Manipulation

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"Emprise occulte exercée sur quelqu'un."

Une diligence s’approchait de la maison, suivie de plusieurs personnes à cheval. À l’intérieur, deux personnes discutaient. Ovide remarqua que c’était deux hommes, l'un âgé et l'autre plus jeune. Harold s’approcha d’eux et s’écria :

— Charles ! Mon bon vieux Charles ! Comment vas-tu ?

— Ahah ! Harold ! Cela faisait un moment qu’on ne s’était pas vus, vieille canaille ! répondit l'homme avec enthousiasme et d’une voix grave.

— Mais… Ce n’est pas Georges que je vois à tes côtés ?!

— Si c'est bien lui ! confirma-t-il. Aller, dit bonjour Georges !

— Bonjour Harold. Heureux de vous voir.

— Tu as bien grandit ! Tu es devenu un beau jeune homme dis-moi !

— Il est comme son père, rigola Charles.

— Bonjour monsieur, c'est un plaisir de vous voir ici !

— Mais c'est ce bon vieux Joseph ?! Toujours en vie à ce que je vois ! se moqua l’homme. Mais dis-moi, Harold, Où est passée ta fille ? Je ne l'ai pas vue depuis bien longtemps !

— Je n'en sais rien... dit-il en se retournant vers la maison. Marie ! Marie ! Viens ici !

— Laissez-moi vous aider à descendre monsieur, convia Joseph.


Charles descendit en premier de son carrosse. Habillé de façon très élégante, il portait un costume beige avec une cravate rouge. Il avait des cheveux poivre et sel et mesurait plus d’un mètre quatre-vingt. Son fils lui succéda et n’avait rien à envier à son père : son costume gris et sa cravate irréprochable laissé paraître un jeune homme ayant une grande prestance. Marie arriva à ce moment-là :

— Bonjour… dit-elle à voix basse.

— Viens donc ! Ne sois pas timide ma fille ! s’écria Harold en lui prenant le bras pour l’avancer.

— Bonjour, répondit Charles en la saluant.

— Madame, ajouta Georges en baisant sa main. Tu es toujours aussi magnifique, Marie.

Voyant sa femme légèrement rougir, Ovide s’approcha et se présenta :

— Bonjour, je m’appelle Ovide et je suis…

— Oui, oui, oui, coupa Harold. Charles, si nous allions nous assoir dans le jardin à l’arrière ? Marie et Georges ne se sont pas vus depuis tellement longtemps, ils doivent avoir tant de choses à se dire !

— Tu as raison ! Allons-y ! J’ai aussi eu quelques péripéties sympa ces deux derniers mois !

— Alors viens me les raconter autour d’un bon verre de whisky ! J’en ai ramené d’Europe, tu m’en diras des nouvelles ! Viens aussi Ovide, rajouta-t-il en se tournant vers lui non sans grimacer.

Georges prit Marie par le bras et tous deux s’éloignèrent. Ils marchaient lentement et la jeune fille regardait en arrière, voyant son homme suivre son père. Essayant de trouver un prétexte, elle ouvra la bouche mais le jeune homme prit alors la parole sans lui laisser dire un mot :

— Je suis bien content de te revoir, tu sais.

— Oui…

— Cela faisait quoi ? Bien cinq ans qu’on ne s’était pas vus !

— Oui, au moins.

— Tu sais, je n’ai pas arrêté de penser à toi pendant tout ce temps… À me demander ce que tu pouvais bien faire, où tu pouvais être, avec qui ? Et là, voilà que je te retrouve et tu es avec un nègre. Je t’avoue ne pas bien comprendre.

Marie s’arrêta et regarda longuement Georges d’un regard noir qu’il ne quitta pas des yeux, comme pour la défier. Après un moment, elle détourna enfin sa vision, et il fit un petit rictus en guise de victoire. Il se rapprocha d’elle et prit sa main :

— Tu sais… Je t’aime. Je t’aime depuis très longtemps. Et malgré tout ce que tu as pu faire, j’accepte de te laisser une chance malgré tout.

— Que veux-tu dire ? Je suis très heureuse comme je suis.

— Allons, ne fais pas semblant. Il t’a menacé ? Comment a-t-il pu te manipuler à ce point ? Ces noirs devraient tous être exécutés.

La main de la jeune fille partie presque instantanément, et se posa si fort contre la joue de Georges qu’il tituba et resta bouche-bé devant Marie. Elle le fixa alors à nouveau et le jeune homme ne put soutenir son regard tant il était rempli de haine. Elle se tourna alors et repartie vers la maison, laissant le pauvre garçon, la joue en feu.

— Et c’est là que ce foutu négro me demande si je peux épargner sa femme ! s’écria Charles. Du coup moi, ni une ni deux, je la prends et je la déshabille ! Et tous mes hommes sont passé dessus devant lui ! Il pleurait, ouin ouin pas ma femme, pour que j’arrête et que je prenne sa vie à la place !

— Ahahah, quel idiot ! rigola Harold. Et qu’as-tu fait ensuite ?

— Oh tu sais, ce genre d’homme, ça tourne mal assez rapidement, je n’ai pas pris de risque et je l’ai envoyé aux mines avant qu’il ne fasse une bêtise. Mais avant de faire partir le chariot, Barton se ramène et il dépose sur lui l’un des tétons de sa femme ! Ahahah, je crois qu’il m’a achevé ! Tu aurais vu la tête de ce noir !

— C’est une excellente histoire, monsieur !

— Merci, Joseph. Mais dit-moi, toi qui est noir tu devrais savoir ça, est-ce que vous ressentez réellement des sentiments pour d’autres personnes ? Je veux dire, vous êtes tous là, à travailler toute la journée, et vous trouvez encore le moyen de tomber amoureux ? C’est d’un ridicule…

— Je ne sais pas monsieur, vous savez, je n’ai pas le temps pour tout ça, je suis bien trop occupé à gérer tous ces incapables ! dit-il en se mettant à rire aux éclats.

— Ahahah ! Mon bon vieux Joseph, tu me feras toujours rire !

— Je ne suis pas d’accord.

Tous se tournèrent vers Ovide, pourtant silencieux jusque-là.

— On est des humains avant tout. On aime rire, on aime chanter, on aime danser, on aime bien manger, on aime vivre, nous aussi. L’amour c’est une chose que toute personne devrait connaître. Nous ne sommes pas des bêtes et nous aussi, nous avons des sentiments. Ce que vous avez fait est impardonnable.

Charles le dévisagea quelques secondes, étonné d’avoir entendu de tels propos. Soudain, Marie interrompit le silence suivit de Georges :

— Papa, on peut partir s’il te plaît ?

— Quoi ? Mais comment ça ?

— S’il te plaît…

— Eh bien… Euh… C’est soudain, Harold nous avait justement convié à manger ici ce midi.

— Je veux rentrer ! s’énerva le jeune homme en se touchant la joue encore rouge.

— Bien, si c’est ce que tu veux… dit-il en se levant. Eh bien mon cher, ce fut un plaisir de te revoir.

— Je vais te raccompagner, attends. Joseph, ajouta-t-il en se tournant vers lui, occupes toi de ces deux-là en attendant mon retour.

— Bien monsieur.

Harold s’éloigna, perplexe. Il arrêta un instant son ami :

— Ecoutes, je te remercie d’avoir fait le trajet si vite. C’est dommage que vous deviez repartir maintenant mais ils vont bien devoir finir par s’entendre.

— Oui… Mais si tu veux ce mariage, tu dois aussi penser à te débarrasser de ce gamin.

— Je sais, je sais. Donne-moi quelques jours. On garde le contact, j’enverrais quelqu’un pour te dire comment les choses auront évoluer d’ici là.

— Bien… sourit Charles. Je vais te laisser maintenant. Porte-toi bien, vieux frère.

— Toi aussi, ajouta-t-il en le serrant dans ses bras. Toi et moi… Nos deux familles réunis… Ça va être quelque chose de grandiose.

Sans dire un mot, Charles se tourna et repartit vers son fils qui l’attendait déjà dans la diligence. Harold resta immobile en les voyant partir. Puis il se tourna vers la maison et entra, rouge de colère :

— Marie !

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