Sur le sentier de la forêt de Sarendal qui mène aux portes de Stharvos, le groupe de sauvetage discute du plan à mettre en action :

- Comment va-t-on s’y prendre maintenant ? demande Shizza.

- J’pense que j’peux vous faire traverser les remparts de la cité en une vingtaine de minutes sans que personne ne nous voit, rétorque Binks.

- Quoi ?! s'exclame le plus jeune des frères.

- Whoa ! C’est vrai ? surenchérit Rui.

- Whahaha ! T’inquiètes pas mon p’tit, j’vais vous expliquer.

Le vieil homme s’abaisse et ramasse un bout de bois qui traîne puis se met à dessiner sur le sol sableux deux arcs de cercles, l’un dans l’autre :

- J’faisais du troc avec des marchands de cette ville, j’suis déjà allé là-bas plusieurs fois.

Il leur dresse donc un schéma de la cité. Stharvos est en effet divisé en deux parties, l’ancien quartier au centre, puis le nouveau entourant ce dernier :

Chaque quartier est pourvu de hauts remparts bien gardés. Il est presque impossible de s’y faufiler à plusieurs sans se faire repérer en théorie.

Cependant le canal qui alimente la citée en eau est relié à la rivière Kartheron qui passe par la forêt de Sarendal. Binks expose donc son plan au reste du groupe :

- J’peux vous faire traverser le nouveau quartier par un chemin de contrebande, ça vous fera gagner du temps. À mon arrivé à Ithaque, j’utilisais ce passage pour exporter des marchandises sans avoir à payer la taxe imposée par l’archonte* de la cité. Mais pour la suite vous devrez vous débrouiller.

- Attend, cela fait combien de temps que tu n’as pas emprunté ce chemin ? demande Galahn.

- La dernière fois que j’ai fait d’la contrebande ? ça remontre à quatre ans.

Ces paroles laisse l’ex-chevalier perplexe. En quatre ans beaucoup de choses ont pu se passer, rien ne garantissait que ce passage était toujours sans surveillance.

Tandis que ce dernier cogite à un meilleur plan, le silence s’installe un bref instant avant que son regard ne se pose sur le vieux Binks, toujours accroupis.

Galahn fronce les sourcils. La position de ce dernier laissait entrevoir sur le haut de son épaule, quelque chose d’assez troublant pour l’aventurier qui se ressaisit au moment où le tavernier relève la tête et croise son regard perçant.

- On n’a pas vraiment le choix, va pour ton plan, réagit Galahn.

- Alors moi aussi je suis pour, rajoute Shizza.

- Qu’est-ce qu’on attend ? On y va ! s’exclame Rui.

Ils ne tardent pas à quitter le sentier en question pour se diriger à l’endroit indiqué par Binks.

Après quelques minutes de traversé entre buissons et arbustes, ils arrivent finalement dans une petite clairière.

Ce gars…. Il aurait compris ? Non je me fais surement des idées, tâtonne le vieux Binks en repensant au regard que lui avait lancé Galahn.

- On est presque arrivé, intervient Rui.

- La rivière est à quelque pas d’ici, rajoute Shizza.

Galahn ne peut s’empêcher de noter que tout au long du chemin, ils n’avaient pas détourné le regard une seule fois :

- Vous avez l’air de connaître cette forêt du bout des doigts.

- Oui c’est normal, on y vit depuis presque quatre ans, rétorque Rui.

Ils arrivent finalement à la rivière Kartheron. Devant eux, se dresse un petit ponton, auquel est rattaché une barque recouverte d’une bâche.

Binks s’empresse de tirer la couverture, dévoilant quatre tonneaux.

- Vous allez devoir vous cachez là-dedans, si jamais on me le demande, j’dirais que c’est du rhum.

- Il n’y en a pas un de trop ? fait remarquer Shizza

- Non mon pt’it, l’un d’eux contient réellement du rhum. C’est juste une précaution au cas où on m’demande d’montrer le contenu.

- Bien ! Pas de temps à perdre ! s’exclame Rui.

Tandis que Rui s’extasie et que son frère lui demande de se calmer. Galahn s’approche du vieil homme discrètement :

- J’ai remarqué le symbole sur le haut de ton épaule droite, chuchote-t-il.

À ces mots, le visage de Binks pâlît, tandis que l'aventurier poursuit :

Arrête moi si je me trompe. Autrefois il était à la fois signe de terreur et d’admiration sur toutes les mers de l’Ouest. Tu n’es pas un simple contrebandier. Binks… j'avais bien l'impression que ce nom me disait quelque chose… Binks Saké ou plutôt devrais-je dire Binks le bavard, membre du célèbre navire Argo ! Décidément ce petit village réserve bien des surprises… thessalonien.

Binks reste bouche bée. Un court silence s’installe avant que ce dernier ne se décide à répondre :

- Cet homme n'est plus, j'ai laissé mon passé de côté. Il y a longtemps que j’ai pris ma retraite et que je n’ai pas navigué. Pourquoi crois-tu que je vis dans un endroit si reculé ?! J'te le garantis je ne ferais aucun mauvais coup aux p'tits !

- Qu’est-ce que vous vous racontez ? les interrompt Shizza.

- Rien d’important, rétorque Galahn qui s’éloigne tout en jetant un regard froid au vieil homme.

Une goutte de sueur coule du front de Binks, sous le choc : Ce regard…comme une bête féroce…Il est dangereux, au moindre faux pas je pourrais perdre ma tête… craint-il.

- Bien ! Allons-y ! vocifère Rui.

Il se retourne vers la rivière et se dirige d’un pas pressé en direction de la barque lorsque que, tout à coup, un léger bruit de feuillage résonne. Des projectiles à peine perceptibles en sortent. Galahn est le plus alerte d’entre eux. En un instant, il se retrouve devant Rui, dégainant à moitié son épée. Les pics très fins se heurtent sur sa lame.

- Qu’est-ce qu'il se passe ?! s’exclame Rui.

- Hmmm…des aiguilles imprégnées d’aura ? observe l’ex-chevalier : Partez devant, je vous rejoindrai plus tard.

- Mais … ? hésite Shizza.

- Pas de questions ! Le temps presse, allez-y, surenchérit l’aventurier.

- Il a raison, rétorque Binks, reprenant ses émotions.

D’un ton sec, l'ex-chevalier leur donne un dernier conseil :

- Ecoutez-moi bien, je sais que vous n’êtes pas des enfants ordinaires, mais ceci n’est pas un jeu, l’homme est une bête bien plus cruel et féroce que n’importe quel animal. Si vous vous faites repérer là-bas… vous mourrez.

À ces mots, le regard des deux frères semblait plus vif que jamais.

- Votre objectif est de vous infiltrer et de vous rapprocher le plus possible de la place d’exécution. Une fois que j’aurais récupérer votre frère vous me rejoindrez et on s’enfuira. Ne prenez pas de risques inconsidérés. Je ne tarderais pas à vous rejoindre, termine l’aventurier.

Les deux garçons acquiescent. Ils s’exécutent sans tarder. Binks prend le contrôle de la barque tandis que les deux frères montent à bord.

Une fois l’embarcation assez éloignée, Galahn tire son épée de son fourreau :

- Tu es très malin. Tu as vite compris que j’attendais que tu attaques une nouvelle fois pour déterminer ta position. Tu vas être déçu. Tu es peut-être capable de dissimuler ton aura mais je peux ressentir ta soif de sang à des kilomètres, lance-t-il en pointant du regard vers la gauche.

À peine a-t-il finit sa phrase que le feuillage tremble. L’ex-chevalier bondit d’un pas et abat sa lame vers le buisson mais l’assaillant esquive de peu le coup en sautant par-dessus ce dernier.

Galahn se redresse avant de se retourner calmement vers elle. Une jeune femme se dresse devant lui, des aiguilles entre les doigts :

- Je dois avouer que tu as l’air plutôt coriace par rapport au reste de ton groupe.

- Et tu es… ?

- Sandersonia, répond-t-elle en pointant ses aiguilles en direction du guerrier.

- Tu travail donc pour le prince je présume ?

- Hmm, moi ? Sous les ordres de cet avorton ? Ne me fait pas rire. Ceci dit, tu risques d’être gênant pour la suite des évènements. Je me vois contrainte de t’éliminer, aventurier !

- Alors c’est une espionne ? Mais pour le compte de qui ? Non, pourquoi une espionne me divulguerait son nom si facilement ? Je dois tirer tout cela au clair. Quelque chose de plus grand que ce que je pensais pourrait se tramer ?