’arme, Misaki soupira de soulagement. Sans s’en rendre compte, partager ce fardeau avec son ami vampire lui avait enlevé un énorme poids des épaules.

— Dans mon état actuel, je ne peux pas vraiment m’occuper de Giotto et de sa sécurité, dit-elle. Jusqu’à ce qu’il soit prêt à renaître, je crois qu’il serait mieux pour nous tous que son protecteur soit l’un des meilleurs guerriers de notre nation… Tu es donc celui qui devra relever cette tâche, pour l’honneur de mon mari et pour celui des élémentaires.

— Je vois, répondit le général, qui fit une moue. Dans ce cas je n’ai plus vraiment le choix. Cette épée est liée au destin de Nox et des autres, à en croire ton récit. S’il s’agit bien de Giotto, on finira bien par trouver celui ou celle qui devra être son porteur. J’ai déjà Nox, donc posséder un second esprit élémentaire risque de me causer de sérieux problèmes de santé.

— Je sais. Leur puissance est trop dangereuse pour qu’un porteur puisse en manipuler plus d’un. Mais puisque Giotto est inconscient et qu’une bonne partie de ses pouvoirs sont diminués, vous ne risquez rien.

Le vampire arbora un air sombre vers l’épée argentée qu’il tenait avec fermeté dans sa main gauche. La panthère à ses côtés ressentait le doute en lui. Il connaissait cette expression ; Shayne était inquiet. Il était rare de voir l’ex-mercenaire se comporter ainsi. Normalement, il était calme et réglait n’importe quel problème avec la tête haute. Cette fois, il semblait désorienté et perdu.

Shayne avait été d’une aide fantastique jusque-là, dans la survie des élémentaires, mais le simple fait d’avoir reçu cette arme en cadeau semblait le mettre à l’envers. Il n’était pas habitué à tant d’honneur, surtout de la part d’un défunt camarade. Yosuke avait été un collègue exemplaire durant les derniers mois et avait aidé bien des gens durant la reconstruction de certains bâtiments. De plus, il était devenu son partenaire d’escrime, avec qui il avait pratiqué durant leurs entraînements. Sa mort avait semé un énorme vide en lui. Cependant, un autre détail le tracassait en ce moment : il trouvait étrange que l’albinos ne démontrait pas plus d’émotions.

— Pardonne mon indiscrétion, Misaki… mais est-ce que ça va ? demanda-t-il. On m’a dit que tu sembles mieux prendre la nouvelle que tous les autres.

— C’est probablement à cause des nombreux sédatifs que les disciples m’ont injecté dans ma cellule… Ils ont gelé mes émotions, on dirait.

— Est-ce que ton bébé va bien ?

— D’après le médecin, son cœur bat encore.

— Au moins ça…

Misaki prit une courte pause et se pinça la joue fortement, ce qui laissa une marque. Elle ne réagit même pas. Elle secoua la tête.

— Je ne ressens rien. C’est bête non ? Je n’ai aucune douleur, ni tristesse, ni envie de hurler ou de cogner quelqu’un. Je sais ce qu’on a fait à mon mari, pourtant mon organisme ne fonctionne pas comme il devrait…

— Laisse-toi quelques heures, dit la panthère. Lorsque que ces drogues seront passées, tu auras besoin de notre compagnie.

Misaki approuva. Elle ne ressentait ni fatigue, ni faim. Elle posa un regard vide sur sa jaquette, toujours allongée sur son lit. Elle semblait perdue dans ses pensées. Shayne resta un moment avec la guerrière et prit son pouls à quelques reprises afin de vérifier son état. Les drogues semblaient avoir ralenti sa circulation sanguine. Mais si l’enfant était encore en vie, il n’y avait donc aucun problème selon lui. Ses oreilles lui permirent d’entendre le fœtus bouger à l’intérieur du ventre de la dame, quand il se concentra mieux. Cette capacité vampirique lui permettait souvent de repérer le moindre son, en plus d’avoir une ouïe finement développée pour un elfe. Peut-être était-ce son imagination, mais tant et aussi longtemps que Misaki porterait ce bébé en elle, il ressentirait cette envie de venir en son aide et de la protéger. Qui d’autre pourrait prendre soin d’elle maintenant que Yosuke était mort ?

Évidemment, elle n’a pas besoin de moi, se dit le général. Elle est indépendante et sait se débrouiller sans l’aide de personne… Par contre, Yosuke aimerait sûrement que quelqu’un s’occupe de son épouse…

Il se frotta le menton avant de rajouter verbalement :

— En tout cas, si jamais tu as besoin d’aide, à l’avenir, fais-moi signe.

— Oh, je sais, répondit machinalement la guerrière.

— Je te promets d’être là pour toi et tes enfants en cas de problème. Quand je ne serais pas occupé au travail, j’offrirais mes services pour veiller sur eux, s’il le faut.

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