3.1 - Flint et Gabriel

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Flint était de retour dans sa chambre, ruisselant de sueur à force de courir et rouge de colère. Il avait vingt-six ans et les gens du Conseil ne lui faisaient toujours pas assez confiance pour avoir sa propre brigade : lui, le fils du Conseiller Artael ! Il bouillait de rage, tellement il se sentait humilié d’être sous les ordres de son oncle. Il s’assit sur le grand lit à moitié défait, car il avait passé plusieurs heures à se morfondre sur celui-ci, avant même que la réunion n’ait lieu.

Sa table de chevet, petite, mais solide, n’avait qu’une lampe de lecture et une photo de Diana, sa défunte mère. Elle était morte en lui donnant naissance ; le laissant seul avec son frère et ses sœurs. En ce monde, rares étaient les chances de survivre à l’accouchement de quadruplés. Même si Diana savait d’avance qu’elle n’y survivrait pas, elle ne s’était jamais plainte durant sa grossesse et avait mis au monde ses bébés, heureuse jusqu’à la toute fin.

Flint priait en silence pour qu’elle lui réponde dans ses rêves ou bien dans ses pensées. Il était convaincu que cette dernière l’écoutait, peu importe où elle se trouvait. C’était sa foi, ses croyances. Elle, au moins, savait l’écouter. Beaucoup mieux que son abruti de père qui n’avait d’attention que pour son travail.

Flint appartenait à une famille dont la vocation amenait plusieurs d’entre eux à se mêler à des problèmes politiques de leur région. Même si Flint n’avait aucun lien de sang avec le Président Knox, son grand-père, il savait qu'Artael serait probablement un candidat idéal pour les prochaines élections.

— Tout le monde dans cette fichue ville vénère notre famille comme si nous avions du sang royal, grogna-t-il en croisant les bras.

Bientôt, le frère de Flint, Kyran Markios, allait probablement reprendre le flambeau, tentant d’imiter Artael. Flint n’était pas particulièrement intéressé par l’idée de devenir politicien. Ce qu’il souhaitait au plus profond de son âme, c’était vivre selon ses propres règles et surtout avoir un peu plus de libertés.

Son oncle devait avoir au moins cinq ou six ans de plus que lui. Il ne comprenait pas trop pourquoi on ne lui laissait jamais sa chance de gérer une brigade, alors qu’il rattrapait l’âge auquel Nash avait géré sa première équipe – soit vingt-huit ans. D’ailleurs, le premier groupe de Nash avait fini par être séparé, parce que ses membres avaient dû remplacer des trous libres dans d’autres formations. Nash en avait beaucoup souffert, mais même résigné, il avait continué d’accomplir son travail.

Le Conseil était un groupe de gens très importants dans la république. Ils prenaient toutes les décisions qui concernaient l’avenir de leur nation. À leur tête, le président leur servait de guide, ainsi que de juge. Son bras droit, le Conseiller Artael, s’occupait de toute forme de diplomatie importante, lorsqu’ils devaient accueillir des visiteurs venant d’autre part. À travers le Conseil, on décidait la répartition des tâches des brigadiers de la capitale. C’était aussi par ce groupe qu’on gérait l’armée. Toutes les requêtes et les missions importantes, soumises par des représentants du peuple, passaient par eux.

Lorsque les brigadiers n’étaient pas en missions, ils patrouillaient dans de nombreux secteurs de la capitale ou bien dans d’autres villages. Il était primordial de veiller à la sécurité des civils. C’était dans cette maxime que les brigades travaillaient chaque jour et avec cette dernière qu’elles fonctionneraient, jusqu’à la fin de leurs services. Du moins, c’était ce que la plupart d’entre eux souhaitaient.

Normalement, lorsqu’on s’engageait dans les brigades, il fallait signer un contrat ou bien être recruté en tant que mercenaire. Pour le cas de Flint, le nom de Markios lui avait offert un passe-droit dans la sélection des équipes à former. Cela avait fait l’affaire de nombreux conseillers, qui ne souhaitaient pas se casser la tête avec lui.

Il avait une sale réputation dont il n’arrivait pas à se débarrasser, à cause de sa jeunesse tumultueuse. C’était l’une des raisons qui le frustraient en cet instant. Depuis qu’il était enfant, on prenait toutes les décisions pour lui. Il se sentait emprisonné dans ce cercle vicieux, même s’il se sentait à l’aise dans cette chambre où il avait passé une bonne partie de sa vie. Il avait l’impression d’être traité comme bambin, un abruti et un bouffon. Pire : comme un prince gâté et il détestait cette sensation. Il voulait qu’on le traite comme tout le monde.

— Mmm… Flint… ? dit une voix derrière lui.

Le blond sursauta. Il avait complètement oublié la présence de Gabriel qui s’était installé derrière lui. Il soupira, exaspéré, et se laissa tomber vers l’arrière. Il posa sa tête sur le ventre mou du colosse et râla. Flemmard, il caressa celui-ci comme une grosse peluche, tel qu’il le voyait.

— J’en ai marre qu’ils me prennent pour un con… grogna Flint.

— Je sais. Sois patient, ton tour viendra.

— C’est ce qu’on me dit tout le temps, Gab. Je commence à penser qu’ils ne veulent pas que je fasse ma vie ! Ça n’a aucun sens ! Je suis tout le temps cloué au palais, quand je ne travaille pas, et mon père n’aime pas que je m’éloigne trop loin de la ville, sans toi ou d’autres escortes. Je me sens pris au piège… Je songe de plus en plus à rejoindre la guilde des aventuriers… Au moins j’aurais un prétexte pour partir loin d’ici !

Gabriel passa une main dans sa chevelure dorée, pour essayer de le calmer.

— J’aime bien quand tu fais ça… marmonna Flint, à la fois détendu et séduit.

— Je sais, c’est pourquoi je le fais tout le temps.

Flint se leva délicatement et posa ses lèvres sur celles de Gabriel qui lui rendit le baiser de plus belle. Pendant plusieurs minutes, ils s’enlacèrent l’un contre l’autre, à se bécoter et à se dire des petits mots doux. Flint se sentait tellement bien avec lui qu’il pourrait normalement rester ainsi pendant des heures, à le caresser… Les formes de son fiancé lui plaisaient beaucoup à un tel point qu’il ne l’imaginerait jamais autrement. Toutefois, sa tristesse l’empêchait de s’épanouir, en cet instant.

Il fit un dernier baiser à son fiancé. Ensuite, il se leva de son lit et s’approcha de la fenêtre de leur chambre. À force d’être concentré sur sa vie professionnelle, parfois il lui arrivait d’oublier l’existence de Gabriel, malgré son gabarit impressionnant. C’était dans des moments pareils qu’il avait honte de sa personne. Il posa l’une de ses mains près de la bordure en bois qui encadrait la fenêtre.

— Dis chéri… ? demanda le blond, son regard perdu à l’horizon. Te souviens-tu de la fois où tu m’as demandé qu’on sorte ensemble ?

— Bien sûr, Flint. J’étais terrifié…

— Pourtant, je ne t’ai pas repoussé. Tu as beaucoup hésité à le faire… parce que tu étais mon serviteur, tu vois ? Et moi durant toutes ces années, je t’ai toujours voulu…

Gabriel ne dit rien. Il savait très bien où son partenaire voulait en venir.

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