La Samba des Iguanodons

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Minuit sonne sur les ruelles délabrées d’El Bordelo, ville fantôme aplatie au pied du Mont Latsos, désert d’Anderlizona, 13 âmes, sans compter les damnées.

Les coyotes hurlent à la lune, les ptéranodons volent bas, Frankenstein s’étire dans un froissement de tôle rouillée et les vautours arrachent les yeux aux pendus des carrefours.

Les gargouilles du clocher grimacent au passage d’une escadrille de sorcières, tandis que sortent du cimetière en ruine, squelettes et spectres blêmes.

- Saturday Nite Fever, la routine, rumine Pedro, grand échalas barbu appuyé contre un bonsaï géant. Calé dans sa chaise roulante. Alberto, dit, Bébert, aka Adalbert, grassouillet colosse blond, pousse un soupir de lassitude désabusée qui se perd dans les rhododendrons fuchsia. Tous deux savourent en silence leur saké brûlant.

Un sillage de feu traverse la nuit en éclairant les tombes du cimetière.

-Tiens, remarque Alberto, en parlant du diable… V’là Belphégor qu’est de sortie. Bizarre, l’Abbé Petit-four lui a signé son bon de sortie ?

-M’est avis qu'y doit y avoir un gros pâté d’encre dessus ; à force d’effacer les croix d’interdiction de voler la nuit, suggéra Pedro, fataliste.

-…Une nuit pareille... La nuit du Sabbat ? Je me demande si…

Un bruit de chute suivi d’un long gémissement interrompt le laborieux processus mental d’Alberto :

-Eh merde, lance d’une voix aigüe une silhouette falote surgie du néant, tâtant avec ennui l’étoffe de son veston. Me suis fait un accroc en sautant la clôture.

- Fais pas chier, Charlie, répondent les deux buveurs de saké.

Etalé sur le gazon, ledit Charlie se lamente d’une voix fluette, bénéfice inattendu d’une enfance malheureuse :

- S’rait temps de nettoyer ce cimetière ! Tous les cercueils ressortent, nom d’un Mort ; je viens de trébucher sur celui du Commandeur.

- Ils dérivent, Charlie. Ils dérivent plein nord vers le Pôle. Tant qu’ils n’émergent pas, il est inutile de les tabasser à coups de pelle. S’il leur arrive de déchirer cette satanée moquette vert pomme…

- Mon gazon anglais ! Mon merveilleux gazon anglais !

-…que vous entretenez avec un entêtement digne de plus nobles causes, c’est pour esquiver la couche basaltique qui affleure par endroits.

- Quel pays ! dit Charlie en redonnant vie au pli impeccable de son Jeans Samplon ; ici l’écorce terrestre est si mince qu’il suffit d’un coup de pioche un peu vif pour recevoir un volcan dans la tronche.

- Silence ! Ça fait un an qu’on l’a recueilli ici et on dirait qu’il débarque de la veille…

Un bruit sourd ébranle le sol du cimetière

- Qu’est-ce qui se passe ? interrompt Alberto d’une voix anxieuse. Vous avez entendu cette rumeur sourde qui émane du Mont Latsos ?

- Allons, Bert, tu ne reconnais pas le rot habituel de minuit et quart de Marianne, notre vieux volcan fidèle qui digère ?

- Me suis toujours demandé, pourquoi « Marianne » ?

- Référence musicale au geyser Old Faithfull, conclut Pedro, qui s’aperçut que Marianne Old Faithfull avait une heure de retard. Une première, dans ce monde figé, semblait-il, pour l’éternité.

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