13.2 - La fête des récoltes

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Misha avait remarqué l’air bête de son frère aîné et décidé de s’approcher de lui. Elle tira ses oreilles, alors que leurs kiosques étaient peu occupés.

— Allons, Didi ! commenta celle-ci, les sourcils froncés. Ça fait des semaines que tu soupires quand tu vois la petite Luna passer. Qu’est-ce que t’attends pour aller lui demander de sortir avec toi ?!

Leur mère, derrière eux, était occupée à compter l’argent de leur petite caisse. Ils avaient presque vendu tous les paniers de légumes supplémentaires, sans compter ceux qu’ils avaient donnés par charité. Les bouteilles de parfum avaient un énorme succès avec les dames de la région, même que certaines d’entre elles étaient souvent achetées par les hommes qui souhaitaient faire plaisir à leurs dulcinées.

— Misha… laisse ton frère tranquille, ordonna Gretta d’un ton sec.

— Mais maman… si on ne l’encourage pas, il ne sortira jamais de la maison et n’ira jamais faire sa vie ailleurs ! Tu veux qu’il grandisse, oui ou non ?

La grande fermière à la chevelure rousse secoua la tête et roula les yeux.

— Un jour, comme ton père le dit souvent, ton frère sera assez grand pour prendre ses décisions tout seul, répondit Gretta. Pour le moment, nous devons prendre soin de lui, comme nous prenons soin de toi.

— Mais il va bientôt avoir dix-neuf ans ! insista sa fille.

— Arrête de râler et viens m’aider à calculer nos profits.

— Oui, m’man…

Résignée, la marchande de fleurs aida sa mère à compter leur argent. Derek de son côté servit un autre panier de légumes à une jeune femme qui vint à leur étal. C’était une grande brunette avec un bandeau dans les cheveux, elle portait un arc sur son dos. Il lui semblait l’avoir vu se promener avec Luna, un peu plus tôt dans la soirée. Il ne savait pas qui elle était, mais elle était venue s’installer en ville récemment. Elle le remercia puis alla visiter le kiosque des parfums de sa sœur.

Elle est mignonne, remarqua le jeune homme qui rougit. Pas aussi adorable que Luna, mais charmante. J’imagine qu’une jeune femme comme elle doit avoir de nombreux prétendants. Je me demande si je ne devrais pas m’entraîner à parler à une dame comme elle… Peut-être que j’aurai plus de chance à discuter avec Luna, à l’avenir ? Mais qu’est-ce que je raconte ? Les femmes n’ont pas toutes le même caractère… Je suis qu’un idiot !

À quelques mètres des tables de fruits et légumes, le Père Shalom s’était installé près de la grande fontaine. Il avait une table de citrouilles et de pastèques qu’il sculptait, avec des enfants qui l’entourait. Il s’était porté volontaire afin d’aider les parents à trouver des activités pour les plus jeunes. L’un des préadolescents, qui l’accompagnait, prit l’une des plus petites citrouilles et s’en servit comme ballon, qu’il lança dans les airs et essaya de le rattraper. Hélas…

— Ne fais pas ça, Duncan ! Ouah ! s’exclama le prêtre.

Boum ! La citrouille tomba tout droit sur la tête du pauvre religieux. Il perdit l’équilibre et fut aussitôt renversé. Cela fît rire quelques enfants et choqua les pauvres parents qui avaient assisté à la scène. L’un d’entre eux aida le Père à se relever. Malheureusement, la table s’était renversée quand il était tombé. Des enfants mangeaient déjà des morceaux de pastèques surgelées alors leurs parents les grondaient d’avoir mis quelque chose de sale dans leurs bouches. Déboussolé, le pauvre Père Shalom fut reconduit à l’église, où il passa le reste de la soirée.

Pendant ce temps, Nash s’installait de l’autre côté de la fontaine et discutait avec son neveu, Kyran.

— Au fait, mon oncle, nous avons eu des nouvelles de Gwen, dit le blond aux binocles. Elle nous a envoyé une lettre l’autre jour, stipulant qu’elle avait trouvé un emploi à Mytira, comme réceptionniste dans une guilde d’aventuriers.

— Ah bon ? Je suis content qu’elle se porte si bien. La dernière fois qu’on a entendu parler d’elle, c’était quelque temps après sa fugue. Après la dispute qu’elle a eu avec son père, je pensais qu’elle avait décidé de couper les ponts, pour de bon.

— Elle ne lui a toujours rien écrit, mais on correspond souvent. Elle ne désire plus revenir à la capitale et préfère vivre de ses propres moyens. Elle dit aussi de faire des bises à toi, Flint, Sarah et Gabriel. Tu sais comment elle est : une vraie tête de mule comme Flint… Au moins, ils sont respectueux, contrairement à l’oncle Troyd.

— Elle me frustre un peu, maugréa le capitaine. J’ai passé mon adolescence à vous garder et elle m’a complètement oublié après son départ… C’est triste de n’avoir aucune reconnaissance de sa part. Je crois que je ne vaux rien à ses yeux.

Kyran hocha la tête, avec une moue.

— Je sais… Je comprends tout à fait ta frustration, mon oncle.

Gwenaëlle Markios, la troisième née d’Artael, avait toujours été la plus rebelle des quadruplés. Elle avait aimé jouer des tours à ses frères et à sa sœur, lorsqu’elle avait été gamine. Toutefois, une fois plus grande, elle avait rêvé de voyager et de partir loin de la capitale afin d’aller vivre sa vie. Elle n’avait jamais été sur la même longueur d’onde que son père, voilà pourquoi elle avait décidé de fuir vers l’âge de seize ans. Mais il semblerait que ce ne soit l’unique raison de son départ. On ne l’avait plus jamais revu. Cependant, elle avait continué de communiquer avec Kyran. Il servait d’intermédiaire au reste du groupe.

Elle n’avait rien envoyé d’autre au reste de sa famille et pendant longtemps, elle n’avait même jamais laissé d’adresse pour la rejoindre. Kyran devait se contenter d’envoyer des lettres à travers un contact de sa sœur qui passait à la capitale, une fois aux trois mois. Durant quelques années, le jeune homme n’avait envoyé des lettres que par nécessité. Récemment, il lui en avait écrites plusieurs et attendait le retour du messager, afin de livrer celles-ci.

Puisque Gwen vivait désormais à Mytira, elle avait laissé une adresse à son frère et lui avait fait promettre de ne pas ébruiter cette dernière. Voulant honorer la demande de sa sœur, il avait mémorisé les coordonnées et brûlé la feuille qui contenait celles-ci. Il pourrait donc commencer à lui envoyer des nouvelles de sa famille plus souvent. Elle n’était même pas au courant que leur frère cadet allait bientôt se marier avec leur ancien serviteur. C’était ce qu’il lui avait écrit dans la dernière lettre. Les autres dataient toutes de plusieurs semaines.

— Si jamais tu veux lui envoyer quoi que ce soit, tu peux lui écrire, tu sais ? proposa Kyran, à son oncle. Je me chargerai de lui envoyer tout ça lorsque viendra le temps de lui faire parvenir mes propres lettres.

— Je préfère m’abstenir, dit le capitaine. Elle prendrait sûrement cela comme une insulte et je n’ai pas que de gentilles choses à lui dire. Elle m’a profondément blessé lorsqu’elle a coupé les ponts avec nous.

— Sûrement… mais voilà quelque temps que j’essaie de réconcilier Flint et Sarah avec elle. Ils n’ont pas l’air de vouloir lui parler. Ils sont aussi fâchés que papa et toi lorsque l’on mentionne son nom.

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