Semaine 20.2 - Hockey mortel

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Sans plus de sentiments, il s’accroupit à côté de la femme. Elle se lamentait toujours, mais ses joues étaient sèches de larmes, et ses yeux gonflés et clos. Appuyant sa main sur la cuisse de la blessée, il tourna le coutelas entre ses doigts, cherchant l’angle parfait. Puis l’enfonça d’un geste aussi sec que chirurgical quelques centimètres sous son genou. Elle hurla. Lui n’émit pas un son. Il bougea légèrement la lame, agrandissant la plaie. Le sang goûtait à nouveau. Et une fois encore, l’homme plongea ses doigts dans le trou formé, s’aidant de son couteau pour couper délicatement les tendons et les muscles qui obstruaient le passage. Enfin, le petit os triangulaire glissa hors de son cocon de chair chaude jusque dans sa main. Il l’essuya sommairement avec un pan de sa chemise, le posa sur un rocher comme s’il s’agissait d’un trésor avant de s’attaquer au second genou.

Le temps qu’il obtienne l’autre rotule, la femme s’était évanouie, la douleur et le choc ayant eu raison d’elle. Sa respiration était très superficielle, et ses membres avaient parfois d’étranges convulsion mais l’homme n’y prêtait aucune attention. Il se releva. Ses vêtements volaient toujours dans le vent vif de la nuit, et sa peau luisait sous la pleine lune, couverte comme elle était de sang et de sueur, alors que sa victime semblait plus blanche encore que la neige autour d’elle.

Il laissa tomber le coutelas qui s’enfonça jusqu’à la garde dans l’abdomen de la femme. Sous le choc, un son étouffé s’échappa de ses poumons. Lui ne la regarda même pas. Il attrapa les deux rotules, happa au passage le scalp, puis, sous le regard clair de la lune, il descendit vers le lac gelé. Il ôta ses chaussures, ne frissonna guère quand ses pieds nus entrèrent en contact avec le sol froid. Il prit l’une des crosses abandonnées par les enfants avant de glisser en direction du centre du lac, sa peau directement exposée à la glace. L’homme suspendit la chevelure ensanglantée au montant de l’un des buts, l’arrangeant minutieusement pour ne pas qu’elle s’envole. Il posa à terre une première rotule, gardant la seconde dans sa poche. Il s’amusa à la faire tourner au bout de sa crosse, le sang goûtait tout autour. Il la fit se mouvoir sur la moitié du lac, laissant par moment des traînées rougeâtres, dernières traces de l’humaine à qui elle appartenait. La mine toujours aussi impassible, il se retourna, et en quelques coups de canne, projetta la rotule vers la cage, où elle sursauta contre l’un des montants de bois. avant de s’immobiliser un ou deux mètres plus loin. L’homme l’observa quelques instants, puis la seconde rotule connut le même sort.

Enfin, il retourna sur la berge enneigée. Ses pieds nus étaient écorchés et laissaient des traces rouges dans la poudreuse. Sa victime était livide, la plaie à son abdomen ne saignant plus. Les yeux de l’homme parcourut le corps exposé de la femme. Son torse ne bougeait plus. Sa bouche était entrouverte, ses dents blanches brillaient sous la pleine lune et ses paupières n’étaient pas complètement fermées. Elle semblait au milieu d’une transe infinie.

Posant une main sur le haut de la hanche de la femme et saisissant de l’autre son genou, il exerçait sur l’articulation des relations tantôt lentes, tantôt vives, mais toujours puissantes. Enfin, accompagnée par un sinistre claquement, la jambe se déboîta, la tête du fémur quittant son creux osseux. L’homme arracha ensuite le coutelas à la chair, et un horrible bruit de succion retentit et se répercuta sur la glace. Peu perturbé, il se pencha vers la femme. Son oeuvre n’était pas encore terminée. La lame s’enfonça à nouveau, entre l’os du pubis et la tête du fémur, aussi facilement que dans du beurre, peu de muscles, rien que de la chair molle et inerte. Bien que le coeur ait arrêté de battre, il restait suffisamment de pression dans l’artère fémorale pour un unique mais puissant jet de sang en direction de l’homme. Impassible, il essuya sommairement son visage dégoulinant avant de reprendre son oeuvre. Le sang suintait maintenant de la plaie. L’homme trifouillait, coupait des tendons, des muscles, tournait sa lame. Encore une fois, ses gestes étaient si précis qu’ils paraissaient maintes fois répétés, comme un acteur jouant son rôle pour la centième fois. De temps à autre, le pied du cadavre tressautait sous l’action d’un nerf pincé, mais il n’y prêtait pas attention, concentré sur son oeuvre. Délicatement, il sectionna les derniers bouts de peau et la jambe retomba dans la neige, accompagnée par un petit bruit mou. Il s’attaque à au second membre et si son entrain semblait plus bas, comme s’il prenait moins de plaisir maintenant que sa victime était décédée, il conservait la même maîtrise de ses mouvements. Il subit le même sort que le premier.

L’homme s’arrêta alors un instant. Il observa cette femme qui, découpée en six morceaux, gisait à ses pieds telle un morbide puzzle. Le sang coulait toujours un peu aux endroits à vifs, rejoignant la neige à moitié fondue. Glissant les membres inférieurs sous son bras, il attrapa le bras de la femme et la tira tant bien que mal vers les buts où se trouvaient déjà le scalp et les rotules. Le corps traçait une large ligne rouge sur la glace. Il laissa tomber les jambes au sol, projetant des nouvelles gouttes de sang, puis mit ses mains sous les aisselles de la femme pour la hisser contre l’un des poteaux. Il la cala fermement, se servant des jambes comme de béquilles qu’il glissa sous les bras. Les mains furent placées avec minutie sur les pieds bottés, chaque doigt étant soigneusement manipulé dans le but d’obtenir le meilleur résultat. Ressortant son coutelas, il l’enfonça dans la bouche du cadavre avant de tirer sur un côté, puis sur l’autre, coupant la peau des joues en un sinistre masque souriant.

L’homme se releva, jaugea son oeuvre du regard. Il attrapa l’une des rotules, la cacha dans sa poche, reprit son arme avant de faire volte face et de s’éloigner à grand pas sous l’oeil froid de la pleine lune.

Je vous laisse imaginer la surprise des enfants quand ils revinrent le lendemain, chahutant gaiement, lançant des paris quant à l’équipe qui gagnerait le match de cet après-midi, pour tomber sur un lac souillé de traînées sanglantes, un cadavre démembré leur souriant depuis l’un des but.

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