20.1 - Les négociations

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Le cortège d’Artael était arrivé au campement des rebelles vers la tombée de la nuit. On l’avait escorté en compagnie de Gabriel et de Misaki vers la tente de celui qu’ils considéraient leur chef. Quelques personnes avaient reconnu la guerrière comme l’une des leurs et se demandaient ce qu’elle faisait ici.

Aussitôt entrés dans la tente, un grand homme musclé aux cheveux noirs observa le conseiller avec attention, puis son regard se tourna vers Misaki.

Daichi Hatsuki fronça des sourcils. Il avait une petite idée sur l’identité de l’inconnu, mais se demandait pourquoi la guerrière avait insisté à l’accompagner au campement. Il était debout, incliné près d’une grande table avec une carte de la république très détaillée. Il portait une armure en cuir et à sa ceinture étaient attachées deux longues dagues. À son dos se trouvait un sabre recouvert d’une gaine.

Il toisa Artael avant de dire :

— Vous êtes l’envoyé du Conseil, si j’ai bien compris ? Celui de la missive qu’on a reçue plus tôt ? Êtes-vous au courant que nous sommes en guerre contre la capitale ?

— C’est justement la raison pour laquelle je suis ici, déclara l’homme aux cheveux blonds. Je me présente, Artael Markios, conseiller et citoyen de Baldt. Je viens ici de mon plein gré dans l’espoir de négocier un terrain d’entente avec vous.

Ha… Ça c’est la meilleure. Le président envoie l’un de ses chiens pour faire ses sales besognes, incapable de faire les démarches lui-même ! râla Daichi dans une langue étrangère. Misaki-chan, que fiches-tu ici ?

Megumi-san m’a fait part de vos intentions lors d’un aveu ce matin, répondit Artael en imitant le même dialecte que son interlocuteur. Elle ne désire pas la guerre tout comme vous et je suis du même avis. Il serait inutile de causer un massacre.

Alors elle nous a trahies…

— Je suis vivante, que je sache et je suis devant toi. Je suis capable de parler par moi-même, dit sèchement la guerrière, dans la langue commune.

Qu’est-ce qui t’as pris ?! hurla le chef des rebelles.

Le meurtre du Conseiller Doyle est la goutte qui a fait déborder le vase, Daichi-kun ! Tu es un idiot et maintenant nous avons son sang sur nos mains !

Je ne laisserai pas une traîtresse me dire ce que je dois faire de notre rébellion.

Gabriel pencha sa tête d’un côté ; il ignorait quelle langue ces trois-là utilisait pour communiquer. Il n’aimait pas cette sensation d’isolement. Ce dialecte lui semblait familier pour l’avoir entendu à quelques reprises lorsque le conseiller avait discuté avec des marchands, autrefois.

Artael hocha la tête avant de répliquer dans la langue étrangère :

Elle est peut-être une traîtresse, mais son cœur est à la bonne place. Jamais elle n’a voulu vous faire du mal. Elle voulait simplement vous aider à vous faire une place dans notre république sans vous pousser à nous tuer.

— Où avez-vous appris notre langue natale… ? demanda alors le chef des rebelles qui retourna son attention vers Artael.

— Votre langue est enseignée au collège de Xu Fahn où j’ai passé quelques années avant d’être nommé conseiller. Au cas où vous l’ignoriez, ce village aux nombreuses cultures similaires à la vôtre, a tout fait pour préserver votre langue et l’enseigner aux gens. Une fois qu’on connaît les bases et les prononciations, c’est assez facile de retenir les termes.

Merde… Inutile de me casser la tête à vous cacher mes traditions dans ce cas. De quoi recouvrir mes ancêtres de honte et de mépris…

Le conseiller secoua la tête, puis mit ses mains sur la table où se trouvait la grande carte de la république. Il cligna des yeux un instant avant de poursuivre.

— Vous ne voulez pas perdre vos amis et votre famille, personne ne veut vraiment perdre qui que ce soit, dit-il. On ne veut pas perdre ses alliés les plus précieux dans une guerre. Je viens ici de mon plein gré, sans même avoir averti notre président. Je fais tout ceci librement dans l’espoir de trouver un compromis. Nous sommes au courant des nombreux dégâts causés par les démons et les brigands. Nous savons aussi que plusieurs de vos amis ont perdus des membres de leurs familles durant ces raids monstrueux. Malheureusement, nos trésoriers ne nous permettent jamais de financer les reconstructions comme on le souhaiterait. Notre pays est en dette de plusieurs milliers de pièces d’or et ce depuis que nous avons signé le traité de paix avec Lanartis.

Nous sommes capables de reconstruire nos terres, nous sommes de vaillants travailleurs, dit Daichi en fronçant des sourcils. Ce que nous ne pardonnons pas, c’est le manque de respect envers nos défunts. Aucune œuvre de charité n’a été organisée lors de l’invasion de mon île qui n’est aujourd’hui rien de plus que l’ombre d’elle-même. Plusieurs de nos proches y sont morts, d’autres se sont perdus à travers le continent en espérant y trouver de nouvelles terres où loger… Et ça, c’est sans oublier nos aînés qui ont refusé de partir de chez nous. Votre république n’a pas été généreuse envers mon peuple. Souvent les gens nous ont traité comme des moins que rien, rejetés et insultés. Nous méritons mieux que ça !

— Les lois contre le racisme existent pour cette raison, explique le conseiller. Notre république interdit aussi la xénophobie, le sexisme et le lynchage public. Vous auriez dû rapporter cet incident au plus vite, cela nous aurait facilité la tâche.

Non, mais je rêve ! rugit le chef des rebelles en plantant son poing dans la table. Nous avons essayé de communiquer avec votre Conseil à plusieurs reprises, mais personne parmi nous à l’époque ne savait comment écrire, ni parler votre langue. Nous avons tous appris à parler cette dernière grâce à vos prêtres et prêtresses qui nous ont enseignés les mythes et légendes de leur Déesse Athéna. Peu d’entre nous savaient écrire votre langue, sauf les autres gens qui se sont joints à nous au fil des années. Êtes-vous au courant que nous devions écrire un grief et le faire passer par votre gouvernement à la con ? Nous avons tenté de faire un suivi de ce genre, mais notre messager a été rejeté par vos conseillers et il est revenu chez nous avec un bras en moins ! Je veux des noms et des têtes… Jamais nous ne pardonnerons cette insulte et je jure qu’on vengera son honneur !

— Il s’agit de Hayato Miyazaki, n’est-ce pas ? dit le conseiller, sous l’état de choc. Ce dernier parlait à peine notre langue et a été interrogé par mon frère aîné… On m’a fait savoir qu’il l’avait relâché en dehors de la capitale… J’ignorais qu’on l’avait amputé… Mes plus sincères excuses…

Artael s’inclina poliment, comme le voulait la coutume des îles.

Alors c’est votre frère, ce sale chien d’enculé qui a torturé Miyazaki-san ?! grogna Daichi.

— Oui, je l’admets, formula le conseiller, qui reprit sa position initiale. Il est aussi l’un de nos brigadiers… Notre père adoptif, le président fait tout pour qu’il reste en dehors de nos cellules, même si je finis toujours par le mettre dans l’une d’entre elles. Mon crétin de jumeau est incapable de se comporter correctement en public. Celui-ci n’arrête pas de briser les lois et notre père adoptif est trop aveugle pour se rendre compte que son fils représente un danger pour nous tous.

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