Chapitre 13 : Ajax à la rescousse.

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Alors que le prince de Thessalia, Junon de Phéres, traverse Munt, il jette son dévolu sur la jeune et belle Mery, et ordonne à ses gardes de l’enlever. Tandis que les parents de cette dernière le supplient de revenir sur sa décision, sans succès et que les villageois en émois ne réagissent pas, de peur des représailles, un homme intervient :

- Attendez ! hurle-t-il, s’accaparant toute l’attention du prince et de ses soldats.

- Halte-là ! Ne t’approche pas plus de son altesse si tu veux vivre ! ordonne le capitaine de la garde royale, Alaros.

- Qui est ce pauvre fou ? rétorque le prince.

Il est arrivé, celui qui a toujours veillé sur eux :

- Braves gens, bienvenue à Munt. Je me nomme Ajax, je suis en charge de ce village.

Coiffé d’un casque de fer, du haut de ses cinquante-deux printemps, il était plutôt bien entretenu pour un homme de son âge.

- Ajax ?! J’ai déjà entendu ce nom quelque part… murmure un des soldats, le plus vieux d'entre eux.

- Moi aussi… rajoute un autre vétéran.

- J’étais encore en train de pioncer, et voilà qu’on me tire de mon doux rêve avec cette histoire d’enlèvement ! braille le vieil homme en continuant de se diriger vers le prince.

Le capitaine Alaros dégaine son épée :

- Je t'ai ordonner de ne plus avancer ! répète t-il.

- Dire que je faisais le plus beau rêve de ma vie, poursuit-il, comme s’il n’avait rien entendu.

Il s'avance vers le capitaine. Ce dernier met à éxecution sa menace. Il abat sa lame avec férocité en tentant une frappe oblique. Ajax esquive aisément sans s’arrêter de marcher, faisant perdre son équilibre au soldat qui tournoie sur lui-même et en tombe à la renverse.

Un étonnement général parcourt les rangs ennemis. Alaros, toujours à terre, affiche une mine désabusée.

Le prince, aussi abasourdi que le reste de ses hommes par l’habilité du vieil homme, n'en démord pas moins :

- Qu’est-ce que ça veut dire ? Sais-tu qui je suis ? s’exclame Junon d’un ton menaçant.

- J’étais sur cette petite île paradisiaque, entouré de cocotiers et de belles jeunes femmes et nous buvions et dansions comme des fous…Ah quel doux rêve… délire t-il.

- Arghh, quel impudent ! Il se fout de moi ?! s’irrite le jeune noble.

Tout à coup le vieil homme s'arrête et lui lance un regard menaçant :

- Je m’en contre-fiche de qui tu peux bien être petit, on ne touche pas à mes gens ! grogne le chef .

La réaction du prince est immédiate :

- Tuez-le ! ordonne t-il d’un ton sec, sans chercher à comprendre.

Ses hommes l’encerclent rapidement mais aucun ne bouge, ce qui irrite encore un peu plus Junon :

- N’ai-je pas donné un ordre ?

- Votre altesse… bafouille le capitaine, cet homme, cette aisance, ce casque… ce nom…

- Humm ? Parles ! Que veux-tu dire ? demande le prince interloqué.

- À mon avis, c’est… Ajax casque de fer ! L’ancien héros de guerre ! On raconte qu'il a vaincu mille hommes à lui seul, sans subir la moindre blessure…

À ces mots, certains soldats tremblent de peur, des bruits de chuchotements s'échappent "J'ai entendu dire qu'Ajax est un demi-dieu", "Moi on m'a raconter qu'il pouvait fendre la mer en deux d'un coup de lame", "Non, moi j'ai entendu qu'il était mi-homme mi-titan" ....

Les ragots se multiplient tandis que le visage du prince s’assombrit :

- J’ai dit : tuez-le !

Bien qu’ils craignaient tous de faire face à la probable légende, il n’en restait pas moins que ce n’était à présent qu’un vieil homme, le doute sur sa force pouvait subsister alors qu’en face, la cruauté du châtiment que réservait le prince envers ceux qui lui désobéissaient était bel et bien avérée.

- "C'est surement des inepties ton histoire de demi-dieu ! ", "De toute façon c'est une légende qu'on raconte aux enfants, moi j'ai jamais vu de titans" ...Chacun essayait à présent de se convaincre de l'improbabilité de ces récits afin de surmonter la peur.

- Voyons, je ne suis que le chef de ce village ! Qu'est ce qu'il ne faut pas entendre, rétorque Ajax.

Il n'en faut pas plus pour persuader ses adversaires.

Les soldats s’élancent immédiatement sur le moustachu, mais, en deux ou trois mouvements, le vieil homme les fait vaciller, d'une facilité déconcertante et nonchalante, ravivant la lueur d’espoir sur le visage des villageois :

- Bien joué Ajax ! félicite l’un.

- Heureusement que t’es là ! lance une autre.

- Ajax ! hurle Mery.

- Ce…Ce n’est pas vrai ?! bafouille le prince.

Le vieil homme fixe du regard le noble :

- Relâchez la petite et allez-vous en sur le champ ou vous vous rendrez vite compte que ce village abrite bien des surprises désagréables pour vous.

Quelques secondes de silence planent dans l’air avant que la réaction du jeune homme ne se fasse entendre :

- …Huhuhuhu !

- Hmm ? Qu’il y a-t-il de drôle ? demande le quinquagénaire.

- Vois-tu, espèce de gueu, tu viens de porter la main sur des Thessaloniens, qui plus est, la garde rapprochée de l’héritier du trône, moi : Junon de Phéres, prince de Thessalia ! annonce-t-il.

Les villageois se crispent. Défier un noble était une chose mais défier un prince en était une toute autre, mais ils ne sont pas au bout de leur surprise. En effet, le jeune noble enchérit :

- Que diront les dirigeants d’Ithaque lorsqu’ils apprendront que l’alliance commerciale entre nos deux contrées est compromise car je me suis fait agressé dans ce trou perdu par l’un de ses représentant ? lance-t-il fièrement.

Tout à coup, le visage d’Ajax palît, il comprend à présent qu’il pourrait mettre tous les habitants du village en danger voire tout ceux de l’île en agissant ainsi, tandis que le prince continue à le narguer :

- Je vais te dire ce que mon père, l’illustre roi de Thessalia, fera lorsqu’il le saura : Il ne laissera pas cet affront impuni, il enverra son armée ici même ! ajoute-t-il avant de s’esclaffer, Huhuhuhu !

Les villageois affichent une mine apeurée, angoissée. Ils le savent très bien, le royaume de Thessalia avec ses vastes plaines et ses terres fertiles est le grenier du continent Ouest. Leur agriculture et leurs montures n’avaient point d’égal que ce soit en matière de qualité ou de quantité. Si par malheur le traité commercial se voyait rompu entre Ithaque et Thessalia, ce serait alors la déchéance d’un point de vue économique, exposant les habitants à des périodes de disette.

C’est alors rempli d’amertume, qu’Ajax se plie au chantage du jeune sot :

- Loin de moi l’idée de vous vexer, j’ignorais qui vous étiez…regrette-t-il.

- Huhuhu, tu sais où se trouve ta place dorénavant. glousse le prince.

- Ecoutez, je vous en prie laissez la petite s'en aller. Nous trouverons de quoi compenser cette perte, propose-t-il.

Junon fait signe de la main à ses gardes.

Ces derniers reviennent à la charge, mais cette fois-ci, Ajax ne se défend pas.

Ils lui assènent des coups à l’en faire tomber, puis l’un deux enfonce sa botte de toute sa hargne dans l'estomac du chef.

- Non ! Pas ça, la blessure va se rouvrir ! crie Mery.

En effet, la botte du soldat s’enfonce pile là où se trouvait une énorme cicatrice. Une ancienne blessure pour laquelle le père de la jeune Mery lui dispensait des herbes médicinales depuis des années.

Ajax ne peut s’empêcher d’hurler de douleur, chose qui ne fait que rajouter de la tension au malaise ambiant qui régnait parmi les villageois depuis tout à l’heure. Il faut dire que leur chef était apprécié et respecté de tous.

- Ne... réagissez... pas ! Ils vous feront subir pire, les prévient-il d'une voix saccadé; avant de s’adresser aux parents de la jeune fille, tout larmoyant et en haletant : - Je.. suis désolé…

- Ah ! tu peux parler ? C'est que tu n'as pas eu ton compte encore ! lâche le capitaine Alaros d'un ton irrité, avant de se joindre à la bastonnade.

-Tenez, dit le prince fière de lui, en jetant une bourse remplie de dracmirs à la face des parents de la jeune fille, et je ne veux plus vous entendre !

Les villageois impuissants restent immobiles, ivres de colère mais réalistes. Ils savent qu'on ne peut contredire la décision du prince sans le payer de sa vie. Ils se contentent d’assister à ce triste spectacle: la jeune fille, paniquée, se faisant enlever sous le regard de ses parents en larmes, et leur chef, se faisant tabasser encore et encore, le tout agrémenté par les ricanements du prince cruel.

Au même moment, un jeune homme transportant un tas de bûches de bois sur son dos revient de la forêt, avec à ses côtés un petit garçon : l’un des trois enfants terribles du village fait son entrée.

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