Chapitre 21 : Infiltration à Stharvos (3).

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À Stharvos, au sein du nouveau quartier, Rui et Shizza sont poursuivis par les troupes thessalonienes. Ils décident de se séparer afin de mieux les semer. Leur but : Atteindre le temple d’Athéna qui trône en aval de la ville.

Accéder au temple n’était pas chose aisée. Il fallait tout d’abord passer le nouveau quartier entourant le centre de la ville. Ensuite, traverser l’ancien quartier en prenant soin d’éviter le palais qui trône en plein milieu. Enfin, une fois cela accomplis, il ne restait plus qu’à prendre le sentier au pied du mont Panargias pour arriver au temple, le tout en évitant les gardes postés de part et d’autre de la cité.


Tandis que Rui file droit vers l’ancien quartier, Shizza se fait rattraper par les gardes :

- Par ici ! on en a trouvé un !

- On arrive !

Les soldats se précipitent comme des mouches attirées par le miel.

- Mince, Rui m’a distrait, je dois filer d’ici ! s’écrie le jeune homme.

Les soldats sont déjà là, obstruant l’entrée. Il s’élance aussitôt en direction de l’autre côté de la ruelle mais il est trop tard. Une troupe bloque déjà la sortie. Il est pris en tenaille. Mais Shizza garde son sang-froid. Ses pupilles tâtent tous les recoins à la recherche d’une solution.

- Tu es fait comme un rat, vocifère l’un des ennemis.

- Attrapez-le ! hurle un autre.

Et les voilà qui s’engouffrent dans la ruelle, resserrant l’étau un peu plus sur leur cible.

- Ici ! s’écrie tout à coup le jeune homme.

Relevant tous les détails, il remarque une fenêtre à sa droite, à plus de quatre mètres du sol puis une jointure en fer sortant du mur de gauche, à un peu moins de trois mètres de lui.

Il sort de sa poche le foulard qu’il portait à la taverne, lorsqu’il espionnait les thessaloniens, puis s’empresse de déchirer un bout de ses vêtements. Shizza les attache l’un à l’autre en toute hâte : Pourvus que ça marche… je ne vois pas d’autres solutions.

Aussitôt fini, il s’élance vers les soldats face à lui. Ces derniers, tout sourire, s’apprêtent à le cueillir. Mais c’était sans compter sur la vivacité d’esprit du garçon. Shizza arrive pile devant l’un des gardes qui abat de toutes ses forces sa lame sans réfléchir. Le jeune homme bondit en arrière afin d’esquiver puis il se reprend immédiatement et repart de l’avant. D’une impulsion, il arrive sur la tête de son opposant, encore courbé suite à l’attaque, puis s’en servant de tremplin, il enchaîne un second saut sur l’épaule du soldat suivant.

Les deux gardes, pris de court, trébuchent tandis que le garçon prend son élan. Il lance immédiatement le bout de tissus, qu’il a assemblé plus tôt, à sa gauche.

La corde de fortune va s’enrouler sur la pointe métallique fixée au mur. Emporté par son poids, le jeune homme se dirige tout d’abord vers les gardes devant lui. Ses derniers agitent leurs armes en l’air afin de le toucher mais Shizza esquive de justesse en balançant des jambes. L’apesanteur jouant son rôle, la corde qu’il tient, tel un mouvement de pendule, l’attire de nouveau en arrière. Les soldats qui le voient revenir vers eux, s’apprêtent à retenter leur chance. Mais cette fois le garçon use de son poids à son avantage. Serrant fort le tissu qui le maintien en suspension, il se décale vers la gauche. Les soldats assistent impuissant à la scène. Le jeune homme se met à courir sur le mur qui lui sert d’appuis avant de se lancer dans les airs. Par cette gymnastique, il réussit à changer le mouvement de bascule de la corde et se retrouve projeter sur le mur d’en face. Shizza arrive enfin à hauteur de la fenêtre. Il lâche prise avant de sauter dans l’ouverture.

L’atterrissage est moins contrôlé, le jeune homme roule sur lui-même avant de se heurter au mur de la petite pièce vide : Aïe ! Ça fait mal ! s’écrie-t-il en se frottant la tête, bien, pas de temps à perdre !

Shizza se relève, ouvre la porte et se précipite vers le toit.

- Il est en haut regardez ! pointe du doigt l’un des assaillants

- Ne le laissez pas s’enfuir ! crie un autre.

Sans perdre de temps, un groupe de soldats pénètrent le bâtiment et monte rejoindre le jeune garçon, afin de le poursuivre depuis les toitures, pendant que le reste des gardes le prennent en filature d’en bas.

Shizza, lui, ne se relâche pas. Il s’élance de toits en toits, faisant attention à ne pas glisser sur une tuile défectueuse tandis que ses poursuivants ont du mal à tenir la cadence et surtout l’équilibre.

- J’espère que Rui s’en sort mieux que moi… Le connaissant il a surement dû rameuter toute l’armée à ses trousses… s’inquiète le jeune homme.

Un peu plus tard, au sein de l’ancien quartier, dans les couloirs du palais de Stharvos, le valet de l’archonte Longius dispense les tâches aux servants :

- Toi ! Va récurer les vatères. Toi, va astiquer les vitraux.

- Oui, Mr. Alberan !

- Toi le nouveau ! poursuit-il.

- Oui ! rétorque Rui.

- On m’a dit que tu es là pour la nourriture, c’est bien ça ?

- Oui ! vocifère le jeune homme, tout en fixant les grosses boucles blondes partant de la nuque jusqu’au sommet du crâne de son interlocuteur.

- Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ?! s’irrite l’homme de main avant de se ressaisir : Hmm, passons, tu seras commis en cuisine pour l’instant, on manque de personnel ce soir. Disposez !

- Oui, Mr Alberan ! répètent les servants en chœurs, avant de courir s’atteler à leurs tâches.

Rui, ne sachant que faire, se met tranquillement en route avant d’être rappelé à l’ordre par le valet : Toi, le nouveau ! Qu’est-ce que tu fabriques ? Les cuisines sont de l’autre côté ! Suit moi je vais te montrer.

Ils arpentent les longs couloirs du domaine. Le sol, recouvert d'une moquette aux amples volutés ornementales, donne la sensation au jeune homme de marcher sur du velours. Son regard est attirés par divers tableaux, statues et armures héteroclytes qui  jonchent les murs, formant un panaché de nuances assez original et extravagant. Le jeune paysan de Munt découvre, avec surprise et pour la première fois, ce qu’est le luxe.

Après un court moment, ils arrivent aux cuisines. L’ambiance tranche du reste de la demeure. Le calme et l’atmosphère morose du palais laissent place au vacarme et à la chaleur des fourneaux en actions. Rui esquisse un léger sourire à la vue de ce tableau. Il se sentait un peu plus à sa place ici.

- Bien, adresse toi à quelqu’un ici, ils te diront quoi faire. Je prends congés, énonce le valet avant de sortir la pièce.

Rui s’avance sereinement, observant de droite à gauche les cuisiniers en pleine action puis s’assis tranquillement sur une chaise qui trainait là. Il aperçoit un tonneau remplis de pommes à portée de bras. Il plonge la main dans le baril, en sort une puis croque un gros bout.

Alors qu’il déguste son encas, peinard, chacun se démène comme il peut :

- Les viandes vont brûler ici, dépêchez-vous !

- J’ai fini les sauces, où sont les plats ?

- Passez-moi une assiette, vite !

Rui assiste à la scène tout en reprenant une pomme. Il croque une nouvelle fois dans la chair fruitée lorsque brusquement tout le monde se retourne vers lui :

- Hé ! Tu te moque de nous ?

- Qu’est-ce que tu fabriques ? Imbécile ! On ne mange quand on veut ici !

- Viens nous aider au lieu de rêvasser ! Tu t’es cru chez toi où quoi ?

Tous y vont de leurs remontrances envers le jeune homme qui ne semble pas vraiment atteint par les critiques.

Un moment passe, chacun s’est remis à ses fourneaux.

Quant à Rui, recouvert d’un tablier, il s’est vu confié la plonge.

L’un des commis s’approche de lui :

- Salut ! Moi c’est Lime. C’est ton premier jour ici n’est-ce pas ?

- Euh…Oui, lui rétorque-t-il

- Ecoutes, ne t’en fait pas pour ce qu’il s’est passé tout à l’heure, ils ne sont pas méchants, c’est juste qu’ils ont des délais à respecter pour chaque repas et collations de l’archonte et des soldats en plus de nos invités spéciaux, explique le commis.

- C’est pas grave, se contente de répondre le jeune homme.

- Au fait comment as-tu eu le poste ? Quelqu’un t’a recommandé ? lui demande Lim.

- Recommandé ? reprend Rui

- Moi, je suis le fils du servant d’un noble de la cité, c’est grâce à ces relations que j’ai pu travailler au palais ! annonce-t-il fièrement.

- Eh bien, j’avais un peu faim alors j’ai demandé au gars devant la maison où est-ce qu’on peut trouver la nourriture, rétorque Rui sereinement.

À ces mots, le jeune Lim ne peut s’empêcher de rire : Elle est bonne ta blague ! Hahaha… Bien, assez rigolé, je te laisse laver tes assiettes avant qu’ils ne te sermonne encore, puis il s’éloigne.

Rui reste stoïque. Il ne comprenait pas la réaction du jeune commis. Après s’être lancé à toute vitesse dans l’ancien quartier, il avait eu un petit creux et s’était arrêté pour demander à manger à la première personne qu’il avait croisée : un des gardes du palais. Sa demande était tellement naturelle que ce dernier l’avait pris pour un employé.

Sur un quiproquo, il se retrouvait désormais au pire endroit possible. La demeure de l’archonte de Stharvos en personne.

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