Angoisse

9 minutes de lecture

"Malaise psychique et physique, né du sentiment de l'imminence d'un danger, caractérisé par une crainte diffuse pouvant aller jusqu'à la panique."

La nuit était tombée depuis un certain temps lorsque Marie arriva enfin à la propriété avec les écrevisses tant convoités de sa tante. Elle entra et vit dans le salon son père discuter avec Elizabeth, tout deux rigolant et lui souhaitant un bon retour. Après avoir déposé sa veste ainsi que le repas puis monta voir Ovide. Sa chambre, plongé dans le noir, était silencieuse. La jeune femme tâtonna quelques instants puis prit finalement une bougie qu'elle réussit à allumer tant bien que mal. Elle étouffa alors un cri lorsqu'elle aperçut Ovide, dans un coin recroquevillé avec un couteau.

— Que... Pourquoi es-tu comme ça ? Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.

— Ils... Ils... Ils ont essayé de...

Le jeune homme ne termina pas sa phrase. Ses yeux étaient rouges et de grosses gouttes de sueur coulaient le long de son visage. Sa respiration rapide et forte l'empêchait de parler plus. Ses mains tenaient fermement le couteau et son haut était teinté de son sang. Sa compagne accouru sans plus tarder et le prit dans ses bras.

— Je dois partir... Marie. Je veux partir.

— Euh... C'est si soudain. Comment allons-nous faire ? On ne peut pas prendre un cheval et à part attendre demain... Je ne partirai plus si tu veux, mais...

— Marie, tu ne comprends pas ? Il va me tuer ! s'écria Ovide totalement paniqué. Ils vont me tuer tous les deux !

— Mais je... bredouilla la jeune femme.

— Pourquoi crois-tu qu'il t'a laissé monter me voir ? Il s'en fiche que tu me vois dans cet état. Il va en finir avec moi ce soir ou demain. Je dois m'en aller, Marie. Viens avec moi, je t'en supplie.

— D'accord, répondit-elle sans hésiter. Mais quand ? Après manger, je pense que...

— Maintenant, coupa-t-il. Sans attendre, sans préparer nos valises. Juste toi et moi.

— Par où va-t-on passer ?

— Les champs de maïs. Les plants sont assez haut pour nous cacher. Et après, on aura qu'à rejoindre la ville puis on avisera.

— Où va-t-on dormir ? Je n'ai pas d'argent, tout est en bas...

— On avisera Marie ! Arrête de poser autant de questions, je ne sais pas ce qu'on fera après !

— Je... Bien. Comment sort-on de la chambre ?

— Aide moi, on va passer par la fenêtre.

Il s'approcha et regarda au-dehors afin de guetter un mouvement mais il ne vit qu'un petit renard traverser la cour. Il ouvrit la vitre et sortit sa tête afin de mesurer la hauteur puis il se retourna vers Marie :

— On doit pouvoir sauter sans trop se faire mal.

— Je... Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée...

— Suis-moi, tu verras, ça va bien se passer.

Il enjamba la lucarne et atterrit sans trop de problèmes.

— À toi Marie ! s'écria-t-il.

La jeune femme escalada à son tour et se laissa tomber dans les bras d'Ovide qui la rattrapa de justesse. Après avoir repris ses esprits, elle fit signe à son compagnon qu'ils pouvaient y aller. Ils allèrent tout d'abord se cacher dans la grange, évitant soigneusement de réveiller les animaux ou de les déranger. Une fois ressortit, ils avancèrent vers un puits non loin de là, afin de se mettre à l'abri derrière. Ovide arrêta brusquement sa femme lorsque deux hommes surgirent et passèrent à quelques mètres devant eux.

— Tu es allé où sinon ? demanda l'un.

— Demande moi où je ne suis pas allé, ce sera plus simple ! rigola l'autre.

— Tu as tant voyagé que ça ? C'est génial !

— Oh tu sais... On était des gamins à l'époque. On baiser tous les soirs, on volé et tué sans scrupules et des que ça devenait un peu chaud, on se barrer avec le magot.

— Ça c'est un mode de vie !

— Oui... J'me souviens une fois, on devait braquer une banque, mais on devait faire diversion, le shérif étant juste à côté... On a donc demandé à deux d'entre nous d'aller au saloon et de se démerder pour faire diversion.

— Genre, une bonne grosse baston !

— Exactement ! C'était le sous-entendu en tous cas. Il y avait Joe... Ahah, quand j'me rappelle de lui, je rigole toujours ! Ce crétin était moche comme un pou et pourtant, il avait réussi à séduire la belle Suzie.

— Suzie ? J'en connaissais une aussi de Suzie... Mais elle était du genre assez salope quand même.

— C'était exactement la nôtre aussi ! ria l'homme en buvant une bouteille de rhum. Elle était tellement jolie... Et elle le savait ! Enfin bref... Nous, on est derrière la banque, quatre gars, avec cagoules et fusils, on attends la baston, tu vois ? Là, on entend le cri d'une femme qui hurle quelque chose de totalement inaudible.

— Oh merde.

— On était vraiment inquiet, mais la banque avant tout quand même... On attend donc un peu et là, le shérif sort avec un fusil de chasse !

— Wow ! D'habitude, ils ne gardent pas que leurs colts ?

— C'est bien ça le problème... Donc on le voit s'éloigner, mais on reste dans l'incompréhension la plus totale. Et on avait prévu aucun plan de secours !

— Vous étiez bien dans la merde quoi !

— Exactement ! Choisir de continuer ce que l'on faisait où d'aller voir ce qu'il se passe... Mais, le hasard à fait qu'on avait eu des compagnons qui se sont fait buter quelques jours avant. Donc on ne prend pas de risque, j'y vais avec un autre et les deux derniers restent pour se faire la banque. Et si tout se passe bien, on les rejoint.

— Ouais, vous improvisiez totalement...

— On s'avance donc doucement... On s'approche du saloon et on commence à entendre des bruits assez... Explicite, tu vois ? Je regarde donc par la fenêtre et qui je vois ? Ces deux abrutis qui baisent en plein milieu du saloon sur une table de poker !

— Non ! Ils n'ont pas fait ça !

— Le marshall qui est là et ne sait pas comment les arrêter ! Suzie criait tellement fort que c'était gênant pour lui et pour tous ceux autours ! La femme du début qui commence à se plaindre et dire, qu'ils sont immondes, qu'ils devraient finir exécutés ! Le shérif tente de la calmer, mais du coup, ne peut pas intervenir ! Et le Joe qui prend bien son pied au milieu de tout ça ! On a rit ! On est retournés voir les autres et on a braqué la banque ! Ahah, on s'est fait plus de six mille dollars ce jour-là !

— Ils ne se sont rendu compte de rien ? Et le fusil, à quoi a-t-il servi ?

— Non on a fait ça discrètement, en ne tuant personne ! L'arme, c'était surtout pour faire fuir la foule qui attroupée devant le saloon ! rigola-t-il.

— Et les deux, comment on-t-il finit ? questionna le deuxième en riant tout autant.

Ovide fit un signe à Marie pour qu'ils continuent leur chemin, les champs de maïs n'étant plus qu'à une dizaine de mètres d'eux. Ils avancèrent rapidement et parvinrent enfin à leur but.

Toute la cuisine s'afférait à préparer le repas et Joseph donné ses ordres. Il s'avança vers l'une des cuisinières et la poussa. Il prit une assiette et déposa une petite aiguille à l'intérieur avant de mettre un fond de soupe pour la cacher, le tout sous les yeux médusés de la servante.

— Ce plat sera pour Ovide, est-ce que je suis clair ?

— Oui monsieur.

— Et tu n'as rien vu, suis-je clair ?

— Oui monsieur.

— Bien. Maintenant, continue, je vais les prévenir que l'on va manger.

Il sortit de la cuisine et monta l'escalier, puis arriva devant la porte de Marie. Il l'ouvrit et, voyant la chambre vide, s'en alla voir le jeune homme. Mais une fois arrivé, il ne trouva qu'une chambre vide et la fenêtre ouverte. Il accourut vers elle et regarda au dehors mais ne vit rien d'autres que la nuit qui commençait à devenir bien noire. Courant alors d'une traite jusqu'au salon, il retrouva son maître :

— Monsieur ! Monsieur ! Votre fille... Votre fille !

— Eh bien quoi, ma fille ? demanda Harold en buvant son whisky.

— Elle est parti ! Ovide aussi !

— Quoi ! s'écria-t-il en serrant si fort son verre qu'il se brisa. Vite, fais sonner les cloches ! Que personne n'entre ni ne sorte de la maison ! Que tout le monde part à leur recherche !

Les deux amoureux avançaient péniblement dans le champ, profitant de leur sécurité relative pour marcher sans faire trop attention au bruit qu'ils faisaient. Soudain, des cloches se mirent à sonner et des cris se firent entendre autour de la propriété. Ils s'arrêtèrent alors un instant, afin de comprendre ce qu'il se passait.

— Que font-ils ? demanda Marie stressée.

— Attends, chut, j'essaie d'écouter ce qu'ils disent, chuchota Ovide.

— Prenez les chiens ! Deux par deux ! Commencez de la vieille grange et revenez doucement ! Vous ! Vous allez aux champs ! Prenez aussi des chiens ! Et toi, monte sur ce cheval et va vite à l'entrée ! Si quelqu'un tente de s'enfuir, tu le poursuit et l'arrête !

Le jeune homme regarda sa femme, son front coulant de sueur et les mains tremblantes. Il lui ordonna de courir sans se retourner et ils traversèrent le champs, se retrouvant non loin de la sortie. Une lumière sortit de nulle part et éclaira alors leurs dos. Les deux compagnons se baissèrent en même temps, priant pour ne pas avoir était vu.

— Il m'a semblé avoir vu du mouvement ici ! cria l'homme qui tenait la lanterne. Vous deux, allez vérifier ! Je regarde si rien n'en sort !

Le gendre d'Harold prit la main de sa compagne et l'emmena un peu plus loin, puis lui fit signe de se coucher. Il sortit alors le couteau qu'il avait dans la chambre et se prépara, sous le regard apeuré de Marie. Deux gardes approchèrent, chacun avec une lampe et un revolver. Ils inspectèrent les lieux, passant à quelques mètres des deux fuyards, mais ne les trouvèrent pas. Alors qu'ils maintenaient leur direction, Ovide chuchota :

— On passe par les marais !

— Quoi ? Mais il est infesté de crocodiles !

— Depuis qu'on est ici, tout n'est que mensonge ! Si tu veux mon avis, s'en ai juste un de plus pour éviter qu'on s'y aventure. Et s'ils ont des chiens, on doit couvrir nos traces.

— Très bien, je te suis.

Ils reculèrent doucement et repartirent. Les marécages n'étant pas loin, ils le trouvèrent rapidement. Le jeune homme avança en premier puis prit la main de sa femme pour l'aider à entrer. L'eau glacée les saisir instantanément. Ne pouvant s'empêcher de greloter, Marie se dépêcha et trébucha, se mouillant entièrement.

— Tiens bon ! s'écria son compagnon. Tiens toi à moi pour te relever.

— Je suis... Frigorifiée, bredouilla-t-elle.

— Moi aussi... On s'arrêtera un peu plus loin, mais ne peut pas rester ici.

Alors que l'eau montait de plus en plus, atteigant leurs hanches, ils continuèrent, malgré le froid et la fatigue. Une balle frôla soudainement le jeune homme qui manqua de tomber. Les deux fugitifs se tournèrent et ils virent Harold, tout souriant, avec Joseph à ses côtés. Elizabeth arriva derrière son frère tout en pouffant de rire, traitant Ovide d'imbécile.

— Eh bien, je vois que tu as percé mon secret, petit, ricana le quincagénère. Il n'y a aucun crocodile ici. Mais, je suis vexé. Tu as osé t'enfuir avec ma fille... Ma pauvre fille... Et elle est entièrement trempée en plus !

— Ma pauvre Marie ! rigola Elizabeth. Tu es bien sotte de l'avoir suivi ! Bien, moi je rentre. Il fait froid par ici...

Plusieurs hommes encerclèrent les deux tourtereaux. Armé de son couteau, le gendre d'Harold fendait l'air tout autours de lui, comme pour les faire reculer. L'un des hommes s'attaqua à lui, mais il lui taillada les veines, ouvrant de part en part son bras. Dans un râle, son adversaire se recula, laissant sa place à un autre qui donna un coup de crosse au jeune homme. Alors qu'il peinait à reprendre ses esprits, un autre garde arriva, mais Marie lui donna une gifle. L'estafier se retint de rendre le coup et se contenta de la pousser sur un autre qui la prit sur ses épaules. Il regarda alors Ovide, qui était toujours dans le vague, puis lui donna un coup avec un poing américain, le laissant s'évanouir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire sujet17 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0