16.2 - La détresse d'une guerrière

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— Pas pour le moment, répondit Artael. Mais Mademoiselle Appleseed a passé toute la soirée à examiner la scène du crime et à rechercher des indices sur le corps. Nous espérons avoir des résultats bientôt. Pour le moment, j’ai d’autres nouvelles qui risquent de ne pas de plaire aux gens de la capitale.

— Quoi donc, mon frère ? Que se passe-t-il ?

— C’est en rapport avec les gens de la rébellion. L’un de leurs représentants a laissé une note, collée à la porte du bureau de notre président. On l’a trouvée, ce matin. Ils disent qu’ils ont envahi Xu Fahn et réquisitionné plusieurs de nos marchandises… Cela inclut de nombreux produits importés d’outre-mer et les nôtres.

— Ne me dis pas qu’ils ont enfin décidé de passer à l’action, ceux-là…

— J’en ai bien peur. Père m’a ordonné de préparer au moins trois brigades, afin d’aller porter secours aux habitants de Xu Fahn. Je ne pense pas que ça soit une bonne idée, car la population de Baldt est encore secouée par les événements d’hier.

— Qu’en est-il des réparateurs que nous devions envoyer à Kritz ?

— Pour le moment, nous devons nous concentrer sur Xu Fahn. Leur ville est beaucoup plus en danger que la leur.

Nash fit non de la tête.

— Ils sont tous aussi en danger que les xu fahniens, déclara-t-il.

Il fronça des sourcils et croisa les bras.

— Ils vivent près des montagnes où squattent les rebelles, ajouta celui-ci. Si nous ne faisons rien pour eux, ils risquent d’y passer aussi. Il nous faut envoyer des réparateurs là-bas ainsi que nos soldats, sinon je ne peux pas te promettre qu’ils survivront à une nouvelle embuscade.

Artael se prit le front d’une main ; il réfléchissait à un plan d’action. Nash avait raison, mais leurs troupes avaient été réduites après toutes ces réductions budgétaires. Les pertes qu’ils avaient connues dernièrement, ne les aidaient pas du tout. À cause des dégâts de certaines missions, on ne pouvait plus prendre de risques, sans d’abord consulter le Conseil. Le conseiller ne pouvait pas compter sur Troyd, ni sa brigade. Ces derniers étaient peu désirables, pour ce genre de tâche.

Peu importait la décision que leur gouvernement allait prendre, le président insisterait comme toujours d’envoyer son fils adoré sur le champ de bataille. Il avait même fait sortir ce dernier de prison, au moment même où Artael l’avait mis en cellule. Virgile en avait profité pour sermonner le plus jeune des jumeaux, qui devait protéger son frère aîné, plutôt que de toujours le rabaisser. D’après leur père adoptif, il s’attendait de voir le tyran prendre sa place, l’un de ces jours.

Tu parles, s’était dit Artael. Troyd ne sera jamais capable de gérer notre république. Il mourra avant d’être nommé président.

Virgile était bien trop incompétent pour se rendre compte que son fils n’apporterait que désastres sur désastres. Il détruirait le régime actuel rien que pour le remplacer par un nouveau système discriminateur envers la gent féminine. Déjà qu’il était l’une des principales sources de problèmes à la capitale, on n’avait pas besoin de lui aux commandes. Baldt foncerait tout droit vers la catastrophe…

Artael songeait de plus en plus à se présenter comme candidat aux prochaines élections ; il comptait changer les choses et se débarrasser des gens comme son frère jumeau. Avec la façon dont le président gérait le pays actuellement, le conseiller en avait beaucoup sur la conscience, au quotidien. Il devait faire en sorte que tout se passait bien pour les gens de la ville et ses environs. C’était pour cette raison qu’il se chargeait d’une bonne partie des brigades, lorsque les membres du Conseil n’arrivaient pas à prendre certaines décisions. Il prenait plusieurs initiatives pour les sortir du pétrin et on le remerciait ensuite d’agir ainsi.

Les décisions d’Artael avaient fait en sorte de régler bien des conflits, mais il était impossible de calculer, selon lui, le nombre d’imprévus auxquels ils devaient faire face à tous les jours. Voilà pourquoi il avait adopté la philosophie d’une journée à la fois, tentant de trouver un moyen de satisfaire tout le monde, avec les quelques conseillers qui l’appuyait dans ses démarches. Les autres avaient trop peur de décevoir le président, alors ils essayaient de demeurer le plus neutre possible.

On cogna à la porte du bureau.

La secrétaire annonça que Misaki Megumi désirait le rencontrer en personne. Nash avait haussé un sourcil quand il avait entendu le nom de sa partenaire. Il comptait rester, curieux de savoir ce qu’elle voulait. Artael se dressa devant son pupitre et jeta un coup d’œil par-dessus son cadet. Que pouvait bien lui vouloir Misaki ?

— Faites là entrer, dit le conseiller, à l’attention de sa secrétaire.

Il se réinstalla ensuite, sur sa chaise.

— Nash, tu peux rester… ajouta-t-il. J’ai l’impression que ça concerne ton groupe…

Un instant plus tard, Misaki rentra au bureau et s’assit aux côtés de Nash. Elle était nerveuse et se tordait les mains ; elles étaient moites. Le capitaine remarqua que ses yeux étaient cernés et qu’elle n’avait probablement pas bien dormi de la nuit.

— Parlez, Mademoiselle Megumi. Je vous écoute, dit le conseiller, intrigué. Est-ce que vous allez bien ?

Elle haussa des épaules rapidement avant de répondre :

— Vous devez d’abord me promettre de ne pas vous fâcher… Je dois vous avouer quelque chose et c’est très important que vous m’écoutiez jusqu’à la fin de mon récit.

— Nous ne sommes pas des barbares, si c’est ce que vous insinuez, dit Artael.

Il croisa ses mains devant lui et les posa sur son pupitre.

— Très bien… formula-t-elle, nerveuse.

Elle se gratta le bout du nez.

— Donc… Par où commencer… ? poursuivit-elle. Je sens que je vais le regretter…

Artael ordonna à sa secrétaire de refermer la porte derrière l’invitée. Ces confidences seraient probablement importantes, alors il préférait faire en sorte que celles-ci ne sortent du bureau avant qu’il ait tout entendu.

— Je suis… ou plutôt, j’étais… une agente infiltrée… pour l’alliance des rebelles, finit-elle par prononcer. Mon chef m’a envoyé pour trouver des entrées par lesquelles notre armée pourrait infiltrer la ville et conquérir celle-ci… Ils ont planifié d’envahir la capitale dans quelques jours, mais je ne pouvais pas les laisser faire, les bras croisés… Ce qu’ils comptent faire est dangereux…

— Je me doutais bien que tu nous cachais quelque chose, soupira Nash qui secoua la tête. Nous sommes tombés dans le panneau.

Misaki regarda son capitaine et afficha une expression désolée. Il était déçu, mais elle ne décelait aucune colère dans son regard.

— Je sais… et j’en suis sincèrement désolée… soupira-t-elle. La victime d’hier, c’était leur façon de vous dire qu’ils vous déclarent la guerre.

Artael était conscient que la rébellion en cours était en partie la faute de son père adoptif. Tous les responsables de la capitale savaient que les rebelles en avaient marre d’être ignorés par le Conseil. Ils n’avaient pas assez de fonds pour venir en aide à ces familles et ne pouvaient pas reconstruire leurs villages détruits. Ils n’étaient pas assez nombreux pour envoyer des ouvriers partout dans la province. La qualité de vie de ces gens n’avait fait qu’empirer durant les derniers mois, au point qu’ils commençaient déjà à envahir les villes de la région.

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