Semaine 18.5 - Lison et Auguste

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Il ne savait pas quoi dire d'autre. Le regard inquisiteur de la mère l'impressionnait beaucoup. Elle, de son côté, ne savait que penser du jeune garçon à sa porte. Entre son teint blafard, sa toux persistante et ses vêtements qui, de manière évidente, semblaient de la plus fine qualité, il détonnait au milieu de la ferme paysanne. Elle répondit à sa salutation du bout des lèvres.

- Veuillez m’excuser de vous déranger, madame, mais Lison est-elle là ?

Elle fronça les sourcils.

- Qui la demande ?

- Oh. Je m'appelle Auguste. Auguste Palanquier.

Il lui tendit la main mais la femme ne la lui prit pas. Après l'avoir laissée suspendue dans l'espace entre eux pendant un instant, il la laissa retomber contre son flanc, étouffant une nouvelle toux. Elle croisa les bras, visiblement peu amène, et il se sentit tout petit sous son regard, bien qu'elle lui arrivât au menton. Il dut se retenir de baisser la tête et de reculer. Enfin, elle reprit la parole :

- Lison est malade et alitée. Elle ne prend aucun visiteur, précisa-t-elle d’un ton qui indiquait clairement qu'il n'entrerait pas.

Un frisson froid parcourut Auguste. Lison, malade ? Il déglutit.

- Mais... elle va bien ?

La matrone décroisa les bras, agitant son rouleau sous le nez du garçon.

- Écoutez, monsieur, je ne sais pas trop d'où vous connaissez ma fille, mais vous ne l'approcherez pas.

- Mais...

- Oh, je connais bien votre type, le garçon riche qui pense que tout lui est dû. Eh bien sachez que ma fille n'est pas pour vous.

Il cligna des yeux, ne comprenant qu'un mot sur deux tant sa surprise était grande. Puis il rougit brusquement en saisissant le sous-entendu, aussi gêné qu'énervé. Il remonta les lunettes sur son nez avec un geste nerveux.

- Je ne m’intéresse pas à Lison de cette manière-là, je vous l'assure, elle est mon amie.

La femme roula exagérément les yeux.

- Bien sûr, bien sûr. Maintenant, déguerpissez, ordonna la matrone, affermissant sa poigne sur le rouleau.

Auguste ouvrit la bouche pour répliquer et protester mais la vue du lourd ustensile le fit taire. Il toussa et recula d'un pas.

- Ecoutez, je suis désolé de vous avoir dérangée. Pourriez-vous dire à Lison que je suis passé s'il-vous-plaît ? Je m'en vais, ne vous inquiétez pas.

Sa gorge se serrait. Avant de perdre contenance, il fit volte face et partit d'un pas vif. Ses poumons le brûlaient mais il n'y prêtait pas attention.

Alors que sa mère claquait la porte et retournait à sa pâte, Lison se redressa sur un coude, peinant à garder les yeux ouverts tant elle était fatiguée.

- Qui était-ce, maman ?

Sa voix était enrouée par la grippe. Sa mère se tourna vers elle, le visage soucieux. Elle posa le rouleau sur la table, essuya sa main sur son tablier et la posa sur le front de sa fille.

- Tu es encore très chaude. Reste tranquille et repose-toi.

Lison se laissa tomber sur les couettes. Malgré les épaisses couettes entassées, elle frissonnait. Sa mère semblant préoccupée, elle tenta un sourire mais il sortit plus comme une grimace qu'autre chose .

- Et pour te répondre, poursuivit sa parente dans le but de la distraire, ce n'était qu'un garçon. Il disait te chercher, mais ne t'inquiète pas, je l'ai chassé. Non mais franchement, les gamins de nos jours...

Elle retourna à son ouvrage. Lison se releva vivement, alarmée.

- Mais, Lison... ?

- Maman, ce garçon, vous a-t-il dit son nom ?

- Auguste... Lison, as-tu fait une bêtise ? Je t'ai bien dit pourtant de ne pas t'approcher des garçons, tu es trop jeune !

Lison soupira et serra les dents, énervée. Elle cligna furieusement les yeux, tentant en vain de rassembler des pensées cohérentes. Le sang pulsait avec violence sous son crâne.

- Maman, Auguste n'est pas juste un garçon, c'est mon ami. Jean !

Son petit frère s'approcha, visiblement amusé de la confrontation entre sa mère et sa sœur.

- S'il-te-plaît, dis-moi que tu as bien passé le message que je t'ai donné y'a trois jours.

- Ah.

L'enfant fouilla dans ses poches et en tira un morceau de papier déchiré. Il secoua la tête, plus intrigué qu'effrayé.

- Non, j'ai pas trouvé la maison.

Lison retomba sur le matelas. Elle leva une main et la posa sur son front dans un effort de calmer la brûlure de la fièvre, sans effet.

- Lison, pourrais-tu m'expliquer un petit peu ? proposa sa mère, croisant les bras sur son imposante poitrine, le regard torve.

- Et il est sorti, non mais quel imprudence...

Sa mère s'approcha, croyant qu'elle délirait encore, mais elle la repoussa. Installée contre la tête de lit, luttant pour garder la tête droite, la jeune fille lui expliqua aussi concisement qu'elle le put sa relation avec Auguste, appuyant sur le côté parfaitement non-physique de celle-ci. Quand la femme apprit la condition fragile du garçon, elle fronça les sourcils.

- Et pourtant il est sorti ?

Lison soupira bruyamment, expulsant l'air de ses poumons.

- Eh bien apparemment ! Le pauvre, il devait juste s'inquiéter...

Elle secoua la tête, incrédule quant à la bêtise et à l'inconséquence de son ami. Sa mère serra les lèvres. Elle frotta encore ses mains sur son tablier avant de l'ôter et de prendre son manteau à la place.

- Vous faites quoi maman ? demanda le petit Jean, froissant le papier dans son poing.

- Lison, où habite ton ami ? Je me suis mal comportée, ajouta-t-elle face à l’air parfaitement stupéfait de sa fille, et je déteste mal me comporter à tort.

La jeune fille eut envie de rire tant la scène lui était incroyable mais, sa mère paraissant parfaitement sérieuse, bien que légèrement excédée, elle se retint et lui expliqua du mieux qu'elle le pouvait le chemin. Quand elle partit, Lison se glissa sous ses draps en répétant à quel point le monde ne tournait pas rond. Jean la fixa un instant, pensa que les filles étaient vraiment trop compliquées puis retourna au bilboquet qu'il avait abandonné.

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