10.

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Je garai notre voiture de police devant la maison des Owonko, suivi de près par le véhicule où se trouvaient l'Adjudant Adowa et une nouvelle recrue, le sergent Kassé, ceci afin de nous aider à mener à bien la perquisition.

Une fois le frein à main tiré, je me tournai vers Dawilé, qui s’apprêtait à descendre de la voiture.

  • Tu sais, je… je tenais à m’excuser.

Il me regarda, surpris.

  • Pourquoi ?
  • Tu avais raison depuis le début, concernant les Owonko, répondis-je, un peu penaude. Je ne pouvais… ou du moins ne voulais pas m’imaginer qu’ils étaient impliqués dans la mort de Tamara. J’ai préféré leur faire confiance plutôt qu’à ton jugement et j’en suis désolée.

Il me fixa un moment avant d’esquisser un sourire en m’effleurant le visage et le cou.

  • Akawo, n’importe qui à ta place aurait agi de la même manière, dit-il en me prenant la main. Tu es la femme la plus forte que j’ai jamais rencontré. Tu as perdu ta meilleure amie et malgré tout ce qui s’est passé ces deux derniers jours, tu parviens à garder ton moral d’acier et tu as pu en cinq minutes trouver le fil conducteur de cette enquête. Alors, ne te reproches rien.

Je pressais fortement la main de mon ami avec un léger sourire et sortis de la voiture. Adowa et Kassé nous attendaient déjà sur le trottoir, devant les grilles de la porte d’entrée.

  • Ok, les gars, leur dis-je en portant sur la manche de mon uniforme le brassard spécial rouge de la police que nous arborions généralement que lors de ce genre d’interventions. On y va, ajoutais-je en sortant la commission rogatoire de ma poche.

Je sonnai à la porte et au bout d’un moment, Mme Owonko vint nous ouvrir.

  • Akawo ?
  • Bonjour Mme Owonko, veuillez nous laisser entrer, s’il vous plaît, lui intimais-je calmement en lui montrant ma carte et en entrant dans la maison, suivi de près par mes collègues.
  • Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle sur un ton péremptoire.
  • Madame Owonko, nous sommes ici pour perquisitionner votre domicile, lui répondis-je, tout en lui montrant la commission rogatoire.
  • Mais pourquoi ? Pourquoi ? Déjà que mon fils est en prison, il faut encore que vous veniez nous importuner ! Tu nous connais mieux que ça ! Je pensais que Tamara était ton amie, mais tu ne méritais pas son amitié, m’apostropha-t-elle avec colère. Tu es vraiment sans vergogne.

Ses paroles blessantes me touchèrent profondément, mais je n’en laissais rien paraître.

  • Vous feriez mieux d’appeler votre mari, Madame Owonko, s’il n’est pas sur place, lui dis-je tout simplement. Lieutenant Koma, nous allons monter à l’étage. Adowa et Kassé vont, quant à eux, inspecter le rez-de-chaussée.

Une fois à l’étage, Dawilé me proposa de se partager les tâches.

  • Je vais m’occuper de la chambre de Tamara pour commencer, puis celle de Youssou. Tu peux pendant ce temps t’occuper de la chambre des parents et du bureau de Owonko.
  • Ok.

Je me rendis dans la chambre des Owonko et elle était curieusement moins vaste et plus simple que je ne l’avais pensé. Je commençais mon inspection par leur grand lit, plus précisément en retirant les draps puis en soulevant le matelas. Rien.

Une demi-heure plus tard, je n’avais rien trouvé de particulier, dans leur salle de bain privée en passant par leur dressing et leurs placards respectifs. Je me rendis ensuite directement dans le bureau de Madou Owonko.

Assez cosy, dans les mêmes proportions que leur chambre, le bureau comportait une table taillée dans un bois brut, à l’image de son propriétaire. Une étagère rempli de livres plus ou moins épais et de boîtes archives était calée sur un pan de mur à côté d’une fenêtre fermée mais dont les rideaux avaient été laissés ouverts pour éclairer naturellement la pièce.

Je fis le tour de la table et ouvrit un à un les tiroirs qu’il comportait.

  • Tu t’en sors ? me demanda Dawilé en entrant dans la pièce.
  • J’essaie, répondis-je en tentant d’ouvrir un des tiroirs, qui semblait récalcitrant. Et toi ?
  • Regarde ce que j’ai trouvé, me dit-il en brandissant des feuilles de petit calibre dans sa main, avant de les poser devant moi sur le bureau.
  • Qu’est-ce que c’est ?
  • Dans la chambre de Tamara, j’ai retrouvé des pages manquantes de son agenda, bien pliées et planquées dans son coffre à maquillage. Regarde cette page en particulier.

Je regardais de plus près la page déchirée que me montrait Dawilé du doigt et je reconnus immédiatement l’écriture soignée de Tamara. Il s’agissait d’un pense-bête rédigé à la va-vite à l’encre noire, à travers la page du jour où elle avait été tuée.

RDV avec Massikeh D. ---> 23h30

Je levais les yeux vers mon coéquipier.

  • Massikeh D. ? Qui ça peut bien être ?
  • Le type à l'œil de verre, sans aucun doute. C’est sans doute sa véritable identité et même si le nom de famille nous manque, c’est un bon début. J’ai transmis l’info à Gassoba. Actuellement, la Section de recherches est en train de mettre des hommes sur le coup pour le rechercher dans leurs base de données. Mais si Owonko est cuit, il nous donnera sûrement de quoi appréhender ce type. Qu’est-ce qu’il y a ? ajouta-t-il en me voyant bouche bée, les yeux baissés sur le tiroir que j’étais parvenu à ouvrir.

Je sortis doucement du tiroir le pendentif en argent où la fameuse améthyste était incrustée. Le bijou se balança légèrement entre mes doigts et se mit à étinceler doucement à la lumière du jour. En le retournant, nous pûmes voir que le prénom TAMARA qui y était gravé.

  • Mais que que ça veut…, tonna une voix colérique depuis le seuil de la porte.

Madou Owonko, dans son élégant costume, sembla défaillir en me voyant tenir le pendentif de Tamara.

  • Madou Owonko, annonçais-je sans ambages en me levant, tandis que Dawilé allait lui mettre les menottes, vous êtes officiellement en état d’arrestation pour avoir commandité le meurtre de Tamara Owonko, pour complicité et également pour entrave dans une enquête criminelle et dissimulation de preuves.

  • Madou ! se mit à hurler Mme Owonko, le visage humide de larmes, en nous voyant redescendre avec son époux qui avait les menottes aux poignets. Qu’est-ce qui se passe ? Il t’ont arrêté ? Mais pourquoi ?
  • Madame Owonko, nous devons amener votre mari au poste de police, déclarais-je en ouvrant la porte de la maison, tandis que Adowa et Kassé encadrèrent Owonko pour le mener vers la sortie.
  • Quoi ? Mais… Il n’a rien fait ! s’écria-t-elle, au bord de l’apoplexie.
  • Chérie, lui dit Madou Owonko en regardant droit devant lui, ne t’en fais pas, je serais de retour d’ici ce soir. Appelle le cabinet d’avocat pour joindre Maître Baldé et mets le courant, qu’il me rejoigne au poste de police de Arobo immédiatement !
  • Akawo, tu devrais te charger de l’amener au poste avec Kassé, me suggéra Dawilé dans un murmure. Moi et les autres, on va continuer à chercher d’autres preuves ici, on ne sait jamais.
  • D'accord, si tu as du nouveau tu me préviens, ok ?
  • Ok. On se revoit au poste, dit-il en me remettant les deux sacs en papier Kraft qui contenaient chacun les pièces à conviction trouvées sur place, à savoir le pendentif et les feuilles déchirées de l’agenda de Tamara.

Le sergent Kassé était déjà en train de faire baisser la tête de Owonko, pour lui permettre de s’installer à l’arrière de la voiture sans se cogner. Je me mis au volant tandis que Kassé enfilait sa ceinture de sécurité sur le siège passager.

  • C’est bon, sergent ? lui demandais-je sur un ton rassurant pour le mettre à l’aise, une fois qu’il eut fini. On peut partir ?
  • Oui, Capitaine, répondit-il en hochant vivement de la tête.
  • Très bien.

Nous quittions le quartier résidentiel des Owonko et je m'engagai dans un carrefour non loin, qui menait directement sur une autoroute. Je bifurquai sur ma droite, pour reprendre ensuite une autre route, qui menait directement à notre poste de police. Après réflexion, je décidai de prendre finalement un raccourci avant un rond-point puis effectuai un demi-tour, sur une route déserte et sablonneuse.

  • Capitaine, dit l'agent Kassé, qui semblait intrigué en regardant par sa vitre. Attendez, ne devrions-nous pas prendre le chemin inver...

La décharge électrique qu’il reçut au niveau de l’abdomen le fit tressaillir pendant de longues secondes, avant qu’il ne perde connaissance.

Je rangeai mon pistolet électrique dans ma poche, avant de descendre ouvrir la portière côté passager. Je sortis le corps inconscient de Kassé de la voiture, en le tirant par les jambes jusqu’au bord de la route. J'allai ensuite repositionner correctement les sacs en papier Kraft sur le siège avant, puis referma la portière pour revenir m’asseoir à ma place habituelle.

  • Mais qu’est-ce que…! s’exclama d’une voix blanche Madou Owonko.

Je ne répondis pas et redémarrai la voiture. Les mains sur le volant, mes yeux se levèrent sur le rétroviseur central et mon regard croisa celui de mon père biologique. Le sien était horrifié, ce qui me procura une grande satisfaction, avant de porter à nouveau mon regard sur la route, qui menait tout droit vers le littoral.

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