La capitale n’avait pas tellement changé depuis les dernières vingt-quatre heures. La bonne nouvelle, c’était que le festival agricole aurait lieu ce soir-là, la mauvaise c’était qu’ils devaient faire un rapport collectif de leur mission aux supérieurs. Ensuite, ils passeraient une partie de l’après-midi à la salle des réunions, afin de parler de leurs expériences avec l’un des membres du Conseil.

Toutefois, avant de rentrer dans la ville, Nash fit promettre à tout le monde de cacher l’existence des esprits élémentaires au sein de leur groupe. Il ne voulait pas que les gens apprennent que deux d’entre eux étaient des porteurs de ces armes mystérieuses. Il comptait cependant en parler secrètement à son frère lorsque l’occasion se présenterait.

Tout le monde semblait avoir compris la raison pour laquelle ils devaient protéger l’existence de Dia et Nox. Pour cette raison, ce fut leur capitaine qui expliqua en détail ce qui s’était produit au village au conseiller qui vint chercher leur rapport.

Nash utilisa la pieuvre pour faire diversion du véritable problème : l’existence de Dia dans les cavernes souterraines. Il expliqua qu’après avoir tué la gigantesque créature aquatique, il avait provoqué un séisme où l’église s’était malheureusement effondrée. Il serait donc très important d’envoyer des ouvriers à Kritz, afin de les aider.

Le conseiller n'était nul autre que Marcus Doyle, le même homme que Flint et lui avaient croisé pour connaître l’identité du capitaine ; le même quadragénaire chauve et autoritaire que le blond méprisait tant. Il semblait déçu de la tournure des événements et encore plus parce qu’un montant d’or serait déboursé pour Kritz.

— Vous êtes conscients que vous recevrez une pénalité sur vos paiements, Nash, dit le vieil homme à l’expression stricte. La reconstruction de cette église va nous coûter un bras. Vous savez mieux que moi, que notre économie souffre déjà depuis quelque temps… Nous n’aurons pas le choix d’adapter vos salaires en mesure des nouvelles lois. Je suis sincèrement déçu du compte rendu.

— Je le sais bien, Monsieur Doyle. Je vous ai remis ce qu’il nous restait de nos fonds pour cette mission, au moins nous n’avons pas tout dépensé.

— Une chance, en effet. Cet argent contribuera à engager les architectes et fournira un peu de nourriture à ces pauvres gens. Pour ce qui est de votre paiement, vous recevrez tous un chèque demain matin dans vos boites aux lettres. Votre neveu, Monsieur Tabris et Mademoiselle Kelly recevront leurs paiements à leurs chambres, comme prévu. Avez-vous des questions avant que je ne parte ?

— Non, rien en particulier, dit le capitaine.

— Dans ce cas, veuillez passer une bonne soirée et je vous souhaite de vous amuser en compagnie des autres citoyens lors de la fête.

Gabriel avait grincé des dents lorsqu’il avait employé le nom de Tabris pour le représenter. Légalement, il était toujours le fils de Randell Tabris. Dans son cœur, il était déjà un Markios et avait hâte au mariage pour enfin le réclamer sur ses papiers d’identité. Il essaya de ne pas craquer en présence du Conseiller.

Un moment plus tard, Marcus Doyle sortit de la salle des réunions, afin de retourner à ses autres occupations. Autrefois, il avait servi en tant que brigadier et savait mieux que n’importe qui dans ce palais que les pénalités étaient courantes, lorsqu’ils détruisaient des immeubles par accident. Par le passé, il avait été responsable de la destruction d’une ferme, à cause d’une erreur de jugement. Plusieurs années plus tard, il fut nommé membre du Conseil, pour sa loyauté envers la république. Les membres de sa famille étaient tous fiers de lui, même si certains doutaient des activités secrètes qui se déroulaient à l’intérieur de ces murs.

Les membres de la Septième Brigade sortirent tous un par un, Misaki la première.

Lorsqu’il ne restait plus que Nash et Luna dans la pièce, le capitaine lui demanda de rester un instant après avoir fermé la porte doucement.

— J’ai une requête pour toi, avoua-t-il.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle, déçue. J’avais l’intention d’aller lire, mais si c’est important, je suis là.

— C’est Mademoiselle Megumi… Elle m’inquiète. Pour ce soir et les jours à venir, j’aimerais que tu la suives en cachette et que tu vérifies ses faits et gestes. Rapporte-moi tout ce que tu trouveras de louche, mais sois certaine de ne pas te faire repérer. Je dois savoir si on peut lui faire confiance. Quelques-uns d’entre nous ont remarqué que certaines de ses histoires ne tenaient pas debout. Des fois elle semble se contredire dans ses paroles. Bref, ce soir, tout le monde va probablement célébrer, alors ça sera l’occasion parfaite pour n’importe quel intrus de s’infiltrer au palais.

— Et pourquoi moi, au juste ? commenta Luna, confuse.

— J’aurais envoyé Dia, mais je n’ai pas envie qu’elle sème la panique à cause de son apparence de louve. Tu es la plus petite et aussi la plus rapide de notre groupe. Tu ne portes pas de vêtements lourds et tu es discrète, la plupart du temps. Il n’y a que toi pour nous rendre ce service.

L’adolescente soupira. Elle n’aimait pas vraiment ce plan. Cependant, elle aimait Nash et se sentait prête pour lui rendre un service.

— Très bien, mais je me sens mal à l’idée de surveiller notre amie.

— À partir de ce soir, d'accord ? insista le capitaine.

La magicienne hocha la tête, puis sortit de la pièce.

Nash se dit qu’il devrait se rendre au quartier des marchands d’ici peu. Toutefois, il comptait d’abord rendre visite à son frère. Il espérait qu’Artael soit encore au palais.

Lorsqu’il quitta la salle des réunions, il croisa dans les couloirs Flint et Gabriel qui discutaient avec Kyran. L’assistant du conseiller avait revêtu ses vêtements de soirées importantes et avait détaché sa longue chevelure, qui reposait sur ses épaules. Il remarqua aussi que Luna sortait du palais, les bras croisés. Celle-ci était furieuse.

Cassandra, Shayne, Misaki étaient absents. Nash en déduisit que la magicienne était déjà en train de chercher la guerrière. Il s’estimait heureux qu’ils fussent tous revenus à Baldt, sains et saufs.

Dans son esprit, Dia lui envoyait en commentaire :

— C’est bien beau de devoir garder notre identité secrète, Nonox et moi, mais je vais quand même me prononcer quelques fois ! Je suis aussi l’une des vôtres désormais…