Semaine 27.2 - Le conte dont la Mère Noël est l'héroïne

5 minutes de lecture

- Je vais le chercher.

- Non, Rudolph, je vais le chercher, le coupa Dulce. Reste avec Nicolas, ta présence semble lui rendre quelques forces.

Alors que son beau-frère allait répliquer, elle poursuivit sans lui laisser le temps :

- Je ne sors pas souvent de la base je sais, mais c’est à moi d’y aller. On parle de mon mari. En plus, les rennes ne t’aiment pas.

Bien qu’à contre-cœur, Rudolph lui donna raison. Tout fut ensuite discuté, depuis la tenue que porterait la Mère Noël au nombre de rennes nécessaires, en passant par la quantité de poussière à emporter et par quel lutin accompagnerait la boss. Pipo était un lutin assez ordinaire, très vif, mais maladroit : il était capable de réaliser un paquet cadeau en moins de vingt secondes mais le faisait tomber par la suite, ou renversait de l’eau dessus, ou encore lui mettait le feu par inadvertance - croyez-moi quand je vous dis que ce n’est pas une histoire que vous voulez entendre. Malgré tout, Pipo était parfait pour la mission car il était intelligent, astucieux, et était l’un des meilleurs en combat, ce qui rassurait les lutins laissés derrière, qui craignaient pour la sécurité de la Mère Noël, même s’ils n’osaient jamais exprimer ce sentiment à voix haute tant ils craignaient de s’attirer les foudres de la tendre dame.

Le lendemain, tout était prêt pour le départ. Les rennes, au nombre de deux seulement, renâclait sous leurs harnais. Ils n’aimaient guère être séparé les uns des autres mais sans la lourde charge des cadeaux, en ajouter ne serait-ce qu’un aurait été très dangereux. Déjà ainsi, les lutins avaient peur que la puissance soit trop importante mais étaient plus effrayés encore par les dents et les sabots de Comète et Cupidon, qui claquaient dès que des mains s’approchaient pour les éloigner l’un de l’autre. Quand la Mère Noël apparut, les deux cervidés s’appaisèrent, bien qu’ils piaffassent toujours d’impatience. Dulce grimpa dans le traineau et Pipo se glissa à côté d’elle. Ses mains se tortillaient d’appréhension.

- Vous êtes sûre de savoir manier ces machins, boss ? demanda-t-il, la voix tremblante.

La Mère Noël sourit et lui assura qu’elle en était certaine. Le lutin boucla cependant sa ceinture fermement et se cramponna au tableau de bord. Tous les autres reculèrent pour leur laisser la place de partir. Les rênes claquèrent et les cervidés bondirent, heureux de pouvoir se dépenser. Le traîneau s’élança derrière eux, ses patins crissant sur la glace de la piste. Pipo laissa échapper un cri angoissé alors que Dulce éclatait de rire. Ils approchaient à toute vitesse du bord de la falaise, mais les bêtes ne ralentissaient pas et elles se jetèrent dans le vide. Après une courte chute libre, pendant laquelle le lutin crut plusieurs fois que son coeur s’arrêtait, les rennes reprirent leur chemin, leurs sabots fouettant l’air et le traîneau flottant dans leur dos. La Mère Noël se tourna vers son escorte dont la pâleur extrême l’amusa.

- Ayez un peu confiance, Pipo, Comète et Cupidon veulent juste un peu s’amuser.

Le lutin se redressa, l’air méfiant et un peu malade.

- Faire confiance à des bêtes poilues ? Pff. Mais c’est vous la boss, boss.

Cette dernière rit et, délaissant les rênes sur le tableau de bord, se pencha pour fouiller dans un compartiment du traîneau. Elle en sortit une petite boule dorée émettant une lueur réconfortante. L’air autour semblait adouci par son contact. La Mère Noël la secoua doucement, murmura quelques mots et la lança en direction des rennes, sur le dos desquels elle se brisa. Cela ne parut pas les déranger. Un nuage de particules lumineuses les enveloppa, recouvrant le traîneau et ses occupants. Quand il se dissipa, leur environnement s’était complètement métamorphosé : ils survolaient maintenant une ville animée.

Quelques temps plus tard, après deux collisions avec des mouettes, un évitement de justesse d’un gratte-ciel et une erreur de destination (je ne peux pas vous raconter grand chose de cette rencontre imprévue si ce n’est que deux fillettes n’oublieront jamais cet après-midi), l’équipée atterrit enfin sur le bon toit. Les rennes frappaient leurs sabots sur la surface chaude, incommodés par la température élevée tandis que Pipo descendait du traîneau, les membres tremblants et la mine incrédule quant à sa survie. Dulce, toute excitée, sauta à terre et se précipita vers l’échelle qui leur permettrait de rejoindre l’étage voulu.

Quelques mots sur Jackson Williams avant que notre Mère Noël ne le rencontre. Bien qu’âgé de trente-trois ans, Jackson n’avait jamais cessé de croire au Père Noël car Monsieur Colère le lui avait défendu. Madame Raison avait bien essayé de le convaincre de laisser leur hôte tranquille, mais Monsieur Colère ne l’écoutait jamais, ce qui se finissait souvent en bouderie mutuelle et en terribles maux de crâne pour Jackson. Depuis tout petit, ces entités l’accompagnaient, et si, quand il était enfant, tout le monde s’amusait de ses amis imaginaires, les adultes avaient fini par s’inquiéter en remarquant qu’ils ne disparaissaient pas alors qu’il grandissait. Jackson avait donc fini par être interné afin de le mettre en sécurité, car Monsieur Colère avait des idées farfelues et aucune conscience des limites physiques de son occupant tandis que ce dernier lui obéissait aveuglément.

Quand la Mère Noël pénétra dans sa chambre, Jackson ne fut pas très surpris mais sauta sur ses pieds pour la saluer en la prenant dans ses bras.

- Bonjour Madame Noël ! s’exclama-t-il joyeusement.

Dulce recula d’un pas, stupéfaite par cet accueil, et Pipo avança avec l’envie visible de frapper cet imprudent qui avait touché la boss, mais elle le retint.

- Bonjour Jackson, répondit-elle gentiment. Comment vous sentez-vous ?

Avec toute la profusion d’un jeune esprit ayant peu grandi, il se lança dans une éloge de l’illustre dame et de son époux, ce qui déconcerta la première. Pipo tira sur son bras pour la faire se pencher et lui glissa à l’oreille :

- Je peux le frapper boss ? Il m’inspire pas confiance, il parle trop.

Elle roula les yeux et se redressa sans lui donner son consentement. En revanche, elle leva la main pour faire taire l’homme qui s’arrêta dans l’instant. Il serra les lèvres, le regard brouillé, puis commença à frapper son front de son poing en gémissant. La Mère Noël se précipita en avant pour retenir son bras.

- Mais voyons que faites-vous !

- Méchant Jackson, pleurnicha-t-il, méchant méchant Jackson, Monsieur Colère avait dit qu’il ne fallait pas trop parler, mais qu’est-ce qu’il fait Jackson ? il parle et il parle et c’est pas bien, méchant méchant Jackson !

Il allait reprendre sa pénitence quand Dulce attrapa ses deux mains, les enfermant entre les siennes.

- Vous n’êtes pas méchant Jackson, voyons, on m’a reporté qu’au contraire vous étiez très gentil.

Il leva des yeux mouillés vers la femme qui lui faisait face. Ses lèvres tremblaient.

- Vraiment ?

- Vraiment, lui assura-t-elle, vous êtes très gentil, et nous avons besoin de votre aide. Le Père Noël a besoin de votre aide.

- Oh Madame Raison avait raison alors ! Elle a dit que Monsieur Noël était malade et que bientôt Madame Noël viendrait voir Jackson et que je devrais vous aider. Et Monsieur Colère a ajouté qu’il était d’accord mais que je devais d’abord ne pas manger de chocolat pendant une semaine, et c’est ce que Jackson a fait, et maintenant Madame Noël est là !

Dulce jeta un coup d’oeil perdu à Pipo, peu certaine de tout comprendre, mais il hocha les épaules et elle redirigea son attention vers le jeune homme qui serrait toujours ses mains.

- C’est vrai, le Père Noël est malade, et seul vous pouvez le sauver. Voulez-vous bien nous aider ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Jo March ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0