40.2 - De la poudre aux yeux
— Petit insolant… Les gays sont aussi amoraux que l’inceste et le sexe avec les animaux. Ils se comportent comme des bêtes ! Regarde-les se toucher ainsi… C’est répugnant… Je ne comprends pas pourquoi on laisse encore ce genre de phénomène se passer devant les honnêtes gens !
— Encore à vénérer les mythes de tes ancêtres… Tu ne changeras jamais… De toute façon, je l’ai déjà lu, ta foutue bible et il n’y a aucun passage qui interdit l’homosexualité !
Marcus l’avait giflé du revers, puis ordonné à son fils de rentrer chez eux. Il avait détourné son regard furieux vers le jeune couple qui avait tout vu. Le blond s’était croisé les bras et avait haussé un sourcil lorsqu’il avait observé l’assistant de son père. Flint avait remarqué que Marcus avait passé beaucoup de temps à l’observer en cachette, lui et son fiancé. Il avait détesté ça, mais n’avait rien pu faire contre lui. La loi avait toujours été du côté du Conseiller Doyle…
— Comptez-vous encore heureux que votre femme veuille d’un crétin aussi étroit d’esprit que vous, misérable ! avait dit le blond avant de cracher au sol.
— C’est vous qui devriez-vous compter heureux que l’église ait oublié les bonnes manières ! Si j’étais prêtre pour l’église d’Athéna, je vous ferai exécuter pour ce crime envers l’humanité !
— Je vous préviens que ces paroles ne sortiront pas de mes oreilles, je vais tout rapporter à mon père. Vous n’allez pas vous en sortir si facilement !
Malgré les mots de Flint et les menaces de Marcus, le conflit s’était estompé au fil des jours qui avaient suivi. À la mort du Conseiller Doyle, Flint avait fini par oublier cette histoire. Le colosse, qui se souvenait toujours de cet événement, s’était dit que Marcus avait probablement mûri depuis ce jour. Il n’avait plus recommencé à les perturber.
Gabriel se souvint que le lendemain de la dispute entre Flint et Marcus, il avait aperçu l’assistant d’Artael avec un œil au beurre noir. Il avait compris qu’il s’était battu avec quelqu’un. Avec qui ? Il l’ignorait.
— Vous savez… Papa était une vraie peste lorsqu’il était question de vous et de votre mari, dit Derek après avoir avalé une bouchée de pain. Je me souviens un soir où je me promenai le long de notre ferme, il vous dévisageait violemment… Je n’étais qu’un adolescent et je ne comprenais pas trop où il voulait en venir avec sa colère… Mais je savais que ce qu’il faisait, c’était mal. Alors j’ai tout rapporté à maman… Quand elle a su les paroles que vous avez reçues de mon père, elle lui a planté son poing dans la tronche, puis il n’a plus jamais tenté de vous faire du mal.
Le golem cligna des yeux, puis sourit, quand il réalisa qu’il n’était pas le seul à se souvenir de tout ça. Derek avait donc une très bonne mémoire…
— Nous étions jeunes aussi, commenta Gabriel. Nous ne pouvions pas savoir que nos gestes pouvaient déranger certains citoyens.
— Ça ne veut rien dire… Baldt est censé être un endroit libre pour tout le monde, répliqua Luna qui s’était rapprochée.
— Elle m… m… marque un e… e… excellent p… p… point, dit Derek qui était devenu tout rouge près de la magicienne.
— Dis donc, t’es toujours comme ça avec moi et jamais avec les autres. T’as un problème avec moi, c’est ça ? demanda l’adolescente, légèrement vexée.
— Ne t’en fais pas pour lui, Luna, dit Cassandra qui gloussa. Je crois simplement qu’il a un secret très important à te dire, mais qu’il ne peut pas le faire pour le moment parce qu’il a une mission très importante à remplir !
— Heiiiiiin ? Mais de quoi parles-tu, Cassie ?! fit la magicienne qui retourna près de l’elfe. Pourquoi on me cache toujours des choses à moi ? Grrr…
Le jeune Doyle soupira de soulagement. Il remercia le ciel que l’archère avait vu clair dans son jeu et qu’elle essayait de lui faire gagner du temps.
Gabriel, à côté de lui, marmonna :
— Alors… Toi, t’aimes bien la petite Luna, hein ?
— C’est si évident que ça ? gémit Derek, qui souhaita se faire petit.
— Disons que je ne te prendrai pas comme partenaire de poker.
— Eh merde…
— Je crois que tout le monde au palais est déjà au courant, sauf Luna.
— Fait chier…
— Ça fait des mois qu’on t’observe, tu sais ? Va falloir que t’assumes un jour et que tu lui dévoiles tes sentiments.
Bien qu’il n’ait pas souhaité l’admettre, Derek devait avouer que son camarade obèse avait raison. Derrière eux, Luna broyait du noir alors que Cassandra et Serenity discutaient des aventures de la demoiselle ailée. Après tout, celle-ci avait partagé d’excellents moments avec Shayne et Nox ; bien avant qu’ils ne rejoignent Baldt.
Windy planait au-dessus de leurs têtes, alors que Lusso somnolait toujours sur l’épaule de la guérisseuse.
— Je vois de la fumée ! lança l’oiseau au-dessus de leurs têtes.
— Où ça ? demanda l’elfe.
— En direction du village, il y a un incendie !
— Mince, tonna Gabriel, nous devons presser le pas.
Ils coururent donc en direction de Doylesbourg, au lieu de marcher comme prévu, ce qui coupa la longueur du trajet. Au bout d’une dizaine de minutes, ils croisèrent quelques citoyens du petit village qui avaient pris la fuite, ils étaient cachés derrière de grands arbres. Gabriel était à la traîne, complètement essoufflé et couvert de sueurs. Le pauvre n’était pas fait pour les déplacements rapides. Il prit trois grosses gorgées de sa gourde d’eau avant de prendre une position droite.
Le soleil allait bientôt se coucher, le ciel commençait déjà à prendre des couleurs orangées avec la fumée qui se répandait à perte de vue.
— J’espère que la capitale enverra des renforts, couina Serenity, entourée des autres.
Ce fut le colosse qui s’adressa aux rescapés. Ces derniers étaient recouverts de crasses et leurs vêtements empestaient la suie.
— Que s’est-il passé ? demanda-t-il à la plus âgée des femmes, la plus calme et celle qui semblait avoir un semblant d’autorité sur le reste du groupe.
— Ce sont les membres du culte… dit la vieille dame. Ils étaient à la poursuite d’un volatile enflammé qu’ils ont attaqué, ensuite l’animal a tenté de s’éloigner, mais l’un de leurs projectiles a frappé la pauvre bête qui est devenue un tas de cendres, mais pas avant que ses flammes n’incendient notre village !
— Que faites-vous ici ?! demanda Luna, confuse. Y a-t-il d’autres blessés au village ?
— Le maire a fait envoyer les femmes et les enfants en dehors de Doylesbourg afin d’assurer notre protection, répondit la vieille dame qui secoua la tête, négativement. Nous avions quelques chasseurs avec nous, mais ils ont été pour la plupart abattus par les bêtes de la région. Le seul survivant est mort il y a un quart d’heure.
Il y avait avec eux des enfants et des demoiselles apeurées qui grelottaient de froid. Cassandra et Serenity s’approchèrent de l’une des enfants qui semblait s’être blessée à la cheville, elle pouvait à peine se tenir debout. L’elfe prit la main de l’enfant alors que Serenity invoquait déjà la magie de guérison la plus appropriée dans son répertoire…
— L’oiseau de feu était probablement de Kelvin, remarqua Windy qui s’était posée sur l’épaule de sa porteuse, ou plutôt, son épaulette en cuir.
— Tu crois ? demanda Luna. J’ai ressenti sa présence dans mes rêves. Il semblait vouloir me contacter dernièrement.
— Il essayait probablement de former un pacte avec toi, mentionna l’elfe qui s’occupait toujours de l’enfant blessé.
— Oui, mais maintenant c’est foutu… Il est mort, ajouta l’adolescente.
— Pas forcément, répliqua l’esprit du vent. Les phénix renaissent toujours de leurs cendres. C’est pour cette raison que Kelvin a sûrement pris la décision de se manifester sous cette forme.
La doyenne de Doylesbourg ne semblait pas comprendre où ces gens voulaient en venir, mais elle attira l’attention des brigadiers quand elle se racla la gorge.
— Je vous en prie, emportez-nous dans un endroit sûr, dit-elle. Nous ne savons pas nous battre et les gens du culte risquent de nous tuer si nous retournons chez nous… Ils avaient déjà commencé à saccager nos demeures lorsque nous avons dû tout abandonner derrière nous.
Gabriel échangea un regard les autres membres de son groupe, avant de retourner son attention vers la responsable.
— La consigne voulait que nous rejoignions votre village avant la tombée de la nuit, dit le colosse. Êtes-vous certaine que c’est ce que vous voulez ?
— Le maire nous a demandé de fuir et de vous retrouver… C’est peine perdue avec le village en flammes…
— Mmm… C’est embêtant…
Le golem se mit une main sur le menton, et caressa sa barbe. Il réfléchissait à ce qu’ils devraient tous faire par la suite.
— Eh minute, dit la magicienne qui s’adressa à Windy. Ne seriez-vous pas capables de localiser l’énergie de vos frères et sœurs ? Dans ce cas, pourquoi ne pas nous avoir dit que Kelvin était dans la région ?
— C’est plus compliqué que ça en a l’air, expliqua Lusso après un bâillement. Lorsque nous sommes en fuite ou bien que nous sommes blessés, nous relâchons souvent de l’énergie magique dans la nature, afin de nous camoufler aux autres créatures. C’est ce que j’ai fait pour aller sauver Misaki l’autre fois, mais les disciples de Perséphone ont été plus rusés que moi.
— Donc ce phénix était en danger depuis une longue période et nous n’avons rien pu faire pour lui, commenta Cassandra, attristée.
— Nous ne pouvons rien confirmer pour le moment, mentionna Luna. Il faut raccompagner ces gens chez nous avant qu’il fasse tout noir.
Tous conclurent qu’il fallait protéger les civils, alors Derek et Serenity demandèrent au groupe de les suivre et la brigade fit demi-tour. Gabriel semblait s’égarer un moment dans ses pensées, plus lent que d’habitude. Il était un peu à l’écart du reste du groupe. Luna et Cassandra étaient devant lui et assuraient les arrières de l’apprenti brigadier et de la guérisseuse ailée. Les monstres commençaient à se montrer de plus en plus nombreux maintenant qu’ils avaient vu la peuplade bouger à travers les plaines. Ces créatures s’étaient approchées dangereusement, mais rien que la chasseuse et la magicienne ne pouvaient pas éliminer sur de longues distances.
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